Expérience sonore et lumineuse empreinte de folie et d’abandon : voilà ce qu’offre Una Bestia joué et mis en scène par Romain Dubois. Une performance à couper le souffle proposée lors de cette édition Mythos 2025 dans l’écrin intimiste du Théâtre de la Parcheminerie.
Voilà un solo qui démarre dans le noir et au son d’une pulsation, comme un battement de cœur qui ferait écho contre les pierres des murs de la petite salle du Théâtre de la Parcheminerie. Une respiration légèrement saccadée, comme oppressée s’ajoute dans l’obscurité. Une silhouette sombre se met à apparaître. Romain Dubois s’avance en tapant du pied ce rythme pulsatile. A l’approche du piano, il se calme. Se met à jouer les yeux fermés tout en ânonnant et en chuintant. Le musicien ébroue aussi ses babines à la manière d’un équidé et cette métamorphose animale va s’inviter tout au long de la performance.

Les lumières ciblent l’homme, puis le piano et ses entrailles. Entrailles farfouillées autant que les touches, pour produire un son proche des percussions. Le rythme change, varie, semble moins fluide. Comme si Romain Dubois perdait parfois pied avec les sonorités plus fluides, comme si la folie prenait place dans sa musique. La cacophonie sonore se double d’un jeu de lumières stroboscopiques. Le musicien secoue la tête et grimace, toujours dans des postures corporelles étranges, tantôt droit comme un I, tantôt comme absorbé par les touches du clavier. L’aspect un tant soit peu mélodique de la musique disparaît au profit de digressions, de cassures sonores, de silences abrupts.

Les mains du pianiste virevoltent et s’agitent sur les touches blanches et noires. Puis, d’un seul coup, c’est le silence. Une main continue à pianoter dans le vide, dans un moment de suspension et sous une lumière violette assez spectrale. Romain Dubois inspire et repart en douceur. Il chantonne en oscillant, d’avant en arrière. Se met à hurler « Plus de temps » incarnant selon notre ressenti, un être en souffrance possiblement libéré par les notes qu’il joue et égrène devant nous.

Une souffrance relayée dans les boucles répétitives, un son techno allant crescendo, un jeu de lumières stroboscopiques irrigant toute la scène. Ou quand la transe permet de se libérer. Le musicien a les yeux fermés ou carrément révulsés. Il prononce des mots incompréhensibles. Des grognements de bêtes se font entendre, un chaos sonore retentit et une lumière rouge nous assaille. La métamorphose animale est totale. Romain Dubois se courbe de plus en plus sur le piano, à en faire tomber son tabouret. Tête dans les touches, courbé en deux, il accélère le rythme et la cadence des notes. Jusqu’à l’implosion finale.
Cette performance est impressionnante. La beauté des lumières croise l’intensité des sons. Au moment du salut, Romain Dubois semble mettre un certain temps à redevenir lui-même et à quitter ce personnage un peu fou. Nous, on sort dans la lumière retrouvée de ce printemps rennais, vaguement éblouis mais remués par cette proposition étonnante de sensibilité et de folie contenue.
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Mythos 2025
En savoir plus sur Romain Dubois : https://www.romaindubois.com/
Crédits photos : Elodie Le Gall : https://www.instagram.com/elodinosaur/
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