Certain⋅e⋅s ne peuvent quitter leur home-sweet-home sans leur téléphone portable. Pour celle qui se fait connaître sous le blaze de SimOne Pictures Factory, c’est de son appareil photo qu’elle ne peut se séparer. La jeune femme, presque timide au premier abord, adore arpenter les rues de Rennes et de ses environs pour photographier au gré du hasard tout ce qui pousse sur les murs : graff, street-art, collage, pochoir.
Nous sommes nombreu.ses.x à être tombé⋅e⋅s au moins une fois sur une de ces photos via les réseaux sociaux. Comme un travail d’archive ou de recensement, elle nous montre l’évolution de la ville avec un autre regard, le sien. Portrait d’une photographe qui parle le langage des signes sur les murs.
Sourire en coin, elle nous avoue bien volontiers qu’un de ces tout premiers souvenirs remonte à son enfance. Toute petite, elle jouait avec sa bande près d’un terrain vague et abandonné entièrement recouvert de graffs. Et cela la fascinait déjà. Dès lors, le goût pour la bombe « Montana » et consorts ne l’a jamais quitté.
Pourtant, tout n’a pas été aussi rose, bien au contraire. Adolescente et virée de chez elle par son père, elle a connu la rue et les squats. Ce fut ensuite l’engrenage : la drogue et les ennuis de santé. Mais SimOne Pictures Factory a su rebondir et prend une jolie revanche sur la vie. En photographiant aujourd’hui ces lieux qui peuvent parfois lui rappeler de mauvais souvenirs, elle n’en garde dorénavant que le meilleur.
« Mon père m’a foutu dehors à l’âge de seize ans. A cette époque, je n’avais pas de thune. Je me suis retrouvée dans des endroits très glauques mais en même temps, je leur trouvais un certain charme, artistiquement parlant bien sûr. Vivre dans la rue et la photographier, c’est évidement pas la même chose. Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai pu acquérir un appareil photo. J’ai d’abord commencé par photographier mies chiens (rires…) mais très vite, je me suis passionnée pour les gens de la rue, l’art de la rue, l’architecture, la nature, le graffiti et tout ce qui se rapportait au passé. J’aime ce côté rongé par le temps. Je crois que j’ai un problème avec ça (rires…) »
SimOne Pictures Factory ne s’oblige rien, ne s’inflige rien. Aucune contrainte ni régularité dans la publication de ses photos. D’ailleurs, elle ne se revendique pas comme une professionnelle. Elle met en avant son côté autodidacte, un peu bricoleur et amateur, en mode DIY. Arrivée sur Rennes en 1999, plus aucune rue, impasse ou recoin n’a de secret pour elle. Cette passionnée marche à l’instinct laissant la part belle au hasard. Sa seule contrainte finalement serait celle de lever les yeux et de les garder grands ouverts.
Avec la mise à disposition de murs légaux par la municipalité (la liste ici), la ville accompagne bon gré, mal gré, un mouvement difficilement apprivoisable. Rennes se métamorphose et se fait connaître grâce à la présence de nombreuses fresques, créées par des artistes reconnu⋅e⋅s : Vhils, Aryz, Leito, Seth.. (Bon, certaines sont déjà recouvertes mais comme dirait l’autre, c’est le jeu ma pauvre Lucette ). Des parcours sont même organisés et commentés par l’office du tourisme, preuve que le street-art accompagne la communication des élu⋅e⋅s. Comment voit-elle alors cette évolution ?
« Le street-art ou l’art de rue me plait. Certaines œuvres sont magnifiques, il ne faut donc pas se priver de les regarder. Le côté légal a apporté beaucoup plus de couleurs, je trouve. Les artistes prennent plus le temps pour faire leurs œuvres sur un mur autorisé. Cela ne donne forcément pas le même résultat. Et puis, certains qui ont commencé par du vandale ont aujourd’hui une situation, ils sont mariés parfois avec des enfants. Ils ne peuvent donc plus se permettre de prendre autant de risques qu’avant. Les murs légaux leur permettent de continuer de graffer avec leurs potes. Personnellement, j’ai une préférence quand même pour le côté sauvage du vandale. Mais ce sont deux visions différentes qui peuvent coexister ensemble… »
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Sauvage, brut. Des termes que l’on emploierait bien volontiers pour décrire les photos de SimOne Pictures Factory. Très peu de retouche. Un recadrage ici où là. A la rigueur, un ajout de contraste mais la qualité de ce qu’elle fige numériquement prévaut avant tout.
« J’ai un faible pour les Visitors car ils sont là depuis mes début à Rennes. Leurs stickers à l’époque me faisaient bien rire. Sinon, je suis fan de Dabanadadou Lélé, La rouille, War… Mais il y en a pleins d’autres. Pour l’Urbex, je préfère de loin les usines ou les friches industrielles même si je garde un chouette souvenir d’une visite d’un château. Les mousses végétales qui sortaient des prises électriques, les vieilles tapisseries crasseuses faisaient que l’atmosphère qui se dégageait du lieu était vraiment particulière. »
Après une exposition réussie en 2015 à l’Artiste Assoiffé, SimOne Pictures Factory a pleins d’idées en tête et des projets en devenir (un marché des créateurs prévu à Rennes cet été et sûrement quelques expos à venir). En attendant, son actualité reste quotidienne. La rue lui offre un véritable vivier d’inspiration inépuisable et instantanée.
◊ Interview SimOne Pictures Factory (Imprimerie nocturne)