Compte-rendu écrit à 3 mains et 6 bottes par Yann, Mr B. et Isa, photographié à 4 mains et SANS poncho par So et Mr B.
Sur le papier, la soirée de ce vendredi au Fort St Père était d’une homogénéité et d’une tenue à faire pâlir les autres festivals. En vrai, on s’y est trouvé tellement bien qu’on n’a pas vu le temps passer. Compte-rendu.
Le Fort St Père : Plus beau, plus fort, plus sec
L’an dernier, on avait longuement redit notre amour pour ce festival un poil atypique, à la programmation à défendre, tout en maugréant gentiment sur certains manquements en terme d’accueil (on vous renvoie à nos articles de l’an dernier sur le sujet : là et aussi ici), décriés plus ou moins violemment par pas mal de festivaliers.
Sur certains points, d’ailleurs, comme l’arlésienne des travaux prévus pour rendre le Fort St Père praticable en cas de fortes (ou longues) pluies (ça peut arriver dans notre riante région), l’équipe de Rock Tympans n’avait pas grande marge de manœuvre entre élus qui se renvoyaient la balle depuis des lustres et retards dans les travaux.
Mais voilà, alors qu’on n’avait quasi arrêté d’espérer, les tracto-pelles et autres engins de chantier ont commencé à drainer le site cet hiver, décapant les 40 cm de profondeur d’argile qui empêchaient les écoulements, empierrant ensuite le site pour favoriser le drainage des eaux de pluie. Avec l’ambition, également, de capter les eaux fluviales et de mettre en place un bassin tampon, ainsi que de collecter les eaux usées dans des fosses de 60m2 (plus d’1fos sur le Télégramme). Et bien autant vous le dire, en entrant sur le Fort, les festivaliers sont à deux doigts de se mettre à genoux de bonheur : l’entrée du Fort est toute refaite, sans cette butte-goulot d’étranglement s’apparentant à une piste de bobsleigh à boue les jours de pluie. La place est impeccablement nette, sans trace de flaque, même mesquine. On peut le dire : ce drainage de l’entrée et devant la scène du Fort est une belle réussite. Et cette entrée élargie en est une sacrée autre, tant elle permet les déplacements avec une déconcertante fluidité.
Devant la scène des Remparts, ça se complique un tantinet, car comme l’expliquait François Floret, directeur du festival à Goute mes Disques : « Le fond du Fort, là où il y a les petites maisons pour ceux qui connaissent, n’a pas été drainé parce qu’une adjointe a décidé de ne pas y toucher à cause de son marché aux fleurs. Donc on aura, s’il pleut, un petit bout de terrain pour les nostalgiques de la boue. » Et effectivement, là, la boue et les gigantesques flaques sont à leurs habituelles places… Tout comme les fameux nostalgiques qui nous proposeront un ballet des plus aquatiques (madison, rock’n roll, lancer de boue par gobelets interposés, plongeons magistraux et glissades sur le ventre) pendant le concert de Timber Timbre. Donc si vous comptez profiter des concerts de la scène des Remparts, on continue de vous conseiller les bottes. Sauf si ça a été pompé pour aujourd’hui.
La scène des Remparts, justement, parlons-en. Après des années de tâtonnements, d’essais, de déplacements, les organisateurs de la Route du Rock ont enfin trouvé LA formule parfaite. Plus haute, plus grande, au fond du Fort, face à la scène du Fort, sa nouvelle disposition en fait la seconde éclatante et prodigieuse réussite de cette édition. Et on ne parle même pas de la fluidité des déplacements tout bonnement épatante. Plus besoin de rater la fin d’un concert pour être sûr d’assister au début du suivant, avec la crainte de se retrouver bloqué dans une marée humaine pleine de courants contraires. Non, ce soir, nous glisserons sans aucune difficulté d’une scène à l’autre
Autre nouveauté : tous les stands restauration se retrouvent en dehors des remparts et bénéficient d’une conséquente structure couverte avec assises, havre providentiel pour la crêpe de 2h00 du matin ou les huîtres avec un demi (!) de blanc pendant le grand raout Ratatat. Mais surtout permettent à tous, même les plus fragiles, de profiter du festival dans de bonnes conditions.
Découlant nous semble-t-il des lourds aménagements engagés, l’épineux problème des toilettes n’en est également plus un. Plus nombreuses, régulièrement nettoyées -voire débouchées- (une pensée pour les adorables gars qui se coltinent le boulot avec le sourire en nous disant « au moins on profite de la musique » ), réapprovisionnées en papier et disposant d’eau courante, les toilettes sont enfin à la hauteur de l’événement. Adieu (on espère : à tout jamais) les flaques d’urine malodorantes le long des barrières ou dégoulinant sous la scène des Remparts. On l’avoue : voilà un truc qui ne nous manque pas.
Passées ces considérations logistiques nécessaires, venons en à la musique.
Et la musique ?
Après un premier disque un peu trop psyché à notre goût, on s’était beaucoup plus intéressé au premier album de Wand, Golem, et ses compos résolument garage. Rien de bien nouveau sous le soleil californien mais ces stakhanovistes enchainent les concerts à un rythme ahurissant depuis un peu plus d’un an. A défaut d’être original, on attendait donc de découvrir un set efficace et rodé de la part des 4 membres originaires de Los Angeles, signés sur le label de l’incontournable Ty Segall. Après un premier quart d’heure bien pêchu (à peine ralenti par l’explosion d’un tom) et une triplette à la sauce rock garage (dont l’explosif Self Hypnosis in 3 days), le set est devenu brouillon. L’habile mélange de tensions et de moments calmes sur l’album se transforme hélas en intros inutilement ralongées qui donnent plus l’impression de meubler que d’installer une réelle atmosphère. Après une reprise inutile d’un bout de The End des Doors, on sent bien que les coups de boutoirs du chanteur-guitariste ne suffiront pas. Et puis le guitariste à gauche de la scène, emmitouflé dans sa capuche, nous a fait décrocher de la paroi : on ne sait pas si c’est le jetlag ou si le gus était frigorifié, mais une telle absence de présence scénique relève de la performance. Une petite déception parce que le quatuor possède quelques atouts à défendre : il y a avant tout ce chanteur-guitariste, non dénué de charisme, avec une magnifique voix altière qui contraste avec un jeu de guitare nerveux et saturé. Il y a aussi une section rythmique efficace avec notamment un batteur puissant. Pas de révolution du genre musical mais des compos bien troussées sur album. On peut avoir 200 dates au compteur et être un peu tendre : Wand a tous les ingrédients, il ne leur manque plus que la recette.
C’est toujours avec un petit frisson sur l’épiderme qu’on voit arriver l’immense Thurston Moore sur scène. L’homme a (enfin!) consenti à vieillir mais garde sa classe intacte. Cantonnés en fond de scène pour cause d’immenses flaques à l’avant, Thurston Moore et sa bande -amputée de Steve Shelley (le batteur de feu Sonic Youth participant au disque mais peu aux concerts, du fait d’un agenda un tantinet foisonnant – non, on ne parlera pas de conflits d’agenda (?!) -) mais avec un tout jeune batteur – entament le set par une intro lancinante. Thurston Moore à droite, triture sa jazzmaster (forever) usée jusqu’à la corde en dessous du chevalet, de concert avec James Sedwards à gauche (musicien anglais talentueux, qui à 16 ans avait réussi à passer backstage pour tailler la bavette avec Sonic Youth à Reading en 1991, sans se douter qu’il jouerait un jour avec Thurston Moore), puis les deux continuent en frappant le manche de leurs paumes, tandis que le batteur et Debbie Googe (My Bloody Valentine) donnent la cadence, martiale et répétitive de Forevermore.
Le ton est donné : une construction longue et savante, des mélodies vrillées, des duels/dialogues de guitares entre hypnose et intensité sonique et un duo rythmique en fond de scène en place comme jamais. Devant la batterie, Debbie Googe, couchée sur le manche de sa basse est juste monstrueuse de puissance. Le morceau s’étire, laissant la place à des développements toujours passionnants, qu’on suit avec une délectation non feinte avant que Thurston ne se retourne soudain vers son batteur, décomptant quatre temps pour un final à la netteté éblouissante.
Après cette longue étirée de bonheur mélodique et sonique, les harmoniques à la guitare tout en résonances aériennes de Speak to the wild (qui ouvre The Best Day) résonnent dans le Fort et sont accueillies par les cris. Particulièrement addictif, avec un refrain dantesque, le titre progresse d’entrelacs de guitares en profondes et sourdes détonations noise, sans jamais oublier d’être mélodique. Le rythme accélère. La tension monte entre les deux guitares, jouées avec de plus en plus de célérité par le duo Moore/Sedwards. Au fond, le batteur frappe comme un forcené. La montée est irrésistible, et on se laisse happer par ces tourbillons soniques, le sourire jusqu’aux oreilles sur la fausse fin avec le retour des harmoniques, avant de headbanguer de bonheur au retour du refrain. Face aux festivaliers imperméabilisés, Thurston plaisante alors sur la « beautiful summer experience » offerte par le festival malouin et dit son plaisir de retrouver La Route du Rock.
Sur Germs burn, qui suit, James Sedwards s’illustre par une maîtrise sans faille de sa six cordes, faisant montre d’une dextérité et d’un toucher dantesques. Guitares et section rythmique défouraillent sévère et on en redemande. Turn on et son intro en arpèges pleine de virages mélodiques beaux à pleurer finissent de nous achever, avant de nouveaux développements pleins de chausses-trappes, marqués par une batterie qui monte progressivement en puissance. Debbie Googe, magistrale, toujours courbée sur sa basse bleue, quasi dos au public, décoche bien plus qu’elle ne tricote avec une obstination de marathonienne à enquiller les mesures comme des kilomètres. Sans mollir une seconde, elle dégomme et dynamite, aidée par son comparse de batteur, pas manchot lui non plus. Pour finir, ce sont les longues digressions tour à tour mélodiques et bruitistes du tout instrumental Grace Lake qui clôturent le set, démontrant une nouvelle fois que Thurston et sa bande mettent autant de finesse et de subtilité dans leurs circonvolutions bruitistes que dans leurs développements mélodiques tricotés en cordes serrées : le duo Moore/Sedwards s’avance chacun d’un côté de scène, passant finger in the nose d’arpèges entremêlés en déflagrations de guitares hurlantes, jouant de larsens contre les amplis, le long d’un micro de captation pour un long délire sonique de guitares hurlant avec les loups. Grand.
L’impitoyable programmation de la soirée ne va guère nous laisser de répit. A peine le temps de nous remettre de nos émotions et d’avaler un abominable mais roboratif américain steak frite et il est déjà temps d’aller tester notre résistance à l’ouragan Fuzz. Nous attendions l’épatant projet parallèle du jeune prodige du rock-garage californien : Ty Segall, comme l’antéchrist et le diabolique messie va tenir toutes ses promesses d’apocalypse. Fermement campé à l’extrême bord de la grande scène, le méphistoléphesque trio arbore de grandiloquents grimages, totalement de rigueur. Charlie Moothart à la guitare porte à merveille les longs cheveux ondoyants. Chad Ubovich à la basse est tout aussi superbe dans sa toge bleu nuit de sorcier parfaitement raccord avec son maquillage blafard. Enfin l’artificier surdoué Ty Segall qui délaisse sa six cordes pour la batterie sur ce combo, s’est également grimé d’un maquillage à mi chemin entre un squelette et l’Alex d’Orange Mécanique qui sied parfaitement à sa tignasse blonde. Ils n’y vont donc pas de main morte sur le décorum mais quand on a la musique qui va avec, c’est plutôt la cerise sur le gâteau. Le trio va en effet se livrer à une magistrale leçon de sauvagerie rock’n’Roll. Invoquant avec un talent insolent tout un pan du metal des seventies, Black Sabbath en tête, les trois lascars vont en trois riffs deux roulements porter le fort à son point d’incandescence. Avec une énergie irrésistible, ils enchaînent sans laisser aucun répit les tueries alliant un son lourd et oppressant avec de fulgurantes décharges électriques. Tout ça en multipliant ruptures, fausses fins et autres prises à revers qui rendent le tout délicieusement retors. Chacun des membres joue comme si c’était le dernier jour avant la fin du monde et le set passe à la vitesse de l’éclair. En guise de potion magique, Mister Segall siffle entre chaque morceau d’impressionnantes rasades de vin rouge à même la bouteille. Nous n’avons pas par contre pas pu déterminer avec certitude le cépage et le millésime.
Une mémorable dérouillée donc, qui fut plus que largement à la hauteur de nos pourtant folles attentes, nous attendons désormais la bave aux lèvres le second LP du combo à sortir en octobre toujours sur In The Red Records.
On attendait beaucoup d’Algiers, trio originaire d’Atlanta, avec un premier album réussi : du post-punk glacial réchauffé par des chants gospels, cette originale association avait largement retenu notre attention. Une petite crainte cependant : la transposition live d’un 11 titres bien léché, qui pouvait faire souffrir de succéder à la tornade Fuzz. Après un petit raté sur le lancement de la boucle introductive, le quatuor (avec un batteur pour le live) dissipe rapidement nos craintes : le bassiste Ryan Mahan et le chanteur guitariste Franklin James Ficher font immédiatement le show, comme deux boxeurs qui entrent sur le ring avec des gestes percussifs. Une attitude un peu surjouée par moment, mais qui est parfaitement raccord avec les références engagées de leurs textes. Franklin James Ficher possède une voix naturellement gorgée de soul et son chant prend des accents gospels à plusieurs reprises, notamment sur les titres quasi a capella (Remains, Blood). Une vraie réussite qui contraste avec les titres plus rythmés (Irony. Utility. Pretext.) qui tiennent un peu moins la route : la boite à rythmes est poussée à fond et couvre souvent le reste, notamment la guitare de Lee Tesche. Ca donne parfois la sensation d’une mélasse sonore qui ne permet pas d’apprécier les subtilités découvertes sur album. On n’est pas non plus complètement convaincu par la valeur ajoutée d’une batterie pour le live, celle-ci étant souvent couverte par les percussions électroniques. Des petites imperfections qui ne gâchent cependant pas un concert souvent enthousiasmant, et qui confirme l’incroyable potentiel de ce groupe récemment signé sur le label Matador.
De façon un peu inattendue, la déception de la soirée viendra de Timber Timbre. La discographie du groupe fait pourtant partie de nos disques de chevet et leur folk sombre et orageuse revient plus que régulièrement hanter nos platines. Nous en attendions donc beaucoup, peut être même trop ? Il faut aussi dire que les Canadiens font le choix de tenter de muscler leurs compos pour ne pas trop dénoter dans l’ambiance survoltée de la soirée. Ce n’est pas qu’ils n’y arrivent pas totalement. Au contraire, leur version ultra tendue de Curtains!? est même carrément impressionnante. Sauf que quand on est follement amoureux de la tension feutrée et macabre de leurs disques la transition vers plus de muscles est un peu douloureuse. Ce qui est totalement injuste, c’est que la bande se donne sans compter, Taylor Kirk et sa voix sublimement envoûtante en tête, et que le concert est bon, voire très bon par moment. Sauf que nous aurions adoré être totalement emportés dans une sombre odyssée et que là malgré les ambiances monochromatiques nous restons sur le quai à admirer un superbe navire qui nous restera tristement inaccessible.
Retour à la fureur et à la (plus si) petite scène des remparts avec les irlandais Girl Band. Quelques titres bien abrasifs accompagnés de clips assez yuck !, un live explosif sur KEXP et voilà que nous retrouvions avec une nouvelle dose d’impatience de voir ce que les gars valaient au combat corps à corps. Les lascars vont vite nous prouver qu’ils maitrisent parfaitement les coups de pied dans les tibias vicelards et les claques dévastatrices aux tympans. Un frontman beau gosse et déjanté accompagné d’acolytes délivrant avec un flegme arrogant de ravageuses calottes soniques, la formule scénique est certes déjà connue mais difficile de bouder son plaisir quand c’est fait avec une fougue aussi réjouissante. La basse et la guitare bardées de pédales les plus dissonantes possibles balancent de fulgurantes décharges d’énergie soniques pures pendant que le batteur massacre ses futs avec une détermination effrayante. Au milieu de ce superbe chaos, le chant érayé et savamment à côté de la plaque du fou furieux tanguant au cœur du cyclone est juste parfait. La foule entre rapidement en combustion et se livre sans retenue à tout un tas d’activités physiques hautement déconseillées par l’Organisation Mondiale de la Santé. La sécurité du site, d’habitude plutôt placide, se paye une petite poussée de fièvre tout en headbanguant consciencieusement au rythme débridé du groupe. Histoire de jouer les fines bouches en bons amateurs de massacres assistés par instruments, on aurait juste aimé un peu plus de variétés dans les plans de basse/guitare mais vu la patate du combo et le foutoir volcanique mémorable déclenché par le monstrueux Why They Hide Their Bodies Under My Garage ? on ne leur en tiendra pas vraiment rigueur. Le genre de bonne grosse claque sonique qui rend la vie un peu plus chouette. Nous n’avons plus maintenant qu’à guetter la sortie chez Rough Trade fin septembre de Holding Hands With Jamie, leur premier « vrai » album après un EP et une vivifiante compilation de singles.
Après cet enchaînement du feu de dieu sans aucun temps mort arrive Ratatat. Dire que duo New Yorkais est attendu par beaucoup serait un euphémisme, quand on voit le Fort tout entier frémir à l’arrivée des deux garçons (on a failli écrire musiciens) tout en cheveux sur scène. Il faut dire que Mike Stroud et Evan Mast ont mis cinq ans pour donner naissance au successeur de leur quatrième album LP4. Or depuis Ratatat en 2004 mais surtout Classics en 2006, la fan base du duo de Brooklyn n’a cessé d’épaissir. La sortie de Magnifique (2015, Because) était donc guettée par une tripotée d’aficionados du duo mêlant riffs de guitares tantôt funky, groovy ou seventies (entre prog et classic rock… on a failli écrire pénibles) et machines un poil boostées. Las, on reste pour notre part totalement hermétique au génie et à l’inventivité partout mentionnées du duo, trouvant même le paquet bien plus rétro que futuriste, si ce n’est un tantinet (on est gentil) boursoufflé. En live c’est pire. Entre leçons de guitares pour les nuls, voire logiciel pour apprendre à jouer de la flûte de pan aux claviers en 15 secondes, le manque de groove criant du duo (non, on n’écrira toujours pas musicien) et la débauche d’effets visuels (tiens, voilà du laser, voilà du laser, voilà du laser -à chanter comme les légionnaires-) qui ne nous semble que (tenter de) dissimuler l’effroyable, on manque de tomber en apoplexie. Bref, Ratatat ne fera pas notre bonheur ce soir encore (notez l’euphémisme), mais parvient sans peine faire lever les bras de l’immense majorité du Fort et c’est tant mieux. Pour notre part, éreintés par tant de mauvais goût d’un coup, on se rabat sur une beurre-sucre bien plus digeste.
Comme d’autres, on aurait préféré que l’électro subtile de Rone précède Ratatat. Mais c’est à trois heures moins quart bien sonnées qu’on retrouve enfin le producteur repéré par Agoria sur la compilation At the Controls (2007). Le garçon avait logiquement signé sur Infiné pour un premier maxi, Bora (2008), mélange de techno minimale et d’electronica soyeuse (un peu de Border Community, un peu de Dial… et surtout beaucoup de Rone). Ce premier essai réussi a débouché sur la sortie d’un premier album, Spanish Breakfast (avril 2009) résolument contrasté, tour à tour lunaire, jovial, mélancolique, calme ou dancefloor (« A l’image de la vie » , selon son auteur) qui a rencontré un vrai succès critique et public. Un maxi plus tard, So So So, belle tuerie dancefloor précède Tohu Bohu qui s’attire à son tour les éloges d’un public de plus en plus nombreux et qui place le producteur comme l’une des têtes chercheuses les plus intéressantes de l’électro. A la fois encore plus intime et personnel, tout en étant ouvert à de nombreuses collaborations (Bryce Dessner des National, Bachar Mar-Khalifé, Etienne Daho, François Marry sans ses Atlas Mountains ou l’essentiel violoncelliste Gaspar Claus pour un sublime Freaks), Creatures dernier long format en date, fait montre d’une belle maîtrise des reliefs. Et en live, ce soir, Rone se montre aussi à l’aise pour jouer des climats et des climax, sans sacrifier pour autant à son électro onirique et subtile, magnifiée par de sublimes visuels. La fluidité de Rone dans les enchaînements ainsi que sa faculté à toujours jouer sur les reliefs avec nuances font mouche et on se trouve très vite immergé dans l’univers très personnel du garçon. Alors certes, ça ne turbine pas à qui mieux mieux, mais malgré la fraîcheur pénétrante qui tombe sur le Fort, on s’en réjouit. Le set est mené par le garçon avec un doigté de velours : des montées sans déballer l’artillerie lourde, des vrais basses techno qui tabassent alliées à une electronica soyeuse en arrière plan, légère et aérienne pour un résultat aussi efficace que subtil. Alors certes, en festival, on perd un peu de subtilité et de nuances, mais le garçon ne transige pas non plus et développe avant tout son univers. Quitte à inviter François Marry à chanter Quitter la ville dans des fumées bleutées pour un moment aussi doux qu’audacieux. On quittera malheureusement le Fort avant la fin du set, gagné par le froid et la fatigue, mais les cinq premiers morceaux du musicien nous auront permis de gagner de belles et longues dizaines de minutes sur la nuit.
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock, avant, pendant et après le festival ici.
La Route du Rock Collection Eté 2015 du jeudi 13 août au dimanche 16 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/
Oh je vous trouve légèrement durs avec Timber Timbre 🙁 En revanche c’est vrai que c’était beaucoup plus Ratatouille que Ratatat ^_^
Tellement d’accord avec vous sur ratatat.