Electroni[k] – Mira Calix tout en élégance

images&sons11L’an dernier, Cultures Electroni[k] avait offert une résidence à l’artiste canadien Herman Kolgen sur toute la durée du festival. Cette année, c’est Mira Calix qui est l’artiste-phare de cette nouvelle édition. La jeunes musicienne, bien connue des amateurs d’electronica et des aficionados de Warp, le label anglais qu’on ne présente plus, a notamment été remarquée cette année au dernier Coachella (Californie) avec les United Visual Artists pour le design sonore et visuel de la scène principale du festival. Car la jeune femme a beaucoup de cordes à son arc : en plus de ses six albums sortis sur Warp, elle réalise des installations, des bandes sonores de films, ou même collabore avec le théâtre ou l’opéra (elle a par exemple écrit de nouvelles œuvres pour le London Sinfonietta ou The Royal Shakespeare Company). On pourrait la situer à un carrefour entre art contemporain, musique électronique, contemporaine et/ou concrète.

Après l’inauguration de My Secret Heart à la MJC du Grand Cordel quelques heures auparavant [voir encadré], avec déjà ses complices de Flat-E, l’artiste est la tête d’affiche de cette soirée Image et Son. Elle vient y présenter des pièces déjà connues mais surtout des morceaux inédits réalisés avec Oliver Coates (violoncelle). Et comme il s’agit d’une soirée dédiée au dialogue entre l’image et le son, la performance associe les créations vidéo du collectif Flat-E aux développements sonores de Mira Calix et Oliver Coates.

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Quand on arrive au Tambour sur le Campus de Villejean, on est d’abord plus qu’agréablement surpris par la forte affluence déjà dans le hall. On ne pensait bêtement pas que l’electronica de l’artiste britannique intéressait autant de monde. Tout finit néanmoins par s’expliquer par la suite. Pour l’ouverture de cette soirée consacrée au dialogue entre images et sons, quatre clips réalisés par des étudiants de Rennes 2 vont être projetés. Richard Louvet (artiste et graphiste du collectif Lieux Communs) a animé un atelier de pratiques artistiques proposé par Electroni[k] destiné aux étudiants de Rennes 2 durant l’année universitaire 2010/2011 : au programme la réalisation (tournage, montage, …) d’un vidéo clip sur une musique d’un groupe de la scène rennaise.

Plusieurs groupes d’étudiants se sont donc constitués pour mettre respectivement en images deux morceaux de Monkey & Bear, le Black Bride de Missing Season et un titre des Bumpkin Island. On imagine facilement la fébrilité des jeunes vidéastes qui sont venus présenter leur travail ce soir… Heureusement, beaucoup d’étudiants sont là pour les soutenir (d’où cette forte affluence dans la salle du Tambour !). Après un temps de présentation par les animateurs et les vidéastes qui le souhaitent, les quatre projections s’enchaînent, ponctuées par les applaudissements.

Cultures Electroni[k] 2011 - Mira Calix

Après cette mise en bouche alliant musique et image, Mira Calix et son complice Oliver Coates arrivent sur la scène. Un drap recouvrait une forme que, de loin, on aurait pu prendre pour un piano à queue. Il n’en est rien : une fois le drap soulevé, on découvre une table de mixage, un ordinateur… Les deux artistes prennent place : Mira Calix, en robe noire courte debout derrière ses machines, Oliver Coates assis à ses côtés avec son violoncelle. Dès le début de cette performance audio-vidéo, on ressent la complicité qui règne entre les deux musiciens. Concentrés chacun sur leurs parties, ils semblent néanmoins souvent communiquer par le regard. Et pour cause : Oliver Coates (tout comme Flat-e) travaille depuis longtemps avec Mira Calix. Il a ainsi composé de nombreuses pièces pour des installations ou des remixes de l’artiste britannique (tandis qu’on a retrouvé Flat-e aux côtés de la compositrice pour le court-métrage The Boy Who Cried Wolf, par exemple, ou lors du dernier festival Sonàr).

Derrière les deux musiciens, une grande toile blanche sur laquelle sont projetés les créations vidéo du collectif Flat-E. Des images maritimes, de bords de mer, de sable, de plage, de vent et de surface iodée qui se ride nous aident à rentrer progressivement dans les développements sonores tout en lenteur des deux musiciens. La mélodie au violoncelle se pose sur des ambiances électroniques faites de cliquetis, de craquements, mais aussi de nappes sonores qui entrent en écho avec les cordes vibrantes du violoncelle. La musique de Mira Calix prend le temps de laisser s’étirer les notes, les sons, les motifs. D’autres cordes résonnent alors dans la salle. On ne comprend pas trop s’il s’agit de boucles que la jeune femme vient d’enregistrer à partir du violoncelle d’Oliver Coates et qu’elle retravaille, transforme par le prisme de ses machines, mais on donnerait cher pour voir son ordinateur et ce qu’elle fait sur la table de mixage. Les différentes boucles de cordes viennent en écho répondre et se mêler au son bien réel du violoncelle face à nous.

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Le temps semble être l’un des principaux principes de composition de l’artiste britannique. Les phrases sonores s’étirent, se déploient. Le violoncelle d’Oliver Coates donne encore plus d’amplitude à ces développements. Et donne cette couleur, ce timbre organique au son. On pourrait d’ailleurs penser que l’association des deux musiciens repose sur l’ambivalence organique (avec le violoncelle d’Oliver Coates)/électronique (avec les machines de Mira Calix). Pourtant les sonorités que développe la jeune femme, bien que synthétiques, possèdent cette réelle respiration et cette chaleur de l’analogique. La jeune femme joue avec le son comme matière, avec le grain sonore, ses qualités physiques. On se souvient de Björk, au moment de la sortie d’Homogenic (rappelez vous les basses d’Hunter, ces roulements synthétiques) qui disait avoir été inspirée par la puissance organique de la terre volcanique de son pays pour la composition des rythmiques et des basses synthétique. Bien sûr, peu de point de comparaison entre les musiques de Björk et Mira Calix, mais on retrouve chez la jeune femme en face de nous cette puissance organique dans les sons électroniques. Peut-être, d’une part parce que la jeune femme se sert d’enregistrements de la nature (vent, feuilles bruissantes, bruits d’insectes…), mais aussi parce que son attention se porte sur la matière du son.

Cultures Electroni[k] 2011 - Mira Calix 3D’autant que la musique de l’artiste n’est pas uniquement cliquetis et nappes épurées ; elle peut aussi chercher la profondeur des basses, devenir plus lourde, plus dure sur quelques compositions qui emportent aussitôt notre adhésion. Une longue pièce accompagnée d’images d’insectes dans des boites en verre au-dessus desquelles sont suspendues des micros nous rappellent la version de Nunu que l’artiste avait proposée à Londres en 2003. Sur la scène, Mira Calix était alors entourée de petites boîtes spéciales remplies d’insectes et munies de micros : les « bruissements » des insectes ainsi que les instruments traditionnels du London Sinfonietta étaient alors retravaillés et réarrangés en live par l’artiste. On imagine que c’est cette pièce qui sert de fondement au long morceau que développent les deux musiciens devant nous.

On apprécie également la variété des images qui accompagnent le son : après les films en haute définition des nuages, des bords de mer, le changement d’échelle et de focus avec les images des insectes, on observera les yeux tout aussi écarquillés les compositions qui semblent très simples en apparence : un cache rouge sur un écran lumineux et des fougères (?), des brindilles, déplacées, replacées de manière géométrique sur le cadre lumineux. C’est très simple en apparence. Et pourtant le rendu est hypnotique. On est d’ailleurs d’autant plus sensibilisé aux développements vidéo de la création de Flat-E qu’on a pu voir le travail des étudiants tout à l’heure. Les jeux de montage, notamment sur le dernier clip présenté (plusieurs visages reçoivent des liquides divers sur le visage : on voit le liquide les recouvrir, puis l’image est montée à l’envers et le liquide remonte progressivement sur le visage et disparaît) qui nous a permis d’appréhender plus facilement certaines techniques de compositions visuelles.

Cultures Electroni[k] 2011 - Mira Calix 4

De notre côté, on est conquis. On ne peut cependant par en dire de même de tout le public. Certains sortent durant la prestation des deux Britanniques, d’autres (et c’est plus gênant) parlent fort sur la gauche de la scène. Mira Calix a beau leur faire « chut » le doigt sur la bouche en souriant, rien n’y fait. C’est d’autant plus dommage que la musique de Mira Calix a plus à voir avec l’ambient que le rock amplifié. Elle demande alors à l’ingé-son de monter ses retours afin de pouvoir s’entendre. D’autres, néanmoins, sont comme nous et prennent le temps de voyager sur les méandres sonores tout en élégance de Mira Calix sans en perdre une miette. La proposition de ce soir était peut-être ambitieuse, la musique de Mira Calix peut-être pas si accessible qu’il nous l’avait semblé, mais pour nous la prestation de ce soir a inauguré cette nouvelle édition de Cultures ELectroni[k] de bien belle manière.

Photos : Mr B., Isa

Mira Calix à Cultures Electroni[k]
Cultures Electroni[k] 2011 - Mira Calix 7

Pour Cultures Electroni[k], l’artiste britannique dévoile quatre propositions en parallèle. Pour l’ouverture du festival, elle a inauguré My Secret Heart à la MJC du Grand Cordel pour sa seconde présentation en France. Récompensée par le Prix Royal Philharmonic Society Musique et d’un prix British Composer (pour Mira Calix), l’installation allie art et projet social. Il s’agit en effet d’un projet mené avec les sans-abris et les centres sociaux à travers l’Angleterre (grâce à la structure anglaise Streetwise Opera). Le principe est simple : les participants ont chanté, chorégraphié et réalisé une installation vidéo sur un écran circulaire de 10 mètres proposant un ballet graphique et un remix du Miserere d’Allegri avec Mira Calix. Le collectif Flat-e s’est joint à eux pour développer l’aspect visuel. Des personnes sans abri du Centre d’accueil de Rennes ont également participé à cette collaboration. Créée en 2008, l’installation revisitée a été inaugurée au Grand Cordel MJC ce lundi 10 octobre  mais sera visible jusqu’au 28 octobre (entrée libre).

On a également pu retrouver l’artiste lors du Kiosque Électronique (un grand kiosque de verre qui est à la fois une œuvre d’art de la FRAC Ile de France mais qui peut parallèlement être utilisé pour de « vraies performances » – l’artiste vient jouer sa musique à l’intérieur et les spectateurs/auditeurs écoutent sa performance grâce à des casques reliés au kiosque) le mardi 11 octobre à la fac de Sciences Eco. Enfin, en parallèle, Mira Calix était également en résidence de création du 3 au 8 octobre au CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) de Rennes pour réaliser une Carte postale sonore dans le cadre de Metropole Electroni[k].

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Le site de Cultures Electroni[k] : http://www.electroni-k.org/

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