Triste anniversaire. Il y a trois ans, presque jour pour jour, alors que l’Europe devenait l’épicentre du COVID-19, la France entière s’engageait sur l’autoroute du confinement pour tenter de freiner la propagation de l’épidémie. Mais pendant que certain·e·s découvraient le télétravail forcé, pire le chômage technique, d’autres restaient au front, et continuaient à travailler en présentiel : caissier, caissière, infirmier, infirmière, urgentiste, médecin, pharmacien, pharmacienne, postier, postière etc.
À la suite de l’annonce faîte par Emmanuel Macron d’instaurer l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19, le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) déclenchait une procédure de « Danger grave et imminent » (DGI) à la plateforme colis Rennes-Le Rheu pour tous les postes de l’établissement. Une quinzaine d’agents font alors valoir leur droit de retrait, comme l’agent technique, Antoize Brney (nom modifié, NDLR).
Mais la direction ne l’entend pas ainsi. L’entreprise estime, selon elle, que ces « droits de retraits déposés n’étaient pas justifiés ». De fait, elle procède à des retenues sur salaire quatre mois plus tard, sur la paie de juillet pour les journées de travail non effectuées (du 8 avril au 14 avril 2020 inclus) provoquant l’exaspération, et le mécontentement des syndicats. « C’est tout simplement minable comme comportement. », dixit le secrétaire départemental adjoint du syndicat Sud-PTT d’Ille-et-Vilaine, Serge Bourgin.
De son côté, Antoize Brney, constate en effet « une retenue sur salaire d’un montant de 452,67 euros. » Celui-ci décide de ne pas se laisser faire, et formule un recours gracieux auprès de sa direction. Suite à son rejet en date du 19 novembre 2020, Antoize Brney porte l’affaire auprès du Tribunal Administratif de Rennes.
La séance s’est tenue fin février dernier, et la 6ème Chambre du Tribunal Administratif vient de rendre sa décision. À sa lecture, on y apprend que
- « la distribution des masques à l’ensemble des agents de la PFC Le Rheu-Rennes n’est intervenue qu’à compter du 15 avril […] »
- « la distribution de gel hydroalcoolique par agent n’était toujours pas prévue à cette date. »
- et que les mesures prises par la direction « n’étaient pas suffisantes pour assurer de manière constante le respect de la distanciation physique nécessaire dans l’enceinte de la plateforme eu égard aux effectifs présents sur certaines plages horaires. » (Fin mars 2020, plus de 70 agents intérimaires étaient présents simultanément chaque jour, NDLR)
Au vu de tous ces éléments, le Tribunal Administratif de Rennes donne raison au salarié, et décide donc que Antoize Brney « avait des motifs raisonnables de penser qu’il se trouvait, du 8 au 14 avril 2020 dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé du fait de son exposition sans protection à la Covid-19 » et condamne le groupe La Poste à lui verser « la somme de 452,67 euros correspondant aux retenues illégales sur ses salaires des mois de juillet et août 2020. », « une somme de 500 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence. », et enfin la « somme de 140 euros correspondant au complément de la prime bonus qualité. », la Poste faisant valoir que ce bonus n’est pas accordé à un salarié absent de plus de trois jours.
1/ À l’heure où on publie, on ne sait pas si La poste fait ou fera appel du jugement.
2/ France Bleu rapportait dans un article de juillet 2020 les propos d’un membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ce dernier évoquait le fait que « quand certains salariés venaient sur le site avec leur masque, des chefs leur ont dit que c’était anxiogène. »