Electroni[k] – Slaapwel Records Night : Pyjama Party Ambient

Nuit SlaapwellNotre plus belle soirée Electroni[k], cette année, aura été cette nuit Slaapwel Records. On a adoré nombre d’autres propositions de Cultures Electroni[k], mais cette nuit de vendredi restera comme une pause à la fois intense et paisible. On l’a attendue avec impatience, ne sachant pas trop cependant comment ça allait se passer. On en a parlé à tout le monde autour de nous, avec un enthousiasme non feint et cette proposition insolite a fait lever les sourcils de plus d’un de nos amis. Le soir, juste avant d’aller découvrir la création de TEZ à l’Antipode, on a roulé nos duvets, préparé pyjamas et brosses à dents en trouvant le moment plus que surréaliste. Oui, on sort ce soir, oui on va écouter de la musique toute la nuit, mais l’accessoire ultime pour être raccord sera notre pyjama rouge à carreaux.

Slaapwel logoCar Cultures Electroni[k], jamais à cours d’idées incongrues et surprenantes, nous a en effet proposé de venir nous coucher avec notre pyjama pour écouter de la musique toute la nuit. Décloisonner les propositions artistiques et investir des lieux inédits est en effet l’un des objectifs de l’association. Permettre la découverte de propositions artistiques différentes à tous les publics, les accompagner et leur permettre de s’approprier ces propositions et de nouveaux lieux de diffusion culturelle est une des forces de ce « festival » un peu à part. Pour cette Slaapwel Records Night, les programmateurs nous ont donc invité à venir en pyjama avec nos brosses à dents vendredi 14 octobre à partir de 22h30 (et jusqu’au matin !) au Dojo Constant Véron. Ils nous ont assuré que « l’on s’endormira(it) sous la douce musique des artistes du label Slaapwel records » . Une sorte de nuit clubbing où l’on reste allongé et où on s’endort paisiblement plutôt que de se déhancher en quelque sorte… Une pyjama party ambient.

2011-10-14-ELECTRONIK_Nuit-SLAAPWEL-alter1fo-12Slaapwel Records est en effet un petit label spécialisé dans les musiques pour s’endormir. Le fondateur du label (Wim Maesschalck) veut produire une musique qui parle à l’esprit durant ce moment où on est encore réveillé mais déjà en train de sombrer dans le sommeil. Les disques du label proposent une musique qui accompagne cet état de flottement, cette frontière entre l’éveil et le sommeil. Wim Maesschalck précise d’ailleurs que pour décider d’une nouvelle sortie, il faut qu’il réussisse à s’endormir en l’écoutant. S’il plonge dans les bras de Morphée, le disque sortira sur Slaapwel Records ! Deux des artistes qui ont signé des sorties de Slaapwel records (Komarovo en 2009 pour Greg Haines -l’artiste était déjà présent en 2010 pour un Prélude Electroni[k] aux Champs Libres- et plus récemment Silenne pour Simon Scott en 2010) seront donc présents pour cette nuit à part aux côtés de Wouter Van Veldhoven (Ruststukken, 2007).

Quand on arrive au Dojo Constant Véron (merci le Service des sports de la ville de Rennes), le hall respire déjà d’une ambiance paisible. Tout le monde est bien là pour dormir et vivre un moment unique. On entend de l’anglais, de l’espagnol, mais pas d’éclat de voix. Les organisateurs de la soirée prennent alors la parole devant la grosse trentaine de personnes présentes pour nous expliquer comment les choses vont se passer. Les portes du dojo sont encore fermées et on se demande réellement ce qui nous attend à l’intérieur. Ils expliquent que le but est de dormir et de prendre le temps, de passer un moment paisible, mais on se rend bien vite compte que tout le public venu ce soir n’a pas envie d’autre chose et tout le monde se déchausse dans le calme avec le sourire.

2011-10-14-ELECTRONIK_Nuit-SLAAPWEL-alter1fo-5Quand les portes du Dojo s’ouvrent, on est carrément stupéfait. Dans l’obscurité, on distingue un dortoir à la fois surréaliste et magique. Sur le tatami, des matelas sont alignés, avec des draps déjà installés et de petites lampes rouges diffusent une douce lumière tamisée. L’ambiance est feutrée, paisible. On se sent bien. En entrant, déjà, tout le monde se met à chuchoter. On marche à pas feutrés. Il y a des sourires sur tous les visages. On choisit son matelas et on s’assoit en n’en croyant toujours pas nos yeux. Derrière nous une grande baie vitrée qui donne sur un tout petit jardin plongé dans une nuit sans nuage. Les lignes verticales et horizontales du dojo ont ce minimalisme japonais qui renforcent encore l’impression de simplicité mais aussi la chaleur du lieu. On n’en revient tout bonnement pas : l’instant est magique, suspendu. On a vraiment l’impression de faire partie d’happy few bigrement privilégiés (pourtant il reste quelques places). On n’entend pour le moment que des chuchotements et des glissements de pas feutrés. La musique n’a pas encore commencé. Les artistes attendent calmement que nous prenions possession des lieux.

Il y a des matelas deux places pour dormir avec son amoureux(se), d’autres pour une seule personne. La réussite de cette installation repose aussi sur ce double sentiment de n’être pas les uns sur les autres, d’avoir un espace relativement intime, et en même temps de faire partie d’un groupe qui va ensemble vivre une expérience différente. Les petites lampes, tout comme les matelas vraiment confortables, renforcent l’aspect chaleureux et intimiste de la pièce. En parallèle, un sentiment paisible naît de la simplicité des lignes (le carré du tatami, les montants de la baie vitrée) et de l’aménagement.

2011-10-14-ELECTRONIK_Nuit-SLAAPWEL-alter1fo-6L’un des représentants du label belge prend alors la parole pour nous expliquer que les trois artistes du label accompagneront nos rêves de leur musique toute la nuit. Nous, on sera allongé, en pyjama pour écouter leurs berceuses électroniques et sombrer dans le sommeil. Le violoncelliste et pianiste Greg Haines nous laissera flotter sur des sonorités minimalistes très expressives inspirées par Steve Reich et Philip Glass. C’est sa musique qui nous réveillera avec le lever du soleil. Tout aussi mélancoliques et nostalgiques, les ambiances développées par le percussionniste Simon Scott viendront se nicher au creux de nos oreilles dans une obscurité alanguie. Quant à l’ambient électronique minimale composée par Wouter Van Veldhoven, elle caressera nos rêves de ses imperceptibles variations. Les premières notes emplissent alors l’espace. Aux quatre coins du tatami sont en effet disposés des hauts parleurs qui renforcent l’impression de diffusion spatiale de la musique. Assis sur notre matelas, on est toujours aussi émerveillé.

Nos voisines sont venues en pyjama et se glissent déjà sous la couette. D’autres restent assis, d’autres s’allongent habillés. Et progressivement, un ballet de trousses de toilettes s’organise dans le calme. Au lieu de se précipiter dans les vestiaires ou les toilettes, chacun respecte l’intimité de l’autre. On attend tranquillement sur son matelas qu’une place se libère. Tout se passe dans le calme et le respect de chacun. Dans l’espace du dojo, les notes s’allongent et crépitent, à la fois mélancoliques et lumineuses. On s’est brossé les dents, on est en pyjama et on se glisse dans notre duvet moelleux. On écoute, on a l’impression que le temps s’allonge avec nous. On se sent même ému par ce qu’on est en train de vivre. A la fois intense et paisible.

2011-10-14-ELECTRONIK_Nuit-SLAAPWEL-alter1fo-7En même temps, on a les yeux écarquillés d’excitation. On se dit qu’on n’arrivera sûrement pas à s’endormir. Le moment est trop intense. Certains arrivent encore et se glissent sous les draps, toujours avec les mêmes sourires.  On pense à Brian Eno, blessé, allongé dans son lit, qui ne pouvait changer le canal de sa chaîne et qui inventa l’ambient (c’est en tout cas ce que raconte la légende) et on est encore plus persuadé que cette musique se vit vraiment de cette manière, installé confortablement, allongé. On lève un peu la tête pour regarder l’artiste qui joue de la guitare au milieu du tatami. Il la fait passer par ses filtres, et les notes flottent dans la nuit. Comme tout le public présent, on pensait vraiment sincèrement qu’on ne s’endormirait pas. Et comme tout le monde, on a sombré ! Notre esprit s’est progressivement trouvé totalement happé par la musique. On se retrouve dans cet état de flottement,  à cette frontière entre l’éveil et le sommeil, accompagné par la douceur des notes qui se glissent dans le silence. D’aucuns nous diront même le lendemain matin que la respiration de leur voisin(e) s’est parfaitement mêlée à cet ambient tout en délicatesse.

On se réveillera tout de même plusieurs fois pendant la nuit, croyant pendant les premières secondes de conscience que la musique s’est arrêtée. Pourtant notre oreille retrouve à chaque fois les notes qui coulent progressivement. A chaque réveil, on est tout aussi surpris de se sentir aussi paisible. Autour de nous, tout le monde dort. L’instant est simplement parfait (on n’en veut même pas au seul ronfleur de la pièce !) On voudrait que cette nuit ne s’arrête jamais.

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Pourtant quand on se réveille à nouveau, le jour est en train de se lever. Et on doit l’avouer, on ne fait pas partie des premiers à ouvrir les yeux, loin de là. Les notes de piano s’égrènent, lumineuses, belles à pleurer. Le soleil apparaît progressivement dans le ciel toujours sans nuage. Les lampes rouges se reflètent dans la baie vitrée, le petit jardin s’éveille. On n’est pas du matin et le réveil est toujours un moment pénible. Pourtant ce réveil au lever du soleil, avec ces sonorités à la fois minimalistes et expressives est un moment de pur bonheur. A côté de nous, un jeune homme a la même réflexion que nous : « ça faisait longtemps que je n’avais pas eu un réveil si parfait » . On mettra d’ailleurs un certain moment à regagner la réalité, échangeant plusieurs mots en anglais avec un jeune homme qui, comme nous, est finalement francophone.

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Un petit déjeuner offert (café, thé, jus de fruits et gâteaux faits maison) et le soleil se levant sur les Horizons accompagnent progressivement notre retour à la réalité. Tout le monde a le sourire et échange sur cette nuit, chacun étant aussi étonné d’avoir réussi à s’endormir. Pour beaucoup, en tout cas, cette nuit fait partie de celles qu’on n’oubliera pas de sitôt.

Alors, on l’a déjà dit cette semaine, mais une nouvelle fois, merci Electroni[k]. Cette nuit était un vrai moment à la fois intense et paisible, un de ces moments rares qui redonne le moral, inspire, donne des secondes de vie en plus et de l’air à respirer. En sortant du dojo dans la fraîcheur du matin sous un ciel limpide, on se sent plus riche. Cette nuit restera comme une pause gagnée dans le tumulte de nos vies pourtant sans histoires, un moment sur lequel revenir, souvent.

Alors juste. Encore.

Merci.

Photos : Caro

La première photo de l’article a été prise par Gwendal Le Flem.

Toutes ses photos (magnifiques) de la Nuit Slaapwel sont à retrouver

sur le flickr de Cultures Electroni[k] ou sur son Facebook.

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Le site de Cultures Electroni[k] : http://www.electroni-k.org/

Le site de Slaapwel Records : http://www.slaapwelrecords.com/

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