Après une annulation et une édition allégée mais sympathiquement nomade, c’est enfin le retour à la normale pour la Route du Rock. Pour sa trentième édition, le plus malouin des festivals pop-rock retrouvera du 17 au 20 août 2022, la Nouvelle Vague, la plage du Bon secours et, surtout, le Fort Saint-Père. On y découvrira avec un immense plaisir la programmation de l’événement parfois pointue, souvent maligne et sacrément alléchante… Et qui donne une nouvelle fois envie de ne manquer ce rendez-vous estival sous aucun prétexte. On vous propose donc une présentation détaillée (en deux faces pour être un poil moins indigeste), en espérant vous y retrouver, en tongs ou en ciré… On conclut notre tour d’horizon de l’édition avec le détail des journées du vendredi et du samedi. (La face A décortiquant le mercredi et le jeudi est lisible par là)
Vendredi 19 août : Retours en Fort
Les retours d’artistes ayant déjà été programmés sur le festival seront assez nombreux sur cette édition 2022. Comme d’habitude, il y aura aussi une grande majorité de petits (ou grands) nouveaux mais les incertitudes et fébrilités consécutives à un retour à la normale après deux années de COVID ne sont sans doute pas pour rien dans le fait que la Route du Rock se soit tournée vers des habitués.
En guise de fidèles des lieux, le très anglais Baxter Dury se pose là. Avec deux venues à la collection hiver de la Route du Rock (2006 et 2012, si on se souvient bien) et une première escale estivale en 2014, le voilà de retour sur la grande scène du Fort le vendredi 19 août. Depuis Happy Soup, sorti en 2011, le Britannique a réussi à se faire un prénom après deux premiers essais restés confidentiels (en termes de ventes, du moins) Len Parrot’s Memorial Lift en 2002 et Floor Show en 2005, notamment grâce à ces 10 titres à la simplicité directe où s’entremêlent la voix grave du songwriter et celle omniprésente et légère de Madelaine Hart aux chœurs. Épurée, aux arrangements minimalistes, la musique de Baxter Dury gagnait pourtant en luminosité sur ce troisième album. Sa basse ronde et ses chœurs sautillants et élastiques vous donnant même parfois envie de vous trémousser avec un flegme tout britannique (on pense à Claire ou à la dernière partie de Leak at the Disco par exemple). Ont suivi depuis ce coup de maître It’s a Pleasure (2014), Prince of tears (2017) et Night Chances (mars 2022) mais aussi B.E.D. surprenant plan synthétique à trois avec Etienne De Crecy et Delilah Holliday. Le charisme déglingué, la classe nonchalante et l’humour flegmatique du dandy devraient une fois de plus conquérir le cœur des festivaliers.
L’autre retour des chouchous du Fort ce vendredi, ce sera celui des formidables Lionel et Marie Limiñana aka The Limiñanas. Le duo de Cabestany (Pyrénées-Orientales – au sud de Perpignan) devrait sans peine (et quelle que soit la météo, qu’on se le dise) darder de ses rayons le festivalier ravi. Pédale fuzz pour le garage, guitare psychée en bandoulière même si non merci, je ne suis pas très drogue et paroles sixties absurdes (je t’ai croisée chez Prisunic, parmi les tomates atomiques) aussi sexy que les robes lamées de Françoise Hardy période Gainsbourg (ton coeur de pyrex résiste au feu), les Limiñanas ont ce charme indicible qui a conduit les labels américains à les courtiser (HoZac, un label de rock indépendant de Chicago, ou Trouble in Mind) avant même ceux d’ici.
Activiste des scènes perpignanaises (musiciens dans plusieurs formations du cru, organisation de concerts…) depuis bien plus longtemps, le duo complice de Pascal Comelade s’est formé en 2009 un peu par hasard puisqu’après deux morceaux postés sur Myspace, on leur en a demandé dès le lendemain une nouvelle palanquée. Marie s’est illico mise à la batterie et huit albums plus tard, dont l’excellent Shadow People (Because, janvier 2018), la pop du Velvet de Perpignan, aussi lancinante et primitive que celle de Lou et John, est tout autant émoustillante. D’ailleurs nos deux larrons de noir vêtus continuent de garder portes et fenêtres ouvertes à toutes les collaborations (comme depuis toujours). De Bertrand Belin (amour éternel ici pour le garçon qui signe un Dimanche impérialement addictif) à Peter Hook (de New Order une nouvelle fois), en passant par Anton Newcombe (The Brian Jonestown Massacre) ou plus récemment l’immense Laurent Garnier pour leur épatant opéra rock De Pelicula, le duo a largement démontré son ouverture et sa finesse d’oreille.
Après avoir ouvert avec une grande classe une des journées de l’édition 2018, les voilà donc de retour pour conclure en apothéose ce 19 août et nous n’avons aucun doute sur le fait que ce sera de la plus flamboyante des manières.
On continue avec Kevin Morby, un autre abonné de grande classe du festival. Vous l’avez peut-être déjà aperçu sur la scène de la Route du Rock collection été, en solo en 2016 ou à la basse de Woods en 2013 (et aussi un peu à l’harmonica) ou en version hivernale à l’Antipode MJC la même année. Ou bien l’avez-vous découvert en co-frontman dans son second projet, The Babies, formé également à Brooklyn, mais avec la guitariste des Vivian Girls, Cassie Ramone. Sur la scène du Fort, c’est de nouveau avec son projet solo, sous son nom, que vous retrouverez Kevin Morby,
Crédit photo : ©Dusdin Condren
Bassiste par accident dans Woods, c’est à la six-cordes que le garçon s’illustre sur son premier album solo, Harlem River, sorti en 2013 (Woodsist). Hommage à New York qu’il a quittée pour la Californie, Harlem River est un fort honorable premier essai en huit titres de folk racée, arrangée avec talent. L’instrumentation résolument sixties (pedal steel, orgue Hammond), quelques accents à la Leonard Cohen plus loin (Sucker in the Void) voire Dylaniens (mais des débuts du sieur Zimmerman) donnent au disque un surcroit d’élégance pourtant jamais surannée. Huit morceaux à la délicatesse lumineuse et contemplative, pas chiants pour deux sous, belles compos au raffinement classieux d’un songwriter déjà prometteur. Sur un titre (Slow Train), la voix chaude et grave de Cate Le Bon apporte même un contrepoint parfait à la voix légère de Morby. A sa suite, l’intarissable compositeur a enchainé sur un rythme effréné les albums avec Still Life (Woodsist en 2014), le très réussi Singing Saw (Dead Ocean en 2016), Oh My God (Dead Ocean en 2019), Sundowner (Dead Ocean en 2020) et enfin tout récemment This Is a Photograph (Dead Ocean en 2022). Avec toujours, un songwriting inventif et ciselé et des arrangements particulièrement léchés (la scie musicale, justement qui donne son titre à son troisième opus, cuivres et cordes ailleurs, parfaitement dosés). Ne s’interdisant pas de faire écho aux réalités sociales du présent (I Have Been To The Mountain rappelle la mort tragique d’Eric Garner, Afro-Américain tué lors de son arrestation par la police new yorkaise en 2014), le garçon continue pourtant d’enfiler les chansons intemporelles comme peu peuvent s’en targuer.
C’est bien beau toutes ces retrouvailles mais nous sommes tout particulièrement heureux d’enfin pouvoir voir sur scène, les très attendus (au moins par nous) DIIV. Le groupe s’appelait initialement Dive, en hommage au titre de Nirvana, avant de changer pour d’évidentes raison d’homonymie avec un groupe belge. Nous suivons de près les aventures de ce groupe new yorkais mené par Zachary Cole Smith depuis la sortie de leur premier long format Oshin sur Captured Tracks en 2012. Le disque vient d’ailleurs d’être réédité à l’occasion du dixième anniversaire de sa sortie et on vous invite chaudement à le découvrir si ce n’est pas déjà fait. Le disque est une synthèse parfaite entre brumes shoegaze et déflagrations grunge, sublimées par des arrangements vocaux subtils. On adore tout autant l’impressionnant double album Is the Is Are de 2016 et le plus sombre mais plus collaboratif Deceiver de 2019. D’abord parce que ces deux disques élargissent avec classe le champ des possibles du groupe et confirment haut la main la puissance mélodique et l’art du riff qui tue de Cole Smith mais aussi parce que ce sont des disques de survivants. Entre problèmes de drogue aigus et changements de line-up fracassants, c’est un sacré miracle que ces deux disques soient sortis et tout simplement que le groupe existe encore. On mesure donc notre chance d’avoir l’occasion de les voir dans le coin et on entoure bien en rouge leur place dans la programmation de la journée (22h15 sur la scène des remparts).
On retrouvera également ce soir là, un groupe issu de la foisonnante scène de Brighton : Porridge Radio. Le quatuor s’y est formé en 2015 à l’initiative de la chanteuse Dana Margolin. La bande a développé au fil de nombreux singles et de quatre albums un indie sadcore aussi mélancolique que très personnel. Avec un sens mélodique peu commun et un art consommé de l’équilibre entre abrasivité et douceur amère, le groupe compose un univers singulier au charme délicieusement vénéneux. Leur troisième album Every Bad sorti en mars 2020 chez Secretly Canadian a été l’occasion d’une impressionnante montée en puissance. Avec ses textes au vitriol, sa grande variété et ses compos aussi irrésistibles que retorses, le disque ne manque pas de charme. Leur grande forme de composition a été confirmée par Waterslide, Diving Board, Ladder To The Sky sorti en mai 2022. Malgré le charisme et la totale implication scénique de sa frontwoman Dana Margolin, nous avions été un poil frustré par le manque de montée en puissance des morceaux lors de leur concert de novembre 2021 à l’Antipode. On a cependant hâte de voir comment la bande a évolué sur scène depuis.
Malgré les qualités indéniables de la programmation de la Route du Rock, il arrive tout de même parfois que la présence d’un groupe nous laisse hautement dubitatif. Cette année, ce sera celle de Los Bitchos. Nous sommes apparemment imperméables au mélange pourtant détonnant en théorie de rock psyché, cumbia, surf punk pratiqué par ces quatre jeunes filles aux origines diablement variées (UK, Australie, Suède et Uruguay). Leur album au programme assez clairement énoncé : Let The Festivities Begin! sorti chez City Slang en février 2022 et produit par Alex Kapranos (Franz Ferdinand) ne nous a fait frétiller ni les gambettes ni les zygomatiques. A voir si la version live déridera les vieux grincheux que nous sommes parfois.
Après les plutôt flippants néo-zélandais de Jonathan Bree en 2018, ce sera au tour des anglais de Snaped Ankles de perpétuer la grande tradition rock des groupes masqués. Formé en 2011, la formation londonienne a été plus que productive en matière discographique. Depuis True Ecology, leur premier EP en 2012, ils n’ont cessé de sortir avec une régularité impressionnante des disques. Un second EP, The Best Light Is the Last Light, un premier album, Come Play the Trees puis deux EP, publiés coup sur coup en 2018 (Violations et Four to the Forest Floor) et enfin trois albums en trois ans Stunning Luxury (2019), 21 Metres from Hebden Bridge (2020), Forest of Your Problems (2021), se sont ainsi enchainés. Nos prolifiques zozos masqués y mélangent avec une joie assez communicative un rock psyché abrasif et une électro organique bien étourdissante. Cette tambouille bien euphorisante et leur attitude scénique débridée nous promettent un joyeux et réjouissant bordel en fin de soirée.
On conclut notre revue de cette journée au Fort avec le jeune trio londonien Honeyglaze qui aura lui le redoutable honneur d’ouvrir le bal ce vendredi. Formé un peu à l’arrache par la chanteuse et compositrice Anouska Sokolow pour éviter de jouer en solo sur scène, Honeyglaze regroupe désormais Tim Curtis à la basse et Yuri Shibuichi derrière les fûts. Leur premier album Burglar est sorti en avril 2021 sur le label Speedy Underground et a été produit par l’omniprésent actuellement Dan Carey. Ce disque introspectif et tout en finesse navigue avec délicatesse entre dream pop et jazz soul pour un démarrage de soirée tout en douceur.
Et avant ça : à la plage de Bon-secours
Comme chaque année les djs des Magnetic Friends seront bien présents sur le festival avec dans leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son/sa voisin.e (parfois inconnu.e quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Attention pour cette année, les concerts du Fort s’enchainant sur un rythme implacable, ils ne seront présents que sur la plage du Bon secours du jeudi au samedi de 14h30 à 16h.
Ça va danser sur le sandfloor !
On avoue qu’on aurait bien échangé deux barils de Los Bitchos même contre un seul de Melenas. L’indie pop garage de ce quatuor de filles de Pampelune va en effet droit au but avec une simplicité et une joie assez désarmante. Avec des riffs, de l’énergie et des arrangements vocaux simples mais diablement efficaces, le groupe devrait rendre muy caliente l’ambiance de la plage.
Et après ça : On danse encore au Fort
Pour cette trentième édition, la Route du Rock a décidé d’offrir à ses festivaliers et festivalières les plus endurant.e.s des aftershows à partir de 2h du matin pour prolonger la fête jusqu’au bout de la nuit et de leurs forces. Pour le vendredi, ce sera l’electro de Jabba 2.3 qui accompagnera les derniers encore debout.
Baxter Dury, The Limiñanas, Kevin Morby, DIIV, Porridge Radio,
Los Bitchos, Snaped Ankles et Honeyglaze
seront en concert vendredi 19 août 2022
au Fort Saint-Père (Rue des Acadiens, Saint Malo) à partir de 18h.
Tarifs : (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) 47€ / 50€
Pass trois jours Fort : 115€ (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) / 125€
Les Magnetic friends puis Melenas sera en concert vendredi 19 août 2022 – gratuit
à la plage du Bon-secours à Saint Malo à partir de 14h30
Conférence Glam Rock de Christophe Brault
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils et que vous craignez l’eau de mer au réveil, vous aurez une belle alternative dans les fauteuils de la salle Sainte Anne de Saint Malo le vendredi 19 août dès 14h. vous pourrez y assister à une nouvelle conférence, menée tambour battant par Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur C-Lab) qui se chargera de retracer (avec la fougue qu’on lui connaît) la fulgurante histoire du glam rock.
Alors que l’indispensable The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de David Bowie fête cette année ses 50 piges, Christophe Brault retracera les folles aventures pleines de paillettes et de riffs scintillants de ce mouvement né dans les années 70 en Angleterre. En plus de l’immense David Robert Jones, vous devriez également avoir l’occasion d’écouter Roxy Music et T.Rex mais également beaucoup d’autres moins connus et aussi la vague américaine qui suivit avec Alice Cooper, Suzi Quatro ou les New York Dolls. Tout ça avec l’érudition, la générosité et l’enthousiasme qu’on connait au monsieur, ça promet des étincelles.
Conférence L’histoire du glam rock par Christophe Brault
Vendredi 19 août 2022 – Entrée libre · de 14h à 16h
La Salle Sainte-Anne · 12, rue Sainte-Anne 35400 Saint-Malo
Samedi 20 août : Le Fort dans tous ses états
On avoue bien volontiers qu’on aurait adoré voir ce que vaut sur scène la follement prolifique et créative bande des australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard. Une crise aigüe de la maladie de Crohn dont souffre Stu Mackenzie, le leader du groupe en a décidé autrement. On lui souhaite plein de courage. Après quelques jours de suspense, ce seront finalement les affreux, sales et géniaux Fat White Family qui joueront les remplaçants de luxe sur ce samedi.
Il n’y a que les imbéciles et les voitures sans frein qui ne changent pas d’avis. Si nous étions totalement passés au travers du concert de The Fat White Family lors de l’édition 2014 nous étions régalés devant la superbe explosion au ralenti qu’ils nous avaient offert en 2016. Fondé à la fin des années 2000 par deux rescapés d’un indie-boy-band : Lias Saoudi et Saul Adamczewski, The Fat White Family s’est vite taillé une réputation de sales gosses hirsutes et dépravés. La preuve : un frontman qui finit certains concerts nu comme un ver, des paroles vénéneuses évoquant fascisme, viol et pédophilie, un line-up plus que fluctuant, une banderole qu’ils auraient tendue chez eux le jour de la mort de Margaret Thatcher « The Bitch is Dead ». Bref, une réputation de dézingués sans foi(e) ni loi pour le sextet cockney parfaitement résumé par la limpide citation de Lias Saoudi : « ce groupe souffre de soucis psychologiques profonds bien plus graves que la drogue« . La troupe a sorti en 2014 un Champagne Holocaust à la pochette éroto-porcine du meilleur goût. Ils lâchent ensuite dans la nature leur second long format : Songs for our mothers (sic!) sur Without Content en 2016. Sur ce disque encore plus insidieux et malade que le précédent, les incorrigibles gusses évoquent aussi bien la relation abusive entre Ike et Tina Turner que les ébats supposés entre Hitler et Goebbels au fin fond de leur bunker. On avoue avoir été un peu surpris de voir Lias Saoudi invité lors de différents reportages sur le funeste référendum anglais (avant et après le résultat d’ailleurs). Sauf que l’on a alors découvert que le bonhomme avait bien plus de choses intéressantes à dire que la plupart de nos éditorialistes hexagonaux. Il évoque, entre autres, la déliquescence et l’inanité de le grande majorité de la musique britannique pop actuelle avec une lucide férocité tout à fait réjouissante. Sur la pochette du single de Whitest Boy On The Beach, on retrouve le groupe posant dans une citation d’une pochette de Throbbing Gristle, un autre grand groupe anglais expert dans l’art de dynamiter les conventions pour mieux mettre à nu les horreurs du temps. Leur troisième disque Serfs Up ! est sorti en 2019. On a été un peu surpris qu’il voie le jour vu les nombres de projets parallèles des zigues. Le disque appelait tout simplement à la Révolution (mais aussi à compatir Kim Jong-un !) en injectant de façon très inspirée de larges rasades de pop, disco ou boogie dans leurs compos. Pour cette troisième venue plus qu’impromptue, on compte sur The Fat White Family pour nous surprendre une fois de plus et se montrer de nouveau à la hauteur des soucis psychologiques profonds cités plus haut.
Le prolifique Ty Segall fera également partie des come-back de 2022 avec une troisième venue dans le Fort. Après un premier round mémorable en 2015 sous son avatar Fuzz et une seconde manche tout aussi vivifiante en 2019 sous son nom. Il revient cette fois avec la formation Ty Segall & The Freedom Band. Si l’ami Christophe Brault se montre ravi du retour du Californien (les auditeurs de Music Machine le savent), on ne boude pas notre plaisir non plus. On a déjà vu le garçon à quelques reprises et dans des formations différentes, mais à chaque fois Ty Segall et ses buddies ont fait débouler un tsunami fracassant sur les publics massés en rang serrés et pogotant devant la scène. Le jeunot prolifique dont la liste d’albums (en solo ou au sein d’une bonne demi-douzaine de formations annexes) eps, splits (et on en passe) est longue comme la faille de San Andreas (on a arrêté de compter depuis longtemps), chantre de la scène rock garage avec ses compères feu Jay Reatard ou autres Thee oh Sees, sait vous dégommer les esgourdes à coups de brûlots noisy et de chansons barrées dont lui seul a le secret. Mais sait aussi curieusement ralentir le tempo et écrire d’étonnantes ballades (Take Care (To Comb Your Hair), Orange Color Queen ou Talkin’ sur Ty Segall).
Si le set de la Route du Rock devrait avant tout s’apparenter à une déferlante réjouissante mélangeant fougue punk, garage qui tache, influences métal, saturations grunge et riffs psychés (on se souvient d’avoir levé le poing en hurlant avec la salle et le groupe sur une reprise furibarde incendiaire de Paranoid de Black Sabbath, toute en guitares saturées et en hurlements à l’Antipode MJC), il ne faut jamais oublier que ce garçon a plus d’un tour dans sa besace : il maîtrise, mais dégomme aussi tous les codes, rebondissant souvent où on ne l’attend pas (le Hello Hy tout en délicatesse acoustique qui vient tout juste de sortir est à ce titre particulièrement probant). Les premiers rangs devraient en tout cas pogoter à qui mieux mieux.
Autre retour dont on ne se plaindra pas, Beak> reviendra nous faire délicieusement tourner en bourrique avec sa version irrésistible et follement classe des spirales krautrock. Ce qui fut au départ un simple projet parallèle de l’immense Geoff Barrow (maître d’oeuvre musical de Portishead et fondateur du label Invada Records) est devenu maintenant sa principale activité. Depuis 2009, le trio complété par Billy Fuller et Will Young a livré trois albums d’une classe folle et une pelletée de singles et d’EP tous aussi impeccables. Les trois lascars ont paufiné au fil des ans leurs amours des sonorités fascinantes et des rythmiques motorik avec une inspiration et un sens du détail qui forcent l’admiration. Vu la puissance de feu monumentale de leur dernière nouvelles discographie (le single Oh Know) nous sommes totalement certains que le trio va une fois encore tout dévaster sous les assauts hypnotiques de leur implacable horde sonique.
Nous sommes tout aussi entousiastes et frémissants d’impatience avec la venue des londoniens de Wu-Lu. Les premiers EP aventureux et la prestation féivreuse que la bande menée par Miles Romans-Hopcraft a livré lors des dernières Trans Musicales nous avaient déjà bien convaincus de classer le groupe parmi ceux à suivre de près. Voilà de plus qu’a déboulé en juillet 2022 leur premier long format tant attendu. Il s’intitule Loggerhead et il est sorti sur le label Warp qui prouve encore une fois qu’il a toujours les oreilles fines. Comme nous l’espérions, l’album est une grande réussite. Le multi-instrumentiste Miles Romans-Hopcraft y lâche la bride pour notre plus grande joie. Histoire de bien enfoncer les clous du cercueil de la notion de genre musical se bousculent hip hop abrasif, décharges noisy, riffs grungy, mélancolie trip hop et déflagrations drum’n’bass… Ce chaos rageur et utltra-maitrisé est maniaquement mis en son et pimenté par de nombreuses collaborations dont la rappeuse Lex Amor, la violoniste Mica Levi ou encore Morgan Simpson et Matt Kwasniewski-Kelvin échappés de Black Midi… Le tout sonne comme le légitime héritier de l’univers ténébreux de Ghostpoet ou des expérimentations d’U.N.K.L.E. dans les années 90’s (projet protéiforme mené par James Lavelle et Dj Shadow dans lequel on a pu croiser Thom Yorke (Radiohead), Mark Hollis (Talk Talk), Mike D (Beastie Boys), Kool G et on en passe). C’est donc peu dire que nous sommes impatients de voir comment se décline en live cet univers d’une singularité aussi rafraichissante qu’excitante.
L’autre univers délicieusement singulier que l’on pourra explorer ce samedi, ce sera celui de Vanishing Twin. Formé en 2015 à Londres autour de Cathy Lucas, le groupe a sorti en octobre 2021 Ookii Gekkou un troisième album aussi ludique que psychédélique. Quelque part entre les spirales colorées de Stereolab et le jazz cosmique de Broadcast, la bande se nourrit de l’éclectisme de ses musiciens pour nous offrir des petites perles oniriques et jamais ronronnantes.
On remettra également le pied sur l’accélrateur avec Big Joanie. Le trio londonien composé de Stephanie Phillips (chant/guitare) bassist Estella Adeyeri, (basse) et Chardine Taylor-Stone (batterie) s’était fait remarquer avec Sistahs, premier album signé sur Daydream Library Serie. Elles y livraient onze petites bombes de punk hautement mélodiques à l’énergie rafraichissante et aux chœurs teintés de soul. On compte bien sur cette formule hautement inflammable pour faire monter la température du Fort.
On avoue volontiers avoir sorti notre plus belle danse de joie à l’annonce du retour de DITZ sur la scène du Fort. Il faut dire qu’on suit ce quintet de Brighton comme le lait sur le feu depuis que nous avons découvert en 2016 leur EP1. Ce premier trois titres plongeait dans un creuset rempli de métal en fusion post-punk, noise rock, grunge et post hardcore pour un alliage aussi étincelant que redoutablement tranchant. Voix obliquement flegmatique et classieusement braillarde, riffs explosifs et furieusement abrasifs et rythmiques incendiaires, ces trois titres nous avaient autant disloqué la nuque que collé un sourire béat. Il a fallu s’armer de patience pour enfin pouvoir écouter leur 5 song EP, sorti en juillet 2020, qui confirmait haut la main toutes les qualités d’artificiers de la bande et nous offrait en guise de cerise sur la bouteille de nitroglycérine une monstrueuse reprise du déjà terrible Fuck The Pain Away de Peaches. On savait alors les gars prêts à s’attaquer à leur premier long format. Hélas, un virus taquin et tenace est passé par là et il a fallu se contenter de quelques titres distillés au fil des mois avant la sortie en mars 2022 sur leur label Alcopop de The Great Regression. Fort heureusement, le disque est largement à la hauteur de nos pourtant folles attentes. On sent que chacun des dix titres a été obsessivement peaufiné pour un impact maximal. La force de frappe du groupe n’a jamais été aussi saisissante et la bande se paye en plus le luxe d’avoir des paroles imparables dans leur féroce lucidité. En équilibre délicieusement instable entre agressivité pure et évidence mélodique, le disque vous choppe dès le Clocks inaugural et ne vous lâche plus jusqu’au cataclysmique final goguenardement appelé No thanks I’m Full. Pour notre part, et malgré une épatante prestation au flegme volcanique à l’Antipode en avril 2022, nous sommes loin d’être rassasiés et nous n’avons qu’une hâte c’est de nous reprendre tout ça dans la tronche à plein volume.
On conclut ce samedi au Fort avec les bombes rythmiques de PVA. Si on retrouve bien des voix, une guitare et un vrai batteur dans ce tout jeune trio londonien, ce sont surtout les machines qui sont ici à l’honneur pour des compositions hypnotiques évoquant l’electronic body music des années 80 ou les assauts infrabasses des raves. Le groupe viendra de plus défendre les morceaux de leur premier album BLUSH à sortir en octobre 2022. Vu leur réputation scénique, on gage que ce sera avec autant de fièvre que de brio.
Et avant ça : à la plage de Bon-secours
Comme chaque année les djs des Magnetic Friends seront bien présents sur le festival avec dans leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son/sa voisin.e (parfois inconnu.e quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Attention pour cette année, les concerts du Fort s’enchainant sur un rythme implacable, ils ne seront présents que sur la plage du Bon secours du jeudi au samedi de 14h30 à 16h.
Ça va danser sur le sandfloor !
Ce sera la canadienne Tess Parks qui viendra conclure les concerts à la plage de cette semaine. Après de très remarquées collaborations avec Anton Newcombe de Brian Jonestown Massacre dont un très bel album en duo en 2013, la dame originaire de Toronto et exilée à Londres a enfin sorti un nouvel album : And Those Who Were Seen Dancing, en mai 2022. Sa voix démoniaquement éraillée y fait de nouveaux merveille sur des compositions entre folk du désert, dream pop et ballades psychédélico-shoegaze entre ombre et soleil. Le charme de ses compostions devrait opérer à pleine puissance
Et après ça : On danse toujours au Fort
Pour cette trentième édition, la Route du Rock a décidé d’offrir à ses festivaliers et festivalières les plus endurant.e.s des aftershows à partir de 2h du matin pour prolonger la fête jusqu’au bout de la nuit et de leurs forces. pour cette ultime journée, ce seront les tubes indés dénichés par Pépé Jerk qui concluront le festival.
Pour les sporti.f.ves (pas vraiment nous)
Copacabana, le Maracana, c’est un peu, comme chaque édition ce que deviendra la plage de l’éventail (en face du Palais du Gand Large) ce samedi 20 août de 13h30 à 17h pour la nouvelle édition de Sports are not dead (ça fait S.A.N.D.) sur le sable malouin. Après deux années de sport confiné, technicien.ne.s, bénévoles, festivalier.e.s et organisat.rice.eur.s vont pouvoir de nouveau s’affronter dans un tournoi de foot sur sable.
Mais pas que puisque vous pourrez également participer à des initiations de Touch Beach Rugby, de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?) et même du palet pour celles et ceux qui n’aiment pas courir. Tout ça bien sûr avec une bande son indie de haute qualité pour suer avec les oreilles à l’aise.
Sports are not dead – Plage de l’Eventail, St Malo – Samedi 20 août – 13h30
The Fat White Family, Ty Segall & The Freedom Band,
Beak>, Vanishing Twin, Big Joanie, Wu-Lu, DITZ, PVA
seront en concert samedi 20 août 2022
au Fort Saint-Père (Rue des Acadiens, Saint Malo) à partir de 18h.
Tarifs : (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) 47€ / 50€
Pass trois jours Fort : 115€ (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) / 125€
Tess parks sera en concert samedi 20 août 2022 – gratuit
à la plage du Bon-secours à Saint Malo
La Route du Rock Collection Été 2022 aura lieu
du mercredi 17 août au samedi 20 août.