En mars dernier à Douarnenez, un arrêté municipal interdisant les tenues dénudées dans l’espace public a été pris. Les contrevenant·es s’exposaient alors à une amende prévue pour les contraventions de 2ème classe (soit à ce jour 150 € maximum)
Par un arrêté daté du 20 février 2024, la commune de Douarnenez a interdit à chacun·e « de circuler sur la voie publique, en dehors des plages et lieux de baignade autorisée et de leurs parkings et abords immédiats, et de fréquenter les lieux publics de la commune dans une tenue vestimentaire limitée au port du maillot de bain ou le torse nu, et d’une façon générale dans une tenue qui peut être considérée comme manifestement contraire à la décence, et ce durant la saison balnéaire, soit du 1er avril au 31 octobre de chaque année. »
Pour justifier cette décision, le représentant de la commune de Douarnenez a évoqué dans ses conclusions écrites « des faits d’exhibition sexuelle sur le domaine public, deux en 2019 sur le site du Rosmeur et sur le site des Plomarc’h, un en 2021 sur le site de Tréboul et trois en 2023, sur le site du Rosmeur et de la plage aux Dames. » A également été mentionné les plaintes régulières des commerçant·es et habitant·es concernant les touristes déambulant en maillot de bain ou sous-vêtements dans les rues de la ville, y compris dans les zones fréquentées par les familles et les enfants.
Le 24 avril 2024, la LDH a déposé un recours en annulation assorti d’un référé suspension à l’encontre de cet arrêté. L’audience a eu lieu le 16 mai dernier. Selon l’association de défense des droits humains qui lutte contre toutes formes d’arbitraire, « la notion de tenue manifestement contraire à la décence est insuffisamment précise et compréhensible, ce qui permet une application arbitraire de l’arrêté. » De plus, la Ligue souligne qu’ « une réglementation de la manière de se vêtir n’est légalement possible que dans l’hypothèse où il existe des circonstances locales particulières et un trouble avéré à l’ordre public. »
Lors du débat contradictoire, la commune de Douarnenez a reconnu qu’aucune plainte n’était consignée. Les conclusions du tribunal ont donc été implacables, infirmant « l’existence d’un risque avéré et actuel de trouble à l’ordre public ou d’atteinte à la préservation des intérêts des enfants, généré par les déambulations, dans l’espace public, de personnes en tenue de bain ou en sous-vêtements ». De plus, face aux faits d’exhibition sexuelle, déjà pénalement réprimés, le tribunal a dénoncé l’inadaptation et l’inutilité des mesures édictées par l’arrêté puisque ceux relatés « ont été commis sur des plages et lieux de baignade autorisés, lieux publics dans lesquels les mesures contestées ne s’appliquent précisément pas. »
Pour toutes ces raisons, l’exécution de l’arrêté de la maire de Douarnenez du 20 février 2024, réglementant les tenues vestimentaires dans certains lieux publics, est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal. Cachez ce torse que je ne saurais voir !
D’un point de vue juridique, et selon nos recherches, le fait de se promener torse-nu dans les lieux publics n’est ni interdit ni expressément permis, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Pour autant, la situation reste toujours aussi complexe pour les femmes. « Si ce n’est pas légiféré par arrêté municipal, les hommes n’auront pas à se rhabiller [au niveau du torse] pour circuler sur une place publique ou même entrer dans un centre commercial parce que le corps masculin s’autorise à cela. Tandis que systématiquement, les femmes vont couvrir leur poitrine », indiquait Sophie Louargant, enseignante-chercheuse à l’Institut Grenoble Alpes. En 2022, une dizaine d’entre elles se sont réunies aux Buttes-Chaumont pour revendiquer leur droit de se promener les seins nus dans l’espace public à Paris.
+ d’infos :
- Le vrai du faux. Que risque-t-on en étant torse nu en public, qu’on soit homme ou femme ?
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Illustration : Flickr ninicocotte DSC07047-001
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Quel combat indispensable la LDH …
Et après on s’étonne que les tribunaux soient encombrés ?