La première fois que nous avons vu une réalisation de l’artiste TEGMO (prononcez Tejmo, NDLR) sur les murs de Rennes, c’était l’année dernière, en septembre 2022. Celle-ci était nichée en hauteur sur un pan du mur de la célèbre boite de nuit de la rue Vasselot, Le Batchi. Composée de petits miroirs assemblés minutieusement les uns aux autres, l’œuvre embellissait la façade grâce aux derniers rayons de soleil venant se réfléchir dessus. De plus, selon notre position, l’objet permettait de découvrir des vues improbables sur les immeubles voisins. Bref, cette pièce unique a immédiatement captivé notre regard et notre intérêt.
Dès lors, nous prenons un malin plaisir à scruter les murs lors de nos pérégrinations urbaines dans le centre-ville, espérant secrètement découvrir d’autres créations de l’artiste. Il y en aurait 16 dispersées en tout, perso, on est encore loin du compte !
Réfléchir : verbe intransitif – Faire usage de la réflexion.
Voilà dix ans que TEGMO s’est immergé dans l’univers complexe de la création de vitraux, amorçant ainsi une aventure artistique singulière. Autodidacte, il s’est lancé tout seul dans l’aventure « sur un coup de tête », comme il le dit lui-même. Ce n’est que quelques années plus tard, sous le conseil d’un ami proche, qu’il décida de poser ses créations originales à même les murs de Paris.
« J’ai commencé à apposer des pièces en extérieur à partir de la fin 2019. Mais au départ, c’était vraiment pour faire plaisir à mon pote ! J’avoue qu’à l’époque, je n’y connaissais pas grand-chose à l’art urbain, je ne m’y intéressais pas encore. »
C’est ainsi que sa première pièce en mode street-art a été un terrarium. Et pourquoi donc ? La raison est simple : le jeune homme est un touche-à-tout. Dans une vie antérieure, TEGMO exerçait le métier de fleuriste !
« Je me souviens avoir intégré un miroir à l’intérieur du terrarium pour renforcer l’ensemble. Posé sur ce mur en béton, sans âme, cela créait un effet de miroitement, un effet mirage. »
Avec sa bonhomie et gentillesse qui le caractérise, TEGMO garde un excellent souvenir de cette soirée qui fut, somme toute, épique !
« Je devais positionner le terrarium sur une portion d’un pont en béton. N’ayant jamais fait cela et ne sachant pas trop comment m’y prendre, j’avais loué un perforateur pour la journée, prévu une grande échelle et d’autres bricoles. Malheureusement, à trois mètres de hauteur, sur une échelle pas stable, avec un outil aussi bruyant que difficile à manier… Cela n’a pas vraiment fonctionné (rires). Ça s’est fini à la colle, et le perforateur n’a servi à rien du tout ! »
Mais cela ne l’a pas arrêté. Bien au contraire. Depuis, TEGMO s’est pris au jeu emporté par l’adrénaline, et les balades nocturnes. « J’ai trouvé cela grisant. »
Ses premières œuvres se composaient de miroirs, le plus souvent récupérés ici ou là, et aussi de plantes. Aujourd’hui, les miroirs sont toujours là, les plantes un peu moins.
« C’est devenu complexe de dénicher les emplacements adéquats qui offriront tout ce dont une plante a besoin : de l’eau et un peu de soleil. »
D’autant plus que TEGMO confesse se balader le plus souvent la nuit, et colle désormais « au feeling ». Un coup de cœur pour un lieu, et hop, la pièce, dissimulée avec le pistolet à colle dans son sac à dos, est rapidement sortie, apposé en quelques gestes devenus plus précis et habiles avec l’expérience.
« Je ne colle pas une pièce en fonction des reflets qu’elle peut provoquer. D’autant plus que je le fais en nocturne. Mais il faut savoir que mes pièces sont fractionnées, parfois avec un coté kaléidoscopique, telles qu’il est impossible de se voir dedans ! »
Car la magie de l’art de TEGMO réside dans la mise en lumière du monde extérieur qui nous entoure, tout en luttant contre le mal du siècle : ce côté selfi-égocentrique du « Moi je« .
« Une phrase d’accroche pour résumer mon travail dans la rue serait celle-ci : percevoir le monde qui nous entoure ! »
Ainsi, curieux et curieuses s’offrent l’opportunité de contempler selon leur propre mouvement par rapport à la pièce des reflets totalement singuliers qui demeureraient insaisissables voire impossible autrement.
Aujourd’hui, TEGMO commence à se tailler une place dans l’univers du street-art. Des interviews, des interventions de plus en plus remarquées, des expositions, des photos instagramables de plus en plus rapportées, likées sur les réseaux sociaux.
« Je ne cherche pas plus que ça la notoriété, même si certains retours sont plaisants. D’ailleurs, j’évite de plus en plus de signer mes œuvres, et j’ai horreur des réseaux sociaux. »
Malgré tout, le talent ne triche pas. Et des commandes privées affluent.
« J’ai des sollicitations à droite et à gauche ce qui me permet de vivre de ma passion, qui était à l’origine un simple passe-temps (rires…). C’est chouette, même si ça me laisse moins de temps pour aller coller. »
+ d’1fos :
En l’espace d’un week-end, TEGMO a disséminé près de 16 œuvres dans le cœur historique de Rennes. Bien que l’artiste conserve un inventaire sommaire, nous avons délibérément choisi de ne pas lui demander les emplacements exacts, préférant ainsi préserver l’élément de surprise. À l’heure actuelle, nous en avons identifié environ huit. Il nous reste donc du travail d’investigation, vous avez également votre rôle à jouer !
Page Insta de TEGMO : https://www.instagram.com/tegmo_/
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