Du papier sous le sap1 #10 : Old Dog Blues

Marre de l’esprit de Noël ? Marre du Black Friday et de sa conso à tout va ? Marre des chocolats ? Marre des joujoux en plastoc ? Bienvenue dans notre calendrier de l’Avent Altérophile ! Tous les jours, jusqu’au 24 décembre, une idée de truc en papier à mettre sous le sapin. Petit retour aux bulles pour cette dixième étape avec le splendide dernier opus du Rennais Nylso.

Nous n’allons pas le cacher, nous sommes des fans de longue date du travail du dessinateur rennais Nylso. Nous avons découvert son trait singulier dans son fanzine le Simo, initié dans les années 90 suite à sa participation au fanzine Brûlos le Zarzi, d’Olivier Josso et Laure Del Pino. Nous avons suivi avec attention son évolution graphique dans son épatant Chez Jérôme Comix impulsé par l’ouverture de ce qui fut une des plus belles librairies rennaises, la tant regrettée Alphagraph. Sa série Jérôme, créée avec l’aide de Marie Saur, éditée chez Flblb et très librement inspirée de l’expérience de son ami, tenancier donc, de feu Alphagraph, est un de nos livres de chevet. Elle fait partie de ces albums qu’on ressort régulièrement pour s’y replonger avec un plaisir intact, comme on retrouve de vieux copains.

On retrouvait déjà dans Jérôme de longs et savoureux dialogues avec un âne ou un lièvre. En 2016, Nylso sortait chez Misma l’excellent Gros Ours & Petit Lapin. Démarrées dans le Journal de Judith & Marinette de Sébastien Lumineau et Topéfi, les péripéties douces amères du plantigrade et du rongeur avaient été retravaillées et prolongées dans un album dont la très belle édition servait d’écrin parfait aux fascinantes promenades philosophiques et vachardes des deux amis. Cette veine animalière se prolonge donc en 2018 avec la sortie de Kimi Le Vieux Chien toujours chez le même éditeur.

Avec sa superbe couverture toilée et son classieux marque-page en tissu intégré invitant à une lecture lente et posée, on peut dire que l’édition est de nouveau extrêmement réussie. Ça tombe bien parce que l’auteur signe là, pour nous, rien de moins que son plus beau livre. Quand on connait tout l’amour qu’on porte à ses précédents, ce n’est pas peu dire.

Quand on essaye d’écrire sur le travail de Nylso, c’est étonnamment une métaphore musicale qui nous vient. Ses planches toutes en minuscules hachures obsessionnelles, nous ont toujours plutôt évoqué la musique free jazz avec la façon dont les musiciens du genre reprennent inlassablement des structures tout en les déformant plus ou moins à chaque fois. Pour Kimi, c’est plutôt a un blues que nous avons pensé. Celui que nous chante ce molosse déchu, esquissé de quelques traits verticaux, errant sans but dans une nature où il semble se fondre.

Kimi a perdu son maître, son ouïe et son odorat. Il erre dans des paysages exempts d’humains à la recherche de quoi subsister. Pourtant, malgré le caractère évidemment mélancolique de cette ultime promenade vers la fin, c’est une grande douceur et un humour subtil qui se dégagent de l’ouvrage. Par petites touches délicates, le monologue de ce vieux cabot nous émeut autant qu’il nous fait sourire. D’une grande fluidité, l’ouvrage peut sans doute se dévorer d’une traite mais il serait dommage d’en précipiter la lecture. Nous vous invitons donc plutôt à doucement savourer ce livre d’une grâce et d’une délicatesse rares, paragraphe après paragraphe, jusqu’à son facétieux et lumineux final.

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Kimi le vieux chien Nylso
ISBN : 9782916254654
144 pages noir & blanc
Format : 16,7 x 23 cm
Chez Misma (12/09/2018), 20€

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