Ce n’est plus un secret ! En même temps, cela ne l’a jamais été. Après en avoir délibéré, et voté à l’unanimité, le Conseil métropolitain a validé l’instauration d’une zone à faibles émissions (ZFE-m). Ainsi, dès le 1er janvier 2025, après s’être souhaité la bonne année et surtout la bonne santé, hein, parce que quand la santé va, hein, les véhicules Crit’air non classés seront interdits de circulation à l’intérieur du périmètre délimité par la rocade rennaise (N136), avec le boulevard des Alliés comme limite à l’Est. En attendant les derniers réglages techniques, le public est invité à donner son avis sur la question jusqu’au vendredi 11 octobre 2024. À quelques jours de la clôture, faisons le point. (L’article sera remis à jour si changement d’ici là, NDLR…)
Après le tabac et l’alcool, la pollution de l’air est la 3e cause de mortalité en France et est responsable de la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes tous les ans (entre 40 000 et 100 000 selon les sources, NDLR). À partir des observations écrites sur le site de la fabrique citoyenne, ce constat semble bien partagé par toutes et tous. Il y a urgence à agir, pas de souci. Là où cela coince, c’est finalement la méthode. Sonic T. résume l’esprit des 70 observations disponibles à l’heure où nous publions et que nous avons lues. « Ce projet part d’une intention louable, mais il est très très mal ficelé et présenté, ce qui le rend difficilement acceptable, même par les personnes soucieuses de l’environnement et de la santé publique. » Mais allons plus dans le détail !
Discrimination, exclusion sociale
En premier lieu, une grande partie des personnes* sont sceptiques pour le dire gentiment, sinon frontalement opposé·es à pointer du doigt et à faire porter le chapeau de la pollution sur une frange de la population bien souvent en difficulté financière. « Le projet est discriminatoire, pour les personnes ayant des véhicules anciens, ce n’est pas par choix, mais parce qu’ils n’ont pas les moyens d’investir. », déclare Dolphy. « Tout le monde n’a pas les moyens de changer de voiture pour une moins polluante. », enchaine Sylvain L. « Certes, il faut que chacun fasse des efforts, mais là, franchement, c’est abuser, ça retombe encore sur les plus « pauvres. » », KO par uppercut de la part de PSE.
Beaucoup d’internautes s’insurgent également sur les conséquences d’immobiliser un véhicule parfois indispensable à celles et ceux qui galèrent, poussé·es hors de Rennes au-delà de la première ou deuxième couronne faute de logements abordables à Rennes, et loin de leur lieu de travail. « Rennes s’est construite pendant de nombreuses années autour de son concept de ville archipel », rappelle justement un_rennais. Rennes concentre une bonne partie du bassin d’emploi cadre breton, offrant ainsi des perspectives professionnelles non négligeables.
Enfin, beaucoup dénoncent une énième attaque des gens d’en haut à l’égard des gens d’en bas, sorte de confrontation entre les « gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » pour paraphraser Macron. Bobos-écolos contre classe moyenne ? « Tant pis pour les pauvres gueux qui vivent en périphérie et qui sont obligés d’utiliser leurs voitures plus anciennes puisqu’ils n’ont ni les moyens de vivre dans Rennes ni les moyens de s’acheter un véhicule récent. », s’insurge PSE. La ZFE serait donc un marchepied à la gentrification déjà galopante à Rennes ?
D’ailleurs, pour quelqu’un·es, la ZFE n’est pas loin d’être une mesure écologique punitive. « Attention à ce que l’écologie ne soit pas un facteur d’exclusion supplémentaire qui distinguera les personnes qui ont les moyens de circuler et celles que l’on privera de toute circulation automobile ! La colère sociale (gilets jaunes) pourrait bien ressurgir si l’on ne veille pas à accompagner au plan social ces changements. » prévient Pascal R. Pour JPB, la ZFE est « discriminatoire et exclu des personnes de leur liberté de circuler. »
Voitures de collection
Autre ambiance. Autres mœurs. Plusieurs personnes se plaignent qu’aucune dérogation n’est donnée aux véhicules de collections. Car oui, ces véhicules, anciens, certes, polluent, certes, mais moins que les voitures de monsieur-et-madame-tout-le-monde, car, c’est la subtilité du raisonnement, ils sont rarement utilisés. « Ces véhicules circulent peu, sont utilisés à des fins strictement de loisir, sont correctement entretenus par des passionnés et sont considérés par plusieurs textes français et européens comme partie intégrante d’un patrimoine culturel national et mondial devant d’être préservé et protégé. », précise Gilbert Marius M. « Elles (les voitures de collection) roulent 15 fois moins que la moyenne et représentent 0,3 pour mille du trafic. », précise SP. Bref, certain·es réclament le droit de polluer rouler le temps de quelques petites balades en campagne. Sh l’affirme : « toutes les ZFE donne des dérogations à ce genre de véhicule » Alors pourquoi pas Rennes ? Le magazine de l’automobile Journal-Auto affirmait en février dernier que 11 métropoles avaient déjà publié un arrêté en faveur des voitures de collection.
Mise à jour (09/10/2024) : En moins de 24 heures, pas moins de 6 observations demandant une dérogation ont été déposées sur le site depuis notre publication
Deux roues motorisées
Enfin, après avoir bien râlé contre l’obligation de passer le contrôle technique pour les deux-roues motorisés, la mo(u)tarde monte de nouveau aux nez des motard·es. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi le projet de la ZFE intègre les deux-roues motorisés dans la catégorie des véhicules légers. Pour elles et eux, rouler en moto serait davantage une solution qu’un problème pour désengorger le centre-ville et ainsi limiter la pollution. « La moto est la solution, une dérogation doit être mise en place », assure David S. Ces véhicules, à croire Sébastien B. « polluent peu, participent à fluidifier le trafic et sont pour la plupart un moyen de mobilité à faible coût. »
En conclusion, il semble qu’un consensus se dessine parmi les citoyen·ne·s de Rennes Métropole, et s’accordent sur un point : la qualité de l’air est perfectible. La Zone à Faibles Émissions (ZFE), même bien intentionnée, soulève malgré tout une vague d’inquiétudes. Accusée d’accentuer les inégalités sociales et économiques, cette initiative est parfois jugée punitive. Après le célèbre « on ne peut plus rien dire », voici désormais le « on en peut plus se déplacer » ? Mais en prévision d’une forte contestation ou d’un possible rejet, la métropole a déjà acté moultes dérogations, diluant de fait l’impact environnemental de la ZFE à tel point que l’on se demande même s’il ne s’agit pas là d’une coquille vide, pour reprendre le propos de l’élu métropolitain et maire de Pont-Péan, Michel Demolder, lors du dernier conseil de la métropole.
Pour atténuer toutes ces critiques, et accepter le changement, il est souvent suggéré que la ZFE soit accompagnée d’aides financières adaptées à chacun.e. Ludovic S. l’avoue : « Pour le moment, mon avis est plus négatif que positif mais ça peut changer- il faut accompagner les usagers de la voiture dans leur transition et y mettre les moyens. ». Et mettre les moyens, cela se traduit aussi par l’amélioration du réseau des transports en commun dans et en-dehors de Rennes. Et pourquoi ne pas envisager sa gratuité ? « Il faut encore améliorer les transports en commun et l’usage du vélo (plus de pistes cyclables 100 % sécurisées, plus de stationnement pour les 2 roues…) », propose Delphine M. « Je suis dans des zones très mal desservies par les transports en communs et peu sécurisés pour les vélo (2 accidents). » se plaint BF. Quand Michel G. lui, est plus direct et conclue : « Non à la ZFE ! Développez les transports en commun. »
* qui ont pris le temps d’écrire sur internet.
[ZFE-m] : La métropole de Rennes pourrait-elle s’inspirer de l’Eurométropole de Strasbourg ?
Zones à Faibles Émissions à Rennes : la métropole dans les starting-blocks
[ZFE-m] : Combien de véhicules impactés par la future Zone à Faibles Émissions ?