[ZFE-m] : La métropole de Rennes pourrait-elle s’inspirer de l’Eurométropole de Strasbourg ?

Lors du conseil métropolitain du jeudi 26 septembre, Matthieu Theurier, vice-président de Rennes Métropole en charge des Transports et de la Mobilité, a précisé les objectifs et enjeux de la future Zone à Faibles Émissions-mobilité (ZFE-m), en introduction de la délibération n°2024-136. Cette initiative n’est donc « ni une révolution, ni un couperet », mais bien un « outil supplémentaire » destiné à améliorer la qualité de l’air et à encourager des modes de transport alternatifs à la voiture, tels que les transports en commun et les modes actifs.

Zone à Faibles Émissions (ZFE)
Zone à Faibles Émissions (ZFE)

Pour rappel, en juillet 2017, le Conseil d’État a exigé des mesures fortes pour réduire les concentrations dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air. En France, 40 000 décès prématurés sont attribuables à une exposition de la population aux particules fines (PM2,5) et 7 000 à une exposition de la population au dioxyde d’azote (NO2). Jugeant les actions entreprises par l’Etat insuffisantes, le Conseil d’État avait de nouveau ordonné au Gouvernement d’agir pour améliorer la qualité de l’air dans plusieurs zones en France, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Cette pression a abouti à la loi Climat et Résilience de 2021, qui prévoit la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) d’ici au 1er janvier 2025 dans les agglomérations de plus de 150 000 habitant·es dépassant les seuils de pollution.


Rennes Métropole a donc attendu la fin du délai légal pour sa mise en œuvre. Une explication, peut-être ? Les ZFE, souvent critiquées pour leur caractère potentiellement discriminatoire, suscitent l’inquiétude, notamment chez les ménages modestes qui n’ont pas les moyens financiers de renouveler leur véhicule, et qui habitent, faute de  mieux en périphérie de la ville centre (première, deuxième couronne). La consultation publique, ouverte du 17 septembre au 11 octobre 2024, ne fait que confirmer ces préoccupations : de nombreux commentaires aux titres explicites déposés sur la plateforme participative fabriquecitoyenne.fr expriment clairement ces craintes.

En voici quelques extraits : 

Absolument contre : cela contribuera à appauvrir massivement la large majorité des personnes nécessitant un véhicule, le prix de départ d’un véhicule aujourd’hui est de 20-25k€

La ZFE, une contrainte supplémentaire pour les plus fragiles Bien que je sois tout à fait d’accord pour considérer que la qualité de l’air est un sujet particulièrement important, nous savons tous que la mise en place d’une ZFE c’est toujours quelque chose de contraignant pour les personnes les plus fragiles qui n’ont pas la possibilité d’habiter dans les centres villes et qui n’ont pas les moyens d’acheter des véhicules neufs ou électriques satisfaisant aux crit’airs nécessaires.

Ecologie punitive : La population la moins à l’aise financièrement dans les quartiers intra rocade sera la plus touchée par les interdictions, idem pour les étudiants qui viennent à Rennes la semaine souvent avec des véhicules âgés.

L’écologie en se débarrassant des pauvres? Seuls les pauvres sont visés… encore et toujours , quelqu’un qui ne roule que très peu se verra obligé de se débarrasser de sa voiture (et ne pourra probablement pas s’en offrir une autre). Pendant ce temps des voitures de luxes (grosses) elles peuvent continuer à rouler à volonté bref les pauvres débarrassez le plancher…

ZFE: pauvres touchés disproportionnellement Un véhicule d’avant 2005 ça coute entre 1000 et 2000€, mais un véhicule qui ne sera pas interdit d’ici 2030 ça coûte plus de 8000€

Zones à Faibles Emissions - contributions
Zones à Faibles Emissions – contributions

À Rennes Métropole, la première phase de l’interdiction ne concernera qu’un nombre restreint de véhicules. Selon les prévisions tenant compte du renouvellement naturel du parc automobile entre 2025 et 2030, les restrictions liées aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) n’affecteront que 2 235 voitures particulières non classées immatriculées sur Rennes Métropole en 2025 (soit 0,9% du parc total), 1 103 véhicules utilitaires léger (soit 2,4% du parc total), et 186 poids lourds (3,9% du parc total). Par ailleurs, soucieuse de garantir à chacune et à chacun le droit à la mobilité et le temps nécessaire pour adapter ses pratiques, la métropole a opté pour l’instauration de nombreuses dérogations, réduisant les effets bénéfiques de la ZFE.

Une dérogation pour répondre aux besoins de déplacements ponctuels :

Rennes Métropole crée une dérogation permettant l’usage occasionnel d’un véhicule sous la forme d’un « Pass ZFE 24h ». Le Pass ZFE 24h permet à tout véhicule d’obtenir pendant 24h une dérogation lui permettant de circuler dans la ZFE. Il peut être utilisé 52 fois par an au maximum pour un même véhicule.

Des dérogations prévues pour tenir compte des difficultés économiques dans certains secteurs :

– raisons techniques ou économiques : elles concernent les véhicules pour lesquels des alternatives sont difficiles à envisager (véhicules aménagés (VASP), camions citernes, bétonnières, bennes, véhicules frigorifiques, convois exceptionnels, etc.) ;
– soutien aux activités solidaires : une dérogation pour les véhicules des associations de sécurité civile ;
– soutien à certaines filières économiques : une dérogation pour les commerçants ambulants non sédentaires ;
– soutien aux entreprises en difficulté : une dérogation pour les entreprises en cessation de paiement ou en liquidation judiciaire ;

Des dérogations pour tenir compte de l’absence d’alternative en l’état actuel :

– l’incapacité à prendre les transports en commun : travailleurs en horaires décalés, résidents du périmètre ZFE-m qui travaillent en dehors de la ZFE-m et ne peuvent pas utiliser un mode de transport en commun pour se rendre sur leur lieu de travail ;
– la prise en compte des délais de livraison d’un nouveau véhicule : elles s’adressent aux conducteurs qui peuvent justifier de l’achat de véhicules conformes avec des délais de livraison importants.

Autant d’exceptions qui posent questions. En séance du conseil métropolitain, Michel Demolder, conseiller et maire de Pont-Péan, exprime à haute voix ce que beaucoup murmurent tout bas : « Je me disais tout de même que nous avions une coquille un peu vide. Il faudra repenser notre approche du développement des transports en commun. »

zfe-m : dérogation
zfe-m : dérogation

Bien loin de notre rocade, plusieurs métropoles françaises ont déjà mis en place des Zones à Faibles Émissions pour réduire la pollution de l’air en limitant la circulation des véhicules les plus polluants. Citons Grenoble, l’une des premières villes à expérimenter les ZFE, elle a instauré des restrictions dès 2017 pour les véhicules utilitaires et les poids lourds, Lyon, Paris… Et puis l’Eurométropole de Strasbourg qui a déployé sur l’ensemble des 33 communes dès 2021 l’une des ZFE-m les plus ambitieuses de France. En conformité avec la loi Climat et Résilience, des interdictions de véhicules ont ainsi été mises en place : depuis le 1er janvier 2023, les véhicules Crit’Air 5 et des véhicules non-classés ne peuvent plus circuler, et depuis le 1er janvier 2024 cette interdiction a été étendue aux véhicules Crit’Air 4.

Dès l’adoption de la délibération-cadre en octobre 2021 concernant la mise en place de la ZFE-m (Zone à Faibles Émissions), il a été décidé de créer un observatoire. Deux évaluations approfondies ont été programmées pour 2024 et 2026, avec pour objectif d’évaluer l’efficacité du dispositif et de procéder à des ajustements si nécessaire. Et 2024… c’est aujourd’hui, et voici les principaux enseignements de l’évaluation :

  1. Amélioration de la qualité de l’air : On observe une tendance à l’amélioration de la qualité de l’air sur le territoire, avec des baisses significatives des niveaux de particules et de NO2, ce dernier ayant chuté de 36 % en cinq ans. Malgré les variations dues aux conditions météorologiques, l’Eurométropole n’est plus en dépassement des normes européennes et est désormais qualifiée de « territoire de vigilance ZFE-m ».
  2. Un parc automobile de moins en moins polluant : En 2022, pour la première fois, le nombre de véhicules a diminué de 7 000 unités. Cette évolution doit être suivie sur le long terme. Le renouvellement naturel de la composition du parc par Crit’Air est accéléré dans les grandes villes mais la réduction des véhicules les plus anciens est encore plus importante pour les agglomérations soumises à ZFE, dont l’Eurométropole.
  3. Un Compte mobilité encore peu utilisé : Seuls 5 % des ménages ayant reçu des aides ont opté pour le Compte mobilité, ce qui implique de se séparer de leur véhicule. Cette option, encore peu connue et jugée perfectible, n’a pas attiré suffisamment d’usagers.
  4. Des aides surtout utilisées pour remplacer les véhicules les plus polluants : Les aides à la conversion ont surtout permis de se séparer des catégories de véhicules les plus anciennes, en cohérence avec leur objectif ; les nouveaux véhicules sont en grande majorité des véhicules essence (Crit’air1) et surtout achetés d’occasion
  5. Les entreprises préoccupées par les restrictions à venir : Si seulement 11 % du parc des entreprises est constitué de véhicules Crit’Air 3 et plus, les interdictions à venir des Crit’Air 2, prévues pour 2028, suscitent des inquiétudes parmi les acteurs économiques en raison des coûts et de la disponibilité des alternatives.

Grâce à l’ensemble des actions mises en place pour améliorer la qualité de l’air, l’Eurométropole est désormais classée parmi les « Territoires de vigilance ZFE-m ». Cela signifie qu’elle doit instaurer une zone à faibles émissions (ZFE-m), mais sans être soumise à un calendrier strict pour son application. Face à la situation économique et sociale de nombreux foyers, à l’état du parc automobile encore en usage et au manque de systèmes de contrôle automatisés, pourtant annoncés par l’État, l’exécutif métropolitain a alors proposé de prolonger la phase d’interdiction à titre pédagogique pour les véhicules Crit’Air 3 jusqu’au 31 décembre 2026.

Il est indéniable que l’échéance de 2026 impose une certaine considération. À Rennes Métropole, les limitations concernant les véhicules Crit’Air 4 et Crit’Air 3, qui touchent le plus grand nombre de véhicules soumis aux restrictions de la Zone à Faibles Émissions Mobilité (ZFE-m), entreront en vigueur respectivement à partir de 2029 et 2030. Cela coïncidera avec le déploiement progressif des projets majeurs du réseau de transport public (livraison des quatre lignes de trambus… si tout se passe bien, et sans trop de retard, NDLR)

restrictions de circulation dans le périmètre de la ZFE-m
restrictions de circulation dans le périmètre de la ZFE-m

Photo d’illustration par   « Circulation » sous licence Creative Commons CC BY 2.0

 

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