Cultures Electroni[k] réussit sa soirée anniversaire avec Asynthome et Euphorie

TAMBOUR-Electronik- 14 oct. 2010 Euphorie Collectif 1024 ArchitectureEuphorie et Asynthome, c’est sous ce titre énigmatique que se présentait la soirée anniversaire de Cultures Electroni[k]. Soirée anniversaire car voilà 10 ans, la première soirée Electroni[k] avait eu lieu au Tambour, sur le campus de Villejean. Depuis Cultures Electroni[k] s’est agrandi, a proposé de plus en plus d’évènements et apparaît, après 10 années, comme l’un des festivals les plus intéressants de la vie rennaise.

Pour commémorer cette première soirée, les programmateurs du festival ont donc décidé de retourner au Tambour pour une performance alliant image et son, l’utopie qui avait présidé à la naissance de Cultures Electroni[k].

On l’avait dit, en interview, Gaétan Naël nous expliquait (voir ici) que l’une des utopies autour de laquelle s’étaient rassemblés les fondateurs de Cultures Electroni[k] reposait sur l’idée que l’image interagit sur le son et vice-versa. Pour lui, cette utopie a presque mis 10 ans avant de s’incarner dans le réel. Mais les deux spectacles présentés ce soir là allaient enfin la rendre réelle et tangible.

Première réussite, malgré l’opacité du titre de la soirée et les performances relativement ambitieuses qui allaient être proposées, le public s’est déplacé nombreux (comme sur les autres évènements proposés par le festival, d’ailleurs).

La soirée était divisée en deux temps : un premier moment réservé au Collectif Architecture 1024, avec la performance Euphorie, puis un second proposé aux berlinois de Transforma associés au plasticien Yroyto pour Asynthome.

Euphorie du Collectif Architecture 1024

TAMBOUR-Electronik- 14 oct. 2010 Euphorie Collectif 1024 ArchitectureOn commence donc avec le duo de 1024 Architecture. Sur la scène du Tambour, 4 écrans de tulle espacés d’environ 1 mètre sont dressés face à nous. Derrière ces tentures (ou entre, on n’a pas bien vu), le duo s’installe avec ses machines. Ils vont nous présenter une succession de tableaux d’une durée comprise entre 5 et 10 minutes. Ils travaillent avec une sorte de laser vert avec une télécommande blanche qui ressemble à celle d’un jeu vidéo, deux ordinateurs et plusieurs machines qu’on ne connaît pas…

La salle est plongée dans le noir et le laser apparaît sur l’écran de tulle, démultiplié sur les 4 étoffes. Dès le départ, la prestation est hypnotique. Le laser crée des formes, qui évoluent progressivement en fonction du son (à moins que ce ne soit l’inverse). Petit à petit une forme carrée apparaît, dessinée par une étincelle de laser. A chaque coin de l’écran, la lumière bifurque à chaque changement de son. Une structure lumineuse apparaît alors, comme une maison de lasers. A l’intérieur, le joyeux duo danse, quand bien même les montants de la structure se mettent à vaciller ou à basculer. Dès ce premier tableau, les principaux éléments de la performance sont déjà visibles : l’effet hypnotique des images et l’humour des  deux membres d’Exzyzt qui dansent dans une boîte.

TAMBOUR-Electronik- 14 oct. 2010 Euphorie Collectif 1024 ArchitecturePour beaucoup, on connaissait Exzyzt grâce à la création du cube accompagnant le live d’Etienne de Crécy, notamment lors des Transmusicales. A l’intérieur de ce collectif, il existe un collectif encore plus resserré qui s’appelle 1024 Architecture. C’est eux qui ont plus précisément créé la performance Euphorie. Résolument festive, la performance porte bien son nom. Car après ce premier tableau, les deux joyeux drilles se livrent à une prestation de air-néon. Remplacez la guitare par un néon sur lequel vous tendez une corde, et commencez à jouer. Le résultat sera aussi euphorique dans la débauche de disto que dans la tornade visuelle amorcée.

A chaque coup sur la corde, une pluie de lumières vertes envahit l’écran de tulle. Alors quand les performers se lancent dans des solos dignes de Clapton branché sur 220 volts, les étincelles jaillissent et explosent autour de la lumière blanche des néons. Pour compléter cette vision, des flashs éblouissants crépitent et éblouissent. Au plein sens du terme, on en prend plein les yeux. Complètement aveuglés, les réflexes nous font cligner puis fermer les yeux. Et c’est là que les deux rockers stupéfient car ils jouent sur la permanence rétinienne des images. L’un des deux bondit dans les airs les jambes écartés, brandissant sa guitare-néon tel ACDC dans les airs, pile au moment d’un flash. On a à peine le temps de le voir mais aussitôt imprimée sur nos rétines, son image en négatif reste visible. Puis pris d’une folie hendrixienne, l’homme saisit la corde de ses dents, là encore dans un flash éblouissant, dans les éclats de rire des spectateurs.

TAMBOUR-Electronik- 14 oct. 2010 Euphorie Collectif 1024 ArchitectureDes éclats de rire accompagnent pareillement la création musicale qui suit : un morceau baigné d’autotune (vous savez cet effet sur les voix dont certains chanteurs de R’nB abusent quelque peu ces temps-ci et qui fait sonner la voix humaine comme celle d’un ordinateur) aux paroles apparament loufoques et stupides. L’effet est désopilant. Sur les écrans, le visage du chanteur au laser vert est répercutée en 4 exemplaires, finissant de rendre la chanson mégalo et stupide. Bref, la prestation du Collectif 1024 Achitecture séduit par sa précision visuelle et son humour qui ne se prend pas au sérieux. On passe un bon moment, et on est content d’avoir vu une performance qui sort de l’ordinaire.

On ne croit pourtant pas si bien dire alors. Mais c’est sans compter sur la prestation qui suit, celle de Transforma associé à Yroyto qui va totalement nous subjuguer.

Asyntome de Transforma et Yroyto

TAMBOUR-Electronik- 14 oct. 2010 Asynthome TransformaLe collectif allemand Transforma aurait dû venir à Rennes en 2006, déjà, mais pour diverses raisons, la collaboration n’avait pu avoir lieu. Ils venaient  donc pour la première fois au festival en s’associant au plasticien Yroyto.Trois hommes en noirs de travail s’affairent sur la scène. Il y a des objets très simples, des papiers découpés, des boules, de l’encre, un bac en plastique transparent, des saladiers. Bref, rien a priori d’extraordinaire. Si ce n’est des caméras, un peu partout, des boîtes à lumière allumées puis éteintes à tour de rôle. Et puis ce grand écran blanc tendu derrière eux.

Mais voilà, les trois hommes vont manipuler ces objets devant nous. Faire bouger les formes en papier sur un écran de verre, plonger une sorte de tissu dans l’encre, placer une balle dans un saladier. En même temps qu’ils manipulent ces objets, ils filment ce qu’ils font, puis projettent les images montées et filmées en temps réel sur l’écran derrière eux. Et c’est d’abord là que leur travail est impressionnant. Leurs gestes à la recherche d’une esthétique stylisée sont hypnotisants, mais on s’aperçoit vite que la projection sur l’écran est aussi si captivante à la fois dans sa mise à distance et dans sa recréation esthétique du moment.

Electroni[k] octobre 2010 Asynthome Transforma YroytoEn parallèle, on s’aperçoit que ces manipulations sont aussi à l’origine des sons qu’on entend. Chaque geste crée un son, et une partition aussi rythmée qu’onirique se crée en direct. Filmées, captées puis montées en temps réel, ces manipulations devenues images génèrent elles-mêmes le son qui accompagne la performance. On est complètement happé par la poésie du moment. On n’aurait pas pensé être aussi ému devant un plateau de verre recouvert d’encre mouvante, par des bulles qui se créent dans un liquide ou de simples triangles de papier. Et pourtant…

Pour finir de nous happer, la performance se finit sur un moment de tension qu’on n’aurait pu imaginer. Une boîte en plastique transparent. A l’intérieur, une machine gonfle un ballon petit à petit. A l’autre extrémité de la boîte, une pointe tournée vers l’intérieur. On ne met pas longtemps à comprendre ce qui va arriver. Or cette anticipation du moment où le ballon va éclater crée une tension insoupçonnée, d’autant que le ballon se gonfle doucement mais inéluctablement. Sophocle ou Racine auraient pu écrire ce moment. On est complètement suspendu à cette image du ballon qui va vers sa fin.

TAMBOUR-Electronik- 14 oct. 2010 Transforma Yroyto AsynthomeQuand enfin le plastique atteint l’extrémité de la pointe, on retient son souffle sûr du soulagement qu’apportera la fin de la tension. Mais contre toute attente, le plastique résiste, s’appuie contre la pointe sans éclater. L’image, agrandie sur l’écran devient encore plus hypnotisante et on ne sait plus à quel moment le ballon va finalement éclater. Bien sûr, vu de l’extérieur, on se dit, un ballon, une pointe, tu parles d’un suspens… Pourtant, la mise en scène et la mise en son renforcent la tension du moment et on est aussi aux aguets que dans les meilleurs thrillers. Quand finalement le ballon éclate, la performance s’achève sous les applaudissements. D’autant qu’on devine que la maîtrise et la finesse technique des artistes est le fruit d’un travail plus qu’acharné.

En sortant du Tambour, on repart à la fois ébloui et nourri par ce moment artistique d’une qualité qu’on n’attendait pas. Et comme les propositions de ce type de performance ne sont pas si courantes sur Rennes (même si pas nulles, fort heureusement), on rentrera en murmurant : Merci Electroni[k].

Cultures Electroni[k] 2010 – Rennes. Soirée Image et son : Euphorie et Asynthome from Alter1fo on Vimeo.

Photos, vidéo, montage : Caro

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Le site de Cultures Electroni[k]

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