Street Art: Héol, la beauté fauve

bandeau tête

Apparus sur les murs de Rennes ce vendredi 28 décembre, vous ne les manquerez pas si vous ouvrez l’œil : une dizaine de portraits énergiques, colorés d’un pinceau si large et téméraire qu’on s’étonne qu’il puisse produire d’aussi subtiles vibrations. Celui à qui on les doit nous a laissé le suivre sous la bruine, en quête de lieux d’accueil pour ses demoiselles bigarrées.

Rencontre avec Héol, peintre véloce, fauviste vorace.

 

LE MÉTIER DE PEINTRE

Il faut le voir peindre. Avec le corps qui balance, comme calé sur la mesure d’un morceau de funk : il a le trait facile et c’est une sorte de super-pouvoir, un truc injuste, une grâce. Un héritage? Sa mère dessinatrice amateure pour le coup de pinceau, son père marionnettiste professionnel pour le goût du spectacle… Il dit pourtant avoir conquis son aisance graphique de haute lutte, avec le travail comme vertu cardinale :

« Une secrétaire, elle est obligée de travailler de 9 h à 18 h ; un peintre c’est pareil, il doit être peintre tous les jours. Je dessine depuis que je suis tout petit. J’ai longtemps bossé le contour, de manière automatique: je me suis entraîné à « scanner » un visage mentalement et à en faire le portrait sans regarder ma feuille. J’ai appris à m’adapter à tous les styles, à peindre ou dessiner à la façon de n’importe qui. Quand on est graphiste pub, on s’intéresse à toutes les écoles : on doit rester très ouvert… »

heol_gare

C’est en effet dans le graphisme publicitaire que le jeune Héol a d’abord envisagé de faire carrière, et c’est ce à quoi il s’est formé au lycée des métiers d’art d’Auray. Mais une fois le bac pro en poche, le doute s’installe : si le métier l’intéresse, il est beaucoup moins enthousiasmé par la perspective du travail en agence avec ses contraintes hiérarchiques.

« Je me suis dit que j’allais essayer de vivre de mon art. Je me suis donné jusqu’à 25 ans ».

Il s’aménage alors un atelier dans un ancien poulailler en forêt de Paimpont, y prépare une série de portraits qu’il présente pour la première fois en 1999, lors d’un festival de théâtre et d’art à Lizio (Morbihan) : en quelques jours, la vingtaine de toiles est entièrement vendue. Arrivent rapidement les premières commandes :

« J’ai dû m’adapter au client, accepter qu’on vienne me dire : « celui-là, je le préfèrerais en vert, pour ma salle à manger ». On est entre la création pure et la réponse à une demande; il faut aussi aider la personne à définir précisément ce dont elle a envie, ça relève d’un travail psychologique (…). Je veux continuer de travailler pour les gens, rester sociable. Mon ego-trip artistique, j’aurai tout le temps de le faire quand je serai vieux ».

C’est sans doute là le secret de sa réussite: les désirs des autres ne sont pas trop vulgaires pour lui, d’autant moins qu’il a les compétences techniques pour les satisfaire. Le jeu avec la contrainte, qui n’était après tout pas moins forte pour bien des grands maîtres du passé, est un plaisir. Héol ne s’encombre pas d’un idéal de pureté artistique, ni ne prend une posture de prophète au milieu des profanes : il se rend seulement utile dans la joie, la couleur et la bonne humeur.

Toy-Me

Pas étonnant, dès lors, que tombent de temps à autre quelques grosses commandes, qui le ramènent souvent à sa vocation première de publicitaire. Parmi de nombreuses prestations – pour la filière agricole bleu-blanc-coeur récemment, ou pour les peintures Liquitex– on citera l’impressionnante performance réalisée pour une marque de bière notoirement infecte :



Bouteille desperados 6juin2008 par heolart

« Despé m’a contacté pour avoir la vidéo d’une petite performance que j’avais faite. Je leur ai proposé cette bouteille géante à la place, qu’ils m’ont achetée 2000€. La vidéo a circulé en interne et quelques années plus tard, la branche polonaise m’a demandé d’aller répéter la performance là-bas : j’y ai gagné 30 000 € en deux jours ».

 

LE GOÛT DES AUTRES

Peintre vénal, Héol ? S’il a comme tout le monde un loyer à payer et un frigo à remplir, on peine à voir là son unique motivation. En témoignent certains projets menés à perte, comme cet atelier récemment monté avec des gamins de la MJC Grand Cordel et pour lequel il dû, restrictions budgétaires obligent, mettre plusieurs centaines d’euros de sa poche. Ou encore l’album de voyage impressionnant qu’il a constitué entre 2009 et 2011, tandis qu’il se paye une traversée des continents africains et américains avec des brosses et des pots de peinture. Peintre habile, voyageur virtuose: Héol négocie ses fresques contre le gîte et le couvert, paye ses bières avec des portraits et suscite la rencontre par le dessin. Comme ce matin-là, à Mexico:

« Je débarquais juste de l’avion. Les gens prennent leur petit-déj’ dehors, là-bas. J’ai fait comme eux, me suis assis à une table, j’ai commandé un café, une feuille et un stylo. À ce petit vieux qui était là, j’ai demandé si je pouvais faire son portrait : étonné, il a accepté. Je le lui ai donné, il l’a regardé et à ma grande surprise, il a fondu en larmes ! Il disait qu’on ne lui avait jamais fait ça, m’a pris dans ses bras et a payé les cafés ».

vieux mexicain

Aller vers les autres, travailler avec eux. Le garçon, depuis toujours, la joue collectif : ses collaborations sont innombrables, que ce soit avec des groupes de musique (Hocus le Grand, Gangamix, SPK Link) ou des collègues plasticiens. Il est ainsi le cofondateur, en 2005, des Agîtés du bocal : ce grand atelier partagé et constitué en association accueille aujourd’hui une dizaine d’adhérents dans ses locaux de la route de Lorient. Héol, qui s’est entre-temps installé à l’Elaboratoire, a finalement choisi d’aménager prochainement un nouvel atelier à la Chapelle-des-Fougeretz : en plus d’un surcroît d’espace et de confort, il y retrouvera le graphiste Greg B. et le vidéaste Marvin Michielini, ses deux plus proches collaborateurs. Ils y installeront leur structure « MicMac factory », qui proposera diverses prestations en rapport avec le travail de l’image sous toutes ses formes : depuis le spot publicitaire, jusqu’à la peinture-performance et sa captation vidéo.



essai V2 avec légère modifs courbe par heolart

Héol, Montage Marvin Michielini, 2012

Parce que la performance, on l’aura compris, c’est l’autre dada d’Héol. Dans cette démarche, initiée lors de ses premières collaborations musicales en 1999, il a trouvé une manière de mettre à profit sa vitesse de travail impressionnante et son goût du contact et de la mise en scène. Certains se souviendront de l’immense fresque de 500 m² réalisée en l’espace de 6 h au Parc Expo, lors des Transmusicales 2006. Ses productions récentes (voir ci-dessus) prennent encore une toute autre ampleur avec la participation, notamment, de ses collègues de la MicMac factory.

 

LA RUE ET L’AIR DU TEMPS

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Héol & Poïti , La Courrouze 2011. (c) expotempo.blogspot.fr

Et la rue, alors? Héol avoue n’en être pas un spécialiste. La culture graffiti lui échappe largement. Simplement, l’espace de la fresque convient parfaitement à cet amateur du grand format, qui compte quelques prouesses à son actif (ci-dessus, en collaboration avec Poïti – Peintures de guerre). Et puis il y a toujours ce besoin de garder le contact :

« Offrir des portraits sur les murs, comme ça, c’est une manière de rester dans l’air du temps, montrer que je suis là. En même temps, c’est un joli coup de pub ».

De la pub, certes. On en a subi de plus désagréables.

 

 

 

Heol_cabine

Héol, 28/12/12

4 commentaires sur “Street Art: Héol, la beauté fauve

  1. Marie Robin

    Ce que je viens de lire me semble être un portrait fidèle d’Héol, sous toutes ses facettes. Une énergie à l’état pur, un don extraordinaire, un sourire qui en dit toujours long, un regard aiguisé sur le monde, des couleurs plein la tête, un courage à toutes épreuves…Héol est un funambule de la vie, un rayon de soleil, un être céleste la tête dans les étoiles, mais les pieds bien ancrés sur terre. Je suis heureuse de le voir mener sa barque, avec à son bord les êtres qui lui sont chers, et sur les rives, ceux qu’ils n’oublient jamais. Chapeau bas, l’artiste !

  2. Bomber

    Juste une petite question quand vous dites « en collaboration avec Poïti – Peintures de guerre » cela signifie qu’avec Poïti ils forment peintures de guerre ou que tout simplement Poïti est peinture de guerre ?

  3. gaelt

    Poïti = Peintures de guerre.

  4. Anonyme

    peindre sur les murs = mettre de la peinture sur les murs !

    Coller des affiches ou peindre des palissades de bois (avec travail et talent), c’est autre chose.

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