Chaque année, on attend avec une impatience grandissante d’en savoir davantage sur la programmation de Cultures Electroni[k], tant éditions après éditions, on se prend des cla[k]es monumentales ! Ce « festival » né en 2001, a annoncé les premiers noms de sa programmtion cet été et propose différentes manifestations à Rennes autour des arts, de la musique et des technologies au travers de spectacles variés et souvent atypiques, mais toujours d’une réelle qualité artistique.
Jugez plutôt : après les concerts subaquatiques [ici] ou de légumes (!) [ici], les booms familiales [ici] et Different Trains de Steve Reich [ici] en 2010 (ce ne sont que quelques exemples…), la dernière édition en date nous a vu passer de soirées clubbing à l’écoute d’une partition réalisée à partir des battements de coeur des musiciens, de cuisine moléculaire aux grimaces de performers couverts d’électrodes [ici]… Le chef de l’Orchestre Symphoni[k] de Bretagne y a abandonné ses musiciens sur scène dans une pirouette [ici], pour les rejoindre de façon impromptue en brandissant régulièrement des pancartes marquées de nombres énigmatiques, accompagné par les cris des enfants. Et puis, cerise sur le gâteau, dans ce tourbillon de propositions fantasques et épatantes, Electroni[k] nous a invité à venir écouter de la musique avec nos brosses à dents et duvets, en pyjamas s’il vous plaît, pour la Slaapwel Night [là], moment suspendu et magique qui restera sans aucun doute l’un de nos plus beaux souvenirs. Alors oui, la nouvelle programmation de Cultures Electroni[k] qui sera dévoilée le 7 septembre, on l’attend de pied ferme, un peu comme Noël en octobre. Heureusement, pour nous faire patienter, l’équipe du festival a dévoilé quelques noms cet été, ainsi que les dates du festival : Cultures Electroni[k] se déroulera cette année du 8 au 14 octobre.
Alors ? Ces premiers noms ? Et bien autant vous dire qu’on a dansé la java, la polka, le ska et l’Elecroni[k] quand on les a lus ! Oui, oui, oui… Parce que Robert Henke quand même ! Tout amateur d’électro ambitieuse, à la fois pour les oreilles et les pieds, a un jour prononcé son nom avec déférence et admiration. Adulé pour ses productions mutantes et intemporelles, qui explorent la texture et la spatialisation du son, Robert Henke a creusé le sillon des drones et des paysages sonores sous son propre nom et a réservé ses productions plus « dancefloor » au projet Monolake. Enfin, il faut le dire : on est loin de turbines 2.0 quand on parle dancefloor avec Monolake. On est davantage dans la lignée de Basic Channel/Chain Reaction (Maurizio, Berlin, techno minimaliste dub austère de génie, vous ressituez ?). Robert Henke a créé Monolake avec son comparse Gerhard Behles (qui quitta la formation au début des années 00’s pour développer Abbleton), sporadiquement rejoint par Torsten Pröfrock, mais l’homme est également connu en tant que sound designer, développeur de software, ainsi que pour ses installations artistiques et ses performances audiovisuelles.
Pour Electroni[k], si l’on en croit le site web de l’artiste allemand (mais on ne sait jamais avec Electroni[k], il y aura peut-être d’autres propositions ?, d’autant que Robert Henke est l’artiste phare de cette édition), Robert Henke sera accompagné de Christopher Bauder pour Atom, une performance autour de 64 ballons gonflés d’helium illuminés, sorte de structure mouvante contrôlée par l’ordinateur, éclairée par des LED lumineuses avec variateurs, et plongée dans une atmosphère sonore tout en profondeur, de bruits en perpétuelle évolution à travers un système de diffusion quadriphonique. Les structures et les architectures créées avec ces ballons sont le fait de Christopher Bauder, les sons et les motifs lumineux, ceux de Robert Henke. Autant le dire tout de suite, cela risque d’être époustouflant !
Autre belle surprise dans cette programmation, la présence de Murcof à Rennes. Autre grand nom de la musique électronique, le Mexicain est un maître dans l’art de créer des textures synthétiques minimales, souvent belles à pleurer, à égale distance entre musique contemporaine et ambient. L’homme a déjà collaboré avec d’autres artistes venus d’horizons musicaux différents, tels Erik Truffaz (jazz) ou Talvin Singh (tablas indiens, pour faire vite). Pour Electroni[k], il sera aux cotés de la pianiste classique Vanessa Wagner sur la scène de l’Opéra de Rennes. Rappelant la performance de Mira Calix avec Oliver Coates l’an dernier en ouverture du festival, mêlant instrumentation classique et organique (violoncelle) et électronique [ici], la collaboration entre les deux artistes devrait également magnifier le mariage entre classique et électronique. Murcof avait déjà tissé des liens entre musique baroque et électro minimaliste en 2007 à l’occasion du Festival Les Grandes Eaux nocturnes du Château de Versailles avec subtilité et talent. Fort à parier qu’il en sera de même avec la création proposée cette année.
Le même soir (c’est le site de l’OSB qui vend la mèche), on retrouvera l’Orchestre Symphonique de Bretagne pour le troisième et dernier volet des Nuits Américaines consacrées aux compositeurs minimalistes américains : après Steve Reich et Terry Riley, c’est Philip Glass qui concluera ce cycle aussi jouissif que passionnant. Les musiciens de l’OSB joueront en effet sa Symphonie n°3. Et nous voilà de nouveau enclin à danser de joie devant une telle programmation.
On attend également beaucoup de l’improbable trio berlinois Brandt Brauer Frick (deux aux machines, un aux baguettes devant quelques toms électroniques) qui mêle samples acoustiques dans une jazzistique marmite electro-disco tout aussi ambitieuse que dansante lors de la Nuit Electronique 2 à l’Antipode. Lone, le producteur britannique à la house joyeuse parfois teintée de réminiscences acid et rave (du moins sur son dernier album, Galaxy Garden, mai 2012), et Redshape, l’homme au masque rouge qui affole la planète techno depuis Berlin avec sa techno racée et exigeante, seront quant à eux programmés lors de la Nuit Electronique 1 qui se déroulera la veille à l’Ubu.
En plus des nuits clubbing habituelles du programme d’Electroni[k], on retrouvera également une soirée mêlant arts et sciences. L’an dernier, la soirée Alchimi[k] avait changé la science en art sur le campus de Beaulieu avec un programme aussi époustouflant qu’exigeant [ici]. Cette année, une nouvelle nuit Arts et Sciences est programmée. On sait d’ores et déjà qu’on y retrouvera le très bon Mondkopf. On se souvient de son travail avec Trafik, collectif expérimental lyonnais créé en 1997 par deux frères (un développeur et un graphiste travaillant très étroitement ensemble) pour la sortie de son album Rising Doom (2011) au son massif et aux beats assassins. Le producteur y frottait en live sa techno percutante et excitante aux ambiances graphiques lumineuses très contrastées du collectif. Et on doit le dire, les jeux de noir et blanc des vidéos étaient spectaculaires à souhait.
Pour Cultures Electroni[k], Mondkopf et Trafik viennent avec un nouveau projet, Eclipse. Né d’une invitation du festival Days Off à la Cité de la Musique qui organisait une soirée autour de Brian Eno le 2 juillet dernier, Eclipse est une performance audio-visuelle, qui reprend certains des principes de composition du séminal musicien britannique à l’origine de l’ambient. L’homme à la tête de lune (Mondkopf auf deutsch) y propose une musique mêlant atmosphères ambient à des montées plus épiques et progressives, tandis que Trafik y souligne visuellement le contraste entre obscurité et lumière.
Autre création audiovisuelle qui devrait nous en mettre plein les yeux et les oreilles cette même soirée, Akheron Fall réalisée par Roly Porter (musique) et MFO (Marcel Weber et Lucy Benson à la vidéo). Originellement créé et présenté pour le CTM festival au Berghain (à Berlin, est-il besoin de le mentionner ?), ce live mêle les sons massifs et les drones industriels de Roly Porter, autrefois davantage connu comme moitié de Vex’d (les amateurs de dubstep vous expliqueront), aujourd’hui tourné vers un doom drone industriel qui fleure bon l’Agent Orange au petit matin. Les amateurs de Tim Hecker, Ben Frost, Empyset ou même de Fennesz (nous en sommes !) pourraient bien se perdre profondément dans les forêts soniques exfoliées du britannique, accompagnés par les vidéos de MFO, filmées dans une nature sauvage à 1h de route de Berlin.
On est également impatient de découvrir le fruit de la collaboration entre Yroyto et Cheveu. Le plasticien Yroyto nous avait stupéfié avec Transforma pour Asynthome il y a deux ans [ici] et avait fasciné les plus jeunes l’an dernier [là]. Autant dire qu’on attend véritablement de découvrir comment l’homme a travaillé autour du rock lo-fi crasseux et malade des indispensables Cheveu. Basé sur des films tournés pour l’occasion ou des photos d’archives, manipulés de façon analogique pendant la performance, au milieu d’une forme déstructureé faite de tubes de néons, Where do you come from ? est centré sur l’improvisation, aussi bien de la part des musiciens que de celle du plasticien. On a hâte de se laisser happer par ce voyage lo-fi à l’Antipode.
Martin Messier participera quant à lui, à la soirée Expérience 1 le 8 octobre. On espère qu’il y viendra avec son orchestre de machines à coudre, mais on n’en sait rien pour le moment. Dans le même esprit que le Vienna Vegetable Orchestra qui utilisait des légumes comme instruments il y a deux éditions de cela, le collectif Contact In Vivo (trois percussionnistes, deux sonorisateurs, un éclairagiste) se sert quant à lui de tous les objets qu’il peut trouver dans une salle de spectacle (projecteurs, barrières de sécurité, moteurs…) pour créer sa performance autour des vibrations de la matière. On les retrouvera au Théâtre du Vieux St Etienne. Autre nom enfin dans cette première annonce de la programmtion, Artificiel, qui vient du Canada et qui proposera une installation sonore et lumineuse aux Champs-Libres, Condemned_bulbes, composée d’une mutitudes d’ampoules incandescentes dont nous pourrons progressivement entendre les filaments !
Et puis il y a Vincent Broquaire qui nous a complètement scotchés, avec sa performance Screen to screen (notamment présentée aux Bouillants en 2011), aussi esbrouffante que jubilatoire. Le jeune artiste diplômé de l’ESAD de Strasbourg, membre du Bureau (non, ce n’est pas un meuble, mais un collectif d’artistes), joue sur les situations cocasses, les jeux de mots, les petits détails qui renversent avec une délicieuse absurdité le monde comme il va. Sabotages en règle, à la ligne graphique claire, les dessins et installations de Vincent Broquaire reposent souvent sur un changement de perception du monde, un carambolage délicat et subtil entre réalisme et absurde. Il exposera durant le festival à la Galerie Espace Crous.
Screen to screen – Vincent Broquaire from vincent broquaire on Vimeo.
Mais avant cela, chacun a pu découvrir le travail qu’il a mené lors d’un atelier vidéo avec des ados à la Maison de Quartier Sainte-Thérèse, pour réaliser le teaser de cette nouvelle édition du festival. Après avoir réalisé scénario et storyboard, les participants ont créé le décor d’une ville surmontée par les Horizons à coups de cutter et de feutres essentiellement sur du carton plume. Sur l’électro aérienne et subtile de Subarys, jeune musicien rennais d’adoption (également programmé durant la Nuit Electronique 2 du festival), ils ont ensuite filmé et monté le teaser. En gardant toujours comme contrainte le principe de l’affiche, cette eclipse (tiens, comme mondkopf !) qui change notre perception du monde. Belle métaphore s’il en est, de cette éclipse temporelle que le festival riche en nourritures pour la tête, le ventre (et oui Electronica[k]e !), les oreilles, les yeux et le cœur, nous offre chaque année.
Vivement…
Teaser Cultures Electroni[k] 2012 from Cultures Electroni[k] on Vimeo.
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Cultures Electroni[k] aura lieu du 8 au 14 octobre 2012 à Rennes.
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