Du papier sous le sap1 #16 : Comics Frenzy (part I)

Marre de l’esprit de Noël ? Marre du Black Friday et de sa conso à tout va ? Marre des chocolats ? Marre des joujoux en plastoc ? Bienvenue dans notre calendrier de l’Avent Altérophile ! Tous les jours, jusqu’au 24 décembre, une idée de truc en papier à mettre sous le sapin. Bon pour l’âme, bon pour nos petits libraires-amis, bon pour nos papetiers-amis, bon pour nos neurones. Pour cette 16ème étape on vous propose une petite sélection de BD anglo-saxonnes avec ou sans cape et elle est tellement généreuse qu’on va la faire en deux fois.

La multiplication récente de films de super héros d’une médiocrité cinématographique désolante, sonne probablement le glas d’un certain savoir-faire américain en matière de blockbuster. Elle a au moins eu comme effet collatéral que les éditeurs français nous offrent actuellement l’occasion de découvrir les multiples aspects de l’édition anglo-saxonne de Bande Dessinée dans toute sa diversité et dans des éditions de fort bonne facture. Nous vous proposons donc une petite sélection hautement subjective de comics récents ayant nos faveurs dans le foisonnement éditorial actuel.

La série Black Hammer du scénariste Jeff Lemire était déjà un de nos coups de cœur en version originale chez Dark Horse. Nous sommes donc ravis de la voir aussi joliment disponible dans la langue de Molière. Suite à une de ces crises multidimensionnelles dont les comics de superslips raffolent, les héros de Spiral City se retrouvent projetés dans une paisible bourgade campagnarde américaine dont ils n’arrivent plus à partir. Les années passent sans qu’ils ne trouvent d’échappatoire à leur étrange prison pastorale et les voilà obligés de vivre sur place en prenant l’apparence d’une famille qui va bien sûr s’avérer des plus dysfonctionnelles.
Le trait atypique et très organique de Dean Ormston apporte un charme  indéniable à ce récit à la fois mélancolique et plein de mystères. La série fourmille de multiples références aux classiques des comics mais elles s’avèrent suffisamment subtiles et discrètes pour ne pas être primordiales dans le plaisir de lecture. En effet, plus se dévoilent les fêlures et les secrets de nos héros oubliés et plus on se prend d’amour pour ces personnages. Il y a certes une intrigue forte, très rondement menée, pleine de rebondissements savoureux et de coups durs, mais il y a surtout une très belle galerie de héros extrêmement attachants, tous plus ou moins au bord du gouffre, dont on suit les hauts et surtout les bas avec une affection toute particulière.
La série a connu un grand succès public et critique et va être adaptée en série et même en film ! On vous conseille de nouveau de la découvrir avant que le rouleau compresseur des adaptateurs ne soit passé par là.

Black Hammer Jeff Lemire et Dean Orston

Chez Urban Indies, 2 tomes, 17,50€
EAN : 9791026811886

L’autre belle démonstration de force de Jeff Lemire cette année est Royal City. Ni cape, ni collant sur ce coup là, juste une famille de nouveau dysfonctionnelle et une petite touche de fantastique.
La famille Pike vit depuis trois générations dans la petite ville industrielle de Royal City. Patrick, romancier en quête d’un second souffle, Tara bien décidée à relancer l’économie locale quitte à y laisser son mariage et Richard qui semble bien décidé à se perdre dans l’alcool et les coups foireux vont se voir réunis par la force d’un nouveau drame pour une famille déjà hantée par un passé des plus lourds.
De nouveau, on a un récit très efficace au rythme parfaitement maitrisé mais on a surtout une série de portraits qui touchent juste. Le premier contact avec chacun des membres de la famille Pike laisse craindre un traitement un peu caricatural mais la suite dissipe vite ces petits doutes initiaux. Avec quelques petits tours de passe-passe narratifs finement amenés, Lemire nous accroche rapidement et ne nous donne qu’une seule envie, celle de lire la suite.
À noter que la série propose de plus des suggestions d’une bande-son indie-rock 90’s de fort bon goût qui apportent au titre une petite saveur supplémentaire qui n’est pas pour nous déplaire.
Si vous ne connaissez pas encore l’auteur, nous vous invitions au passage chaudement à lire Sweet Tooth, Trillium et surtout son splendide Essex County.

Royal City Jeff lemire

Chez Urban Indies, 2 tomes de 144 pages, 15,50€
EAN : 9791026813941

Autant être franc, cela faisait fort longtemps que nous n’avions pas eu envie d’ouvrir une aventure récente du justicier de Gotham. L’élégance et l’inventivité du dessin de Sean Murphy et les excellents retours sur sa mini-série en huit épisodes : Batman White knight (avec l’aide de l’excellent Matt Hollingsworth aux couleurs) nous ont amenés à de nouveau explorer les recoins sombres de la batcave.
Le postulat de départ du livre est aussi intrigant que casse-gueule : et si Batman était finalement le super vilain et le Joker le véritable héros ? Au delà de la très belle introduction où le Joker devenu un Jack Napier aussi élégant que sain d’esprit vient (en batmobile !) demander de l’aide à un Batman enchainé dans une des cellules de l’asile d’Arkham, Murphy réussit à tenir son propos de fort belle manière. Comme dans toutes les bandes dessinées de l’auteur le traitement graphique est assez somptueux. Sens du détail, dynamisme et inventivité des compos, élégance des noirs, c’est de nouveau un vrai régal. On retrouve aussi le petit côté bancal qu’ont souvent ces scenarii et d’étonnantes ruptures de ton entre scènes très violentes (pourtant DC a semble-t-il mis le holà là-dessus ainsi que sur la nudité) et grand défouloir enfantin (Poum le canon givrant géant nazi, Pif tout le monde a sa batmobile !). Malgré cela, on apprécie le beau travail de démolition de l’homme chauve souris, moins radical certes que dans le monstrueux Dark knight de Frank Miller, mais assez jouissif tout de même. Le plus beau reste pourtant l’excellent traitement du personnage du Joker. Murphy réussit l’exploit de le rendre crédible et très touchant tout en le gardant inquiétant et tout ça en lui enlevant pourtant sa folie intrinsèque. Autre point fort surprenant, il y a au milieu de tout ce bruit et cette fureur une des plus belles histoires d’amour qu’on ait pu lire dans le genre. Le tout donne au final une grande réussite et un plaisir de lecture rare pour une mini-série qui devrait très vitre acquérir un statut de classique.
Industrie oblige, nous aurons bien sûr droit à une suite l’an prochain. Nous sommes plus que circonspects sur l’intérêt de la chose mais nous ne pourrons probablement pas nous empêcher d’y jeter un œil.

Batman White Knight Sean Murphy

Chez Urban Indies, DC BLACK LABEL, 2 tomes, 22,50€
EAN : 9791026814368/p>

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