Accès aux documents médicaux : la justice donne raison à une famille en deuil, le CHU de Rennes condamné

Un événement indésirable grave lié aux soins (EIGS) est un incident survenu au cours ou à la suite d’un acte de soin, qui entraîne des conséquences négatives importantes pour le ou la patient·e. Il peut s’agir d’un préjudice grave, voire du décès, et il est souvent évitable.
La genèse de la plupart des EIGS est multifactorielle et fait notamment intervenir des risques inhérents aux procédures de soins, à leur organisation ou à leur environnement.
Dans les déclarations d’EIGS liés aux services des urgences, les erreurs en lien avec la clinique et le diagnostic représentent le 2e type d’erreurs le plus cité, selon un rapport de la Haute Autorité de Santé.

Après deux passages aux urgences du CHU de Rennes en novembre 2020, le frère de Mme B. est décédé au retour à son domicile. Quelques jours plus tard, l’hôpital déclarait un événement indésirable grave lié aux soins reçus.
Après avoir obtenu, en tant qu’ayant droit de son frère, des informations issues du dossier médical de ce dernier relatives aux causes de son décès, Mme B s’est néanmoins heurtée à un refus concernant l’accès à cette déclaration. Malgré un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) émis le 17 février 2022, l’établissement a maintenu son refus.

Le tribunal administratif de Rennes a cependant adopté un point de vue différent. Dans un jugement rendu le 23 janvier 2024, il a estimé que la déclaration d’événement indésirable (EIGS) était bien un document administratif et que Mme B. pouvait en obtenir une copie « sous réserve d’occultation de tous les éléments, nominatifs ou non, permettant l’identification des médecins et autres personnels de santé ». Un compromis entre transparence et protection du personnel médical, en quelque sorte. Le CHU de Rennes n’a pourtant pas lâché l’affaire et s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État (ordonnance n° 24NT00864 du 18 avril 2024). En vain : la plus haute juridiction administrative a rejeté son recours, et son jugement a été rendu public cette semaine.

Conseil d’État, Chambres réunies, 20 février 2025, 493519-1

Un document, trois vérités

Dans sa décision, le Conseil d’État a posé quelques principes clairs :

  • Oui, ce document est communicable. Certes, la déclaration d’un événement indésirable grave associé à des soins ne fait pas partie du dossier médical du patient·e, mais il relève du droit d’accès aux documents administratifs, « communicable aux tiers […] sous réserve d’occultation de tous les éléments, nominatifs ou non, permettant l’identification des médecins et autres personnels de santé. »
  • La justice a estimé que ces informations étaient nécessaires « pour connaître ou éclairer les causes du décès » de son frère.
  • Non, l’hôpital ne pouvait pas refuser sa communication pour protéger son fonctionnement. L’argument de la « préservation du bon fonctionnement du service public hospitalier ou de l’amélioration de la qualité des soins » n’a pas pesé bien lourd face au droit à l’information.

Par cette décision, la justice envoie un message clair : le droit à l’information prime, à condition de préserver la confidentialité du personnel soignant.

Enfin, le Conseil d’État ne s’est pas contenté de confirmer l’accès au document : il a aussi condamné le CHU de Rennes à verser 3 000 euros à Mme B. pour couvrir ses frais de justice. Ce verdict souligne qu’au-delà des procédures et des débats administratifs, il y a avant tout une famille endeuillée en quête de réponses.

Conseil d'État, Chambres réunies, 20 février 2025,493519
Conseil d’État, Chambres réunies, 20 février 2025,
493519

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