Ça y est, vous êtes bien rentrés dans le festival ? Prêts à fourbir vos armes pour la seconde journée (ou la troisième nuit, selon votre attrait pour les apéritifs) de la Route du Rock ? Comme prévu (!?), pas de Björk aujourd’hui, mais tout un tas de groupes et artistes qui méritent tout autant l’attention : revue en détail de la programmation de ce samedi 15 août.
Seuls sur le sable, (ou presque) …
Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 15h, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez aussi commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours avec des dj sets mettant en avant trois labels français indépendants dès 15h00, puis dès 16h, poursuivre avec le live d’un artiste issu de leur catalogue. Le samedi, c’est Pan European Recordings qui ouvrira les hostilités.
Après le dj set du label, vous pourrez piquer une tête et explorer les abysses malouines avec la musique de Flavien Berger dans les oreilles. Pas mal non plus, la musique de ce garçon. La pochette du premier album du parisien, Léviathan (2015) est étonnamment raccord avec un live aquatique, mais plutôt que de croiser le monstre marin évoqué par le titre (quoique), on s’attend plutôt à des descentes de grand huit directement dans l’océan » Monte la mer et on descend / Il y a des rails sous l’océan / Un labyrinthe, un tourbillon / Et dans l’écume sont les visions / Des anémones alentours (…) Adieu vide tellurique / La mer avale mon cœur / Les limbes aquatiques / Effacent les plongeurs / les fantômes de baleine / En haut du précipice / Et puis notre lointaine idylle des abysses «
Musicien aux idées larges et synthétiques, Flavien Berger produit une électro pop résolument hors format, parfois chantée (en français, avec l’envie d’évoquer plus que de raconter), parfois étirée pendant une vingtaine de minutes pour laisser planer l’auditeur. Tour à tour sombre, naïve, poétique, la musique du jeune homme, particulièrement personnelle, se permet toutes les incartades, allant bien souvent là où on ne l’attend pas (un arrangement volontairement cheap, un rockabilly forain, une autobahn électronique qui déroule, une fête foraine entre Mars et l’Abyssinie ou un déploiement de cordes en final d’un titre synthétique de plus de 15 minutes ) et c’est tant mieux. En live, le garçon aime encore à brouiller les pistes et jouer avec la magie du moment, improvisant les paroles, se laissant porter par les fractures de l’instant. Nul doute qu’au milieu des vagues, sous les remparts, le moment risque d’être suspendu. On a hâte.
14h Dj set Pan European Recordings /15h Flavien Berger live – Samedi 15 août 2015 – Plage du Bon secours – St Malo
Conférence & expo
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils, vous aurez tout de même une belle alternative dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le même jour un peu plus tôt dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur RCR) qui se chargera de retracer en deux heures (avec la fougue qu’on lui connaît) non pas le parcours de l’Islandaise qui a mis l’île nordique sur le globe des musiques actuelles pour un paquet de mélomanes (oui, Björk), comme il était initialement prévu mais Les filles dans le Rock. Si on reste toujours personnellement un poil circonspect sur la mise en avant d’un sujet comme celui-ci (vous en avez vu beaucoup des conférences « Les hommes dans le rock », vous ?), tout en restant conscients de l’impérieuse nécessité de donner une visibilité renforcée au sujet (on n’ouvrira pas le débat ici), on sera ravi de retrouver la passion érudite de notre cher Christophe pour deux heures de conférence pleines de photos et d’extraits musicaux qui devraient une nouvelle fois se révéler captivantes de bout en bout.
Christophe Brault – Conférence Les Filles du Rock – 14h – Samedi 15 août 2015 – Théâtre Chateaubriand /St Malo – Entrée Libre.
A noter également : une expo du photographe Richard Bellia sera visible sur le chemin menant de l’accueil du festival jusqu’à l’entrée du Fort. D’Henri Rollins (avec des cheveux !) à Patti Smith en passant par Blur, Shellac, The Clash, My Bloody Valentine, Nirvana, Sexy Sushi, James Brown, Bashung, Nick Cave, X, Bowie, Nirvana, Christophe Brault (avec des cheveux aussi), Ride, Fela, Laetitia Shériff, Ty Segall (et on en passe des centaines) : Richard Bellia les a tous photographiés. Et pour cause : ce gentilhomme de l’argentique est l’un des grands du métier et arpente, depuis les années 80, les salles de concert, les festivals ou autres pubs londoniens pour prendre ses clichés, le plus souvent en noir et blanc. Grand habitué du plus malouin des festivals, Richard Bellia proposera donc une vingtaine d’images prises à la Route du Rock pour une expo qui devrait nous rappeler pas mal de chouettes souvenirs. A voir absolument.
Dans le bastion Rock du Fort St Père
Pour ceux qui feraient leur baptême du feu à la Route du Rock cette année, commençons par cette petite précision nécessaire pour s’y retrouver : à la Route du Rock, il y a deux scènes : une scène principale, dite scène du Fort, et une plus petite où sont bien loin de ne jouer que les outsiders : la scène des Remparts (autrefois scène de la Tour). Petit tour d’horizon de ce qu’on pourra y découvrir le samedi.
Une fois reposés de la première nuit au Fort, vous pourrez revenir le lendemain (le samedi donc) pour une ouverture un brin slacker/lo-fi à savourer une boisson houblonnée à la main dans le soleil de la fin d’après-midi avec le Londonien Only Real. Un son de guitare aussi cheap que l’ami DeMarco, une nonchalance à peine moins marquée pour des chansons à l’air bricolées, mêlant dans le même cocktail coloré, nuances surf pop ensoleillées, slacker pop, et diction hip hop sur certains titres. Bref, de la musique sans prise de tête, déclinée en 12 titres sur un premier album frais et décontracté Jerk at the End of the line (Emi, 2015). Un coup d’œil à sa pochette rose sur laquelle le minot pose en chemise hawaïenne au motif d’ananas donne le ton d’une ouverture de soirée à la cool.
Only Real – 18h30 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène des Remparts
Dans une veine toute différente, on retrouvera le projet Kiasmos le samedi sur la scène du Fort. Duo composé du prolifique islandais Olafur Arnalds (compositeur de bo, collaborateur occasionnel de Nils Frahm, auteur d’album solo mêlant piano, cordes et sons électroniques) et de Janus Rassmussen (originaire des Iles Féroé), Kiasmos est conçu comme la rencontre des univers des deux musiciens : cordes, nappes électroniques, piano acoustique et pulsation techno/deep house. Kiasmos (chiasme, en français : la figure de style associe deux termes en les croisant, sans qu’ils aient nécessairement un rapport de sens ; elle sert à mettre en avant soit une antithèse, soit un parallélisme), comme son nom l’indique, aime jouer sur les oppositions, les contrastes apparents, comme celui entre musique classique et électronique. Après plusieurs années à faire de la musique sans penser à en faire un disque, les deux amis ont finalement donné naissance à un premier album sorti sur le label de Nils Frahm (Kiasmos, 2014, Erased Tapes). On y retrouve huit titres souvent aériens, mêlant la délicatesse d’une ambient organique à de subtils clicks(‘n cuts), le tout étant directement relié au sol (et donc à la danse) par un pied techno, voire une basse vrillée (Swayed, Bent). Sur disque, la musique du duo est plaisante (on écoute cela dit un peu trop de musiques de ce type pour être complètement convaincu) mais devrait très certainement prendre toute son épaisseur en live.
Kiasmos – 19h25 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène du Fort
Plus tard, à peine moins lo-fi qu’Only Real, les Madrilènes de Hinds (feu Deers) auront pour tache de continuer à faire doucement remuer (tourner) les têtes des festivaliers. La tâche pourrait être un peu ardue pour un si jeune groupe qui n’a qu’une poignée de titres derrière lui et en est encore à la préparation de son premier album (sur Burger Records). Mais guitares (2), basse, batterie et une pop lo-fi immédiatement accessible permettront sans doute aisément aux quatre miss de faire dodeliner les têtes des festivaliers séduits par leur fraîcheur juvénile avant le grand raout plein de noirceur des Soft Moon.
Hinds – 20h20 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène des Remparts
Moins échevelés mais tout aussi intense, The Soft Moon devrait pour sa part embraser l’âme des festivaliers. On se souvient de notre découverte du groupe de Luis Vasquez lors de sa venue à la Route du Rock en 2012. On avait pris une dérouillée implacable, complètement immergé dans la noirceur vénéneuse de leurs morceaux, stupéfait par l’importance maniaque que le trio accordait à son son, massif, dans une ambiance d’apocalypse inerte et désespérée. Au centre de la scène, Luis Vasquez, pantin épileptique, criant comme un beau diable et chantant le désespoir du monde avec une voix paradoxalement aussi désincarnée qu’habitée, avait hypnotisé le Fort, transformé en masse humaine compacte se mouvant comme un seul homme.
Depuis cette première rencontre avec le projet du garçon d’Oakland, qu’on découvrit aussi doux et adorable en interview qu’il peut être habité sur scène, Luis Vasquez a donné une suite à son album sans titre de 2010 (11 titres rageurs à l’énergie ténébreuse plaçant la formation dans le haut du panier des groupes du revival cold wave) et à l’implacable Ep Total Decay (quatre titres encore plus radicaux et imparables). L’album Zeros tout d’abord en 2012, qui continuait de racler jusqu’à l’os un post punk décharné et glacé. Un troisième album ensuite, Deeper, sorti cette année (toujours sur Captured Tracks).
Suite à des changements de line-up live et une accalmie dans le rythme des tournées, Luis Vasquez a quitté Oakland pour l’Italie et s’est trouvé seul avec lui-même pour composer son troisième long format. Entre quelques allers-retours à Berlin, Luis Vasquez a progressivement mis sur pieds les 11 titres de Deeper durant quasi un an, aidé par le producteur Maurizio Baggio qui l’a poussé à davantage se concentrer sur le songwriting et moins sur la création de paysages sonores. Luis Vasquez a de fait moins planqué son chant sous les épaisses couches sonores qui l’asphyxiaient. Pour autant, Deeper ne respire pas la joie de vivre et reste tout aussi désespéré, enchaînant front wave schizophrène, rythmiques décharnées, guitares angulaires, lamentations synthétiques et froide intensité. Bref, on espère de la bande à Luis Vasquez un live aussi intense qu’il y a trois ans, impatients de se jeter tête première dans ce magma sonore désespéré.
The Soft Moon – 21h10 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène du Fort
Après la légèreté des deux premiers groupes de la soirée (Only Real, Hinds), la scène des Remparts deviendra l’inquiétant théâtre des Spectres de Bristol et de leur brouillard électrique et sonique. Mené par Joe Hatt (chant / guitare), Adrian Dutt (guitare), Darren Frost (basse), Andy Came (batterie) le quatuor britannique fait dans la shoegaze brumeuse et les guitares qui lacèrent l’ombre. Bruitiste, noise, le premier album des Britanniques, le bien nommé Dying (Sonic Cathedral, 2015), de fort bonne facture, fait plus dans le cocktail au napalm que dans la surf pop. Sur This Purgatory, on se croirait même poursuivi par une horde de revenants, les guitares hésitant entre hurlements et gémissements. Bigre !
Spectres – 22h15 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène des Remparts
On poursuit avec Foals, autrement dit avec ceux qu’une grande partie du public accueillera comme des héros, puisque le quintet d’Oxford a accepté de venir remplacer Björk au pied levé suite à l’annulation du concert de l’Islandaise. Déjà venus en 2008 et 2010 pour deux prestations à l’énergie débordante qui avaient tout bonnement ravi les festivaliers (notamment en 2010), Foals viendra présenter en avance son quatrième album, attendu pour la fin août (le 28 exactement) What Went Down. Au vu de l’enthousiasme suscité par la sortie de ce quatrième long format, attendu avec une immense impatience par un grand nombre d’indie kids, beaucoup devraient se retrouver dans la programmation des Britanniques ce samedi. Il faut dire que la bande menée par le chanteur/guitariste Yannis Philippakis a derrière elle trois albums particulièrement plébiscités par le public et une partie de la critique.
Découverts grâce à une poignée de singles et un premier album produit par Dave Sitek (TV on the Radio) -mais mixé par le groupe lui-même- Antidotes en 2008, Foals (guitares, basse, batterie, claviers) s’est imposé à l’aide d’une musique particulièrement rythmique et galopante, préférant les zigzags et les riffs vifs et hypnotiques en bas du manche, empilant les couches, entrechoquant les rythmiques euphorisantes avec un soupçon d’afro-beat. Avec Total Life Forever (2010, produit cette fois par Luke Smith), puis Holy Fire (2013), produit par le duo Flood et Alan Moulder, le quintet a continué sur la même voie frénétique, continuant de relancer ses structures à l’aide de guet-apens rythmiques, voire de savantes montées (le tube Spanish Sahara), débouchant quasi constamment sur des titres immensément dansants. Pour ce nouvel album, enregistré en Provence dans le même studio où Nick Cave mit sur bandes le splendide Push the Sky away, Foals a choisi le producteur James Ford (Klaxons, Artic Monkeys, Simian Mobile Disco) et semble y avoir composé de manière plus brute, plus directe si l’on en juge par les trois premiers titres dévoilés, notamment What Went Down. Tout un chacun espère en tout cas en découvrir davantage sur la scène de la Route du Rock.
Foals – 23h10 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène du Fort
La nuit sur le Dance-Fort
Si certains s’étonnent encore (!) qu’un festival indie-rock propose une programmation électro (notamment pour réchauffer les festivaliers lorsque la fraîcheur nocturne tombe sur le Fort), la majorité du public en redemande. En plus des groupes dont nous avons déjà parlé, on retrouvera ainsi les prestations de deux artistes destinées à propulser tout le monde sur le Dance-Fort en fin de soirée.
Daniel Avery devrait sans peine faire danser tongs ou cirés dès les premières heures du matin le samedi (enfin on sera le dimanche, mais on ne va pas chipoter) avec son électro racée et efficace. Émission mensuelle sur Rinse FM, dj résident de la Fabric londonienne, producteur d’un premier album Drone Logic partout acclamé (Phantasy Sound, 2013, le label d’Erol Alkan), Daniel Avery s’impose comme un dj/producteur qui compte sur la scène techno.
Marqué par Erol Alkan, Ivan Smagghe, James Holden, et bien sûr Andrew Weatherall qui l’adoube « dj à suivre en 2012 » Daniel Avery partage avec ses aînés la volonté de toujours établir des ponts, que ce soit entre le rock et la techno, les productions actuelles et un certain amour pour l’électronique classieuse, de l’acid à la techno. Passé maître dans l’art de diriger les foules à l’aide de simples galettes, Daniel Avery devrait sans peine retourner la foule malouine.
Daniel Avery – 00h50 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène du Fort
Le Norvégien Hans-Peter Lindstrøm enchaînera ensuite pour emmener le public du Fort jusqu’aux plus noires heures du matin, mais en les transformant, on en est sûr en nuit polaire où le soleil semble encore briller de mille feux. Car l’électro hédoniste du producteur en a fait l’une des figures emblématiques du space disco (I feel space, vous vous souvenez ?), notamment aux côtés de son comparse Prins Thomas avec lequel il a maintes et maintes fois travaillé (on pense par exemple à l’album Lindstrøm & Prins Thomas sorti en 2005). Basses profondes, tempo ralenti et sexy, disco raclée jusqu’à l’os pour mieux la parer d’ambiances ouatées et lumineuses, la musique de Lindstrøm est d’une efficacité particulièrement redoutable et risque bien de filer la banane à un Fort ondulant les hanches.
Lindstrom – 02h15 – Samedi 15 août 2015 – Fort St Père – Scène du Fort
Eux aussi au Fort, les djs des Magnetic Friends auront également une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance avant et entre les concerts. Et comme à leur habitude, ils devraient sortir de leurs besaces une tripotée de titres pour danser dans la boue, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son voisin (parfois inconnu quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Comment ? Vous avez dit « chenille » ?
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock, avant, pendant et après le festival ici.
La Route du Rock Collection Eté 2015 du jeudi 13 août au dimanche 16 août.
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