À Rennes, on voit fleurir ici ou là un drôle de personnage, reconnaissable entre mille. Avec ses yeux alignés horizontalement sur une large bouche dévoilant des dents du bonheur… Il est inratable, et capte l’attention. Cette créature fantasmagorique, appelée Bobbie, est née de l’imagination prolifique de Baxter, street-artiste rennais depuis 2023. Ce dernier réinvente ainsi l’espace urbain avec une certaine poésie teintée d’innocence.
Baxter à la vingtaine, et des rêves pleins la tête qui débordent jusque dans son sac frappé du logo d’une école d’art qu’il porte sur l’épaule. Malgré son jeune âge (soyons honnêtes, par rapport à nous, hein…), il a déjà parcouru des capitales mondialement connues pour leur effervescence artistique : Berlin, New York, pour ne citer qu’elles. Mais ces dernières, fascinantes mais exigeantes, peuvent être dures à dompter, et c’est donc à Rennes que Baxter a décidé de poser ses valises en 2023. Pour lui, la ville a tout pour plaire : une ambiance conviviale, un territoire à taille humaine et une scène artistique bouillonnante. « À Rennes, il y a mille choses à faire notamment dans la musique. Si je ne devais citer qu’un lieu dédié à la jeunesse, ce serait l’hôtel pasteur. »
Et depuis, ça pétille, ça bouillonne, ça expérimente. Le garçon s’essaye à de multiples disciplines artistiques : rap, art plastique, collage, graff… « Je suis un rêveur, et j’ai la volonté de devenir un grand artiste », nous déclare-t-il dans un large sourire. Et pour cause. La passion du dessin, chez lui, remonte à l’enfance, au point qu’une simple feuille A4 devenait vite trop étroite pour accueillir ses créations. Alors, au lycée, avec sa pote Zazou, il a commencé à expérimenter : « On s’amusait à coller nos propres stickers. On s’inspirait mutuellement. C’est comme cela que tout a commencé. » Ça, et les ennuis, après s’être fait choper en pleine action. Mais bon. C’est le métier qui rentre, comme on dit !
Et puis au fil du temps, Bobbie est apparu. Comme une évidence. « Le principe est simple : deux yeux, une bouche en haut, une bouche en bas. Quand on le retourne, il passe d’un sourire à une expression triste, comme désespérée. Quand j’en ai pris conscience, ça m’a fasciné. C’est devenu un symbole, un concept puissant qui s’est imposé naturellement. Il m’a plu, alors je l’ai intégré à mon travail dans la rue. En plus, c’est super simple à dessiner. J’aime ce principe de faire quelque chose de minimaliste mais percutant. »
Depuis, les Bobbies fleurissent un peu partout dans la ville. Tantôt cachés dans des recoins discrets, tantôt visibles de tous, les personnages intriguent et amusent. Contrairement à d’autres street-artistes, Bexter ne prémédite rien. Chez lui, tout fonctionne à l’instinct. Posca PC-17K en poche, chemin faisant, seul ou avec sa bande de potes, de jour comme de nuit, l’occasion fait le larron. À l’instinct, quoi. « Je ne fais pas ça sur des voitures, des portes d’entrées par exemple. Par contre, j’aime travailler sur l’arrière des panneaux, des mobiliers urbains comme ceux d’EDF, de La Poste ou des trucs déjà abîmés. L’idée est quand même de toujours rester bienveillant et positif. »
D’ailleurs, en parlant de bienveillance, chaque Bobbie s’accompagne généralement d’une phrase douce, amicale ou attentionnée, ou simplement d’un cœur. Une positive attitude qui ne déplairait sans doute pas à Raffarin. « Les Bobbies sont des mises en situation avec une phrase qui fait tilt, un peu comme un déclic. Cette approche m’a été inspirée par relaxadult, un artiste que j’apprécie énormément. Ses dessins, qui peuvent sembler presque maladroits à première vue (rires), sont toujours accompagnés de textes hyper percutants. Ce concept m’a fasciné et donné envie de l’explorer à ma manière. » Pas étonnant, donc, que la liste de ses inspirations inclue des noms comme Keith Haring, Shepard Fairey ou Basquiat, des artistes connus pour leur capacité à toucher un large public. Baxter partage cette vision : « À travers la création, je me fais plaisir, mais je peux aussi créer un impact positif sur les autres grâce à l’énergie que j’impulse dans mes œuvres. »
À force d’avoir l’œil en alerte, on croise des Bobbies de plus en plus souvent. Mais Baxter tempère. Selon ses propos, il n’en fait pas tant que ça. La preuve, c’est qu’il « procrastine beaucoup. » D’autant plus que ses autres activités lui prennent une bonne partie de son temps. Il faut dire que ses œuvres ont tendance à rester en place assez longtemps accentuant cette impression d’omniprésence. « Dans le milieu du street-art à Rennes, il me semble être accepté, tout comme je respecte certaines règles. Il n’y pas de concurrences. Et pour la blague, j’ai déjà vu du mobilier nettoyé intégralement sauf mon dessin. »
Alors, oui, sur les murs de Rennes-La-Rouge, les Bobbies de Baxter détonnent, se démarquent des indémodables All Colibris Are Beautiful et autres des tags révolutio-marxo-léniniste. Mais après tout, il faut de tout pour faire une ville, non ?
Quant à l’avenir, Baxter rêve à demi-mot de rejoindre Bruxelles, cette capitale bouillonnante où se croisent événements, musées, théâtres, salles de concert et galeries d’art. Ou peut-être retenter sa chance outre-Rhin. Mais pour l’instant, le street-artiste préfère se concentrer sur l’évolution de son Bobbie et peaufiner de nouvelles techniques de graff pour enrichir ses créations. En attendant, il récupère doucement d’une soirée open-mic réussie à l’Élabo, organisée avec son crew DDNC (Digne De Ce Nom, NDLR). Du Posca pour graffer au stylo pour raper, finalement, peu importe l’outil, seul le message reste gravé !
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