Ce mardi 19 avril, les diablotins de Mythos vous ont concocté une soirée Sensations d’enfer (c’est eux qui le disent) avec une très chouette programmation puisqu’on retrouvera Mansfield.TYA et Jeanne Added à l’affiche du Cabaret Botanique. Présentation.
Jeanne Added
Le parcours musical de Jeanne Added n’est pas un long fleuve tranquille. Une quinzaine d’années dans le monde de la musique mais un tout premier album solo, Be Sensational, qui a reçu un accueil enthousiaste à sa sortie en juin 2015. Avant d’écumer les grands festivals cet été, elle sera de passage sous le chapiteau du Cabaret Botanique : pour celles et ceux qui l’ont manqué à l’Aire Libre en décembre 2014 lors des Trans Musicales, séance de rattrapage.
Jeanne Added est venue au rock sur le tard. De formation classique (chant lyrique et violoncelle), elle passe par le Conservatoire de Paris puis par la prestigieuse Royal Academy of Music de Londres, où elle étudiera plus spécifiquement le jazz (ce qui lui permet de maitriser un anglais impeccable sur ses chansons). Un style musical qu’elle va pratiquer pendant une dizaine d’années, accompagnant les musiciens de la nouvelle scène comme Stéphane Kerecki et Baptiste Trotignon. Elle fait également partie du trio Yes is a Pleasant Country (avec Vincent Lê Quang et Bruno Ruder), où elle tâte un peu de scat. Elle explore différentes pistes, se lance dans la musique improvisée, chante en allemand sur des textes de Robert Walser…
Le tournant va se faire en 2008 : ayant envie de se frotter à d’autres genres musicaux, elle commence à se produire en solo, seulement accompagnée de sa basse, avec un répertoire mêlant reprises et compositions musicales originales sur des textes d’auteurs (James Elroy Flecker, E.E. Cummings). Parallèlement, elle joue dans le trio Linnake, avec Julien Desprez et Sébastien Brun. Elle commence alors à trouver sa voix, éraillée et sombre, et son jeu de basse tendu et lourd. 2011 est une année importante dans cette mue : Dan Lévy (la moitié de The Do) la remarque à la radio et lui permet de faire la première partie du groupe sur une dizaine de dates. Une rencontre qui se concrétisera 4 ans plus tard par la réalisation de son tout premier album avec ce faiseur de tubes qu’est Dan Lévy. Il va donner un nouvel éclairage aux compos de Jeanne, en leur apportant un côté plus dansant, posant notamment les jalons rythmiques.
Be Sensational sort en juin 2015 et jette des passerelles entre electro-pop et post-punk sombre. Désormais accompagnée de deux musiciennes, Narumi Herisson (claviers, voix), Marielle Chatain (claviers, percussions, voix) et Emiliano Turi (batterie), Jeanne Added porte les 10 titres avec la fraicheur de ses débuts dans le rock et la maturité d’une musicienne confirmée. Des morceaux qui peuvent être lents et sombres (A War Is Coming, Be Sensational) ou carrément dansants (It, Back To Summer), portés par une voix déliée (Night Shame Pride) ou scandée (Lydia). Un spectre musical large, parfois un peu trop noyé sous des nappes synthétiques, notre préférence allant vers les titres plus épurés. Ce concert au Cabaret Botanique sera l’occasion de mesurer les progrès scéniques de Jeanne Added depuis son passage aux Trans Musicales.
Mansfield.Tya
On le sait, à chaque fois en concert ou sur disque, c’est au tapis que les Mansfield.TYA nous collent. Ce mardi, les deux jeunes femmes seront au Cabaret Botanique. Et on risque encore de finir à genoux.
La faute à des disques à la beauté baroque et à la personnalité assumée. June en 2006, puis Seules au bout de 23 secondes en 2009, à la fois déglingués et lyriques, mélancoliques et violents, tendres et désespérés, nous avaient déjà bien entamés. On y avait souvent été remué par ces bouquets de nerfs offerts à fleur de peau, ces fleurs du mal tout autant vénéneuses qu’apaisantes. Nyx, du nom de la déesse de l’obscurité, leur troisième album (Vicious Circle, 2011) autour du thème de la nuit, angoissante et apaisante, déchirée et tendre, avait fini de saper totalement nos bases, fondant les univers de Julia Lanoë et Carla Pallone dans un équilibre magistral entre légèreté et pesanteur, humour et tendresse, obscurité et clarté.
Autant l’avouer, les disques de Mansfield.Tya, c’est peu dire qu’on les attend. Heureusement, après les Re-Nyx et suivant la sortie en vinyle de leur premier album June sur le label Kshantu, une sublime tournée acoustique (le sold out tour !) revisitant leurs premiers opus (June donc, mais également l’ep Fuck) est passée par Rennes l’an dernier durant les Embellies, trompant (un peu) notre impatience. Il faut dire que tous ceux qui y ont assisté en sont sortis bien souvent éperdus d’amour pour la musique des deux jeunes femmes, tant leur concert, tout en même temps bouleversant et drôle, a illuminé la Cité (pourtant seulement éclairée par des cierges).
Heureusement après ce coup à l’âme et au cœur (des coups des cœurs) à la Cité, Corpo Inferno est arrivé en septembre 2015, sur le (toujours plus) indispensable Vicious Circle. Toujours construit autour du violon et des voix, ce nouvel album fait la part belle à la production dans la continuité de Nyx (à l’inverse des deux premiers albums davantage composés à la guitare et au piano –mais déjà autour des éléments centraux voix/violon), mais au contraire de Nyx, ne repose pas sur un thème concept, et cela sans perdre en cohérence pour autant. « Pour Nyx, ce fil conducteur et ce discours nous ont vraiment aidées à nous rassembler et à construire l’album. Là, j’ai l’impression que c’est vraiment homogène au niveau musical. Par conséquent, il n’y avait pas besoin de plaquer un thème, de faire correspondre une idée au niveau du propos » nous expliquait Carla Pallone.
On serait tenter d’affirmer que de toute façon, les Mansfield s’appliquent surtout, disque après disque, concert après concert, à tracer, découvrir, voire creuser et affirmer un propos, une recherche et une cohérence éminemment personnels. Qui d’autre passerait en effet d’un titre en même temps guilleret et désespéré sur la tristesse des lendemains de fête (l’addictif et obsédant Bleu Lagon), à une complainte acoustique pour un transporteur belge (Gilbert de Clerc) ? Qui oserait faire coexister les foudres bibliques de Sodome & Gomorrhe et un Palais Noir limite gabber, inviter les amateurs de Larousse à « passer une vie entre amour et zoophilie » et évoquer une Niobé moderne fuyant en Allemagne (Jamais Jamais) ?
Les Mansfield.Tya ne se contentent pas de juxtaposer les contraires, non. Elles les frottent, les habitent, se jouent du noir (Nyx), du blanc (Corpo Inferno), changent constamment de registre, des rires à l’angoisse, de la mélancolie au désespoir, de la violence à la douceur, telles leurs mains – l’une crispée et l’autre tendre (voir le sublime artwork réalisé par Théo Mercier et Erwan Fichou qui parvient tant à dire des Mansfield en une seule image). Julia et Carla sont les deux bourriques qui nous ont fait racheter les Contemplations qu’on avait viré bas de nos étagères, en en retirant l’émotion intemporelle qu’on ne voulait pas y voir. Que veux-tu que je devienne si je n’entends plus ton pas ? répètent leurs deux voix tandis qu’on vacille de l’intérieur.
Et puis il y a le morceau avec Shannon Wright, que les Mansfield.TYA, comme nous, aiment d’amour depuis très longtemps. Le seul titre en anglais, sur ce disque qu’elles ont pour la première fois complètement écrit dans la langue dans laquelle on rêve. Loup Noir. Sur lequel, on entend, bouleversé, les voix de Shannon et Julia se mêler pour la première fois dans l’écrin de cordes sensibles de Carla. On en frissonne d’abord longuement. Puis on sombre, profond, dans les méandres de ce morceau beau à se pendre.
La première version live (moitié vieux morceaux/moitié Corpo Inferno) aussi chaleureuse qu’incandescente, aussi dévorante qu’enflammée nous avait dangereusement ébranlés à l’automne à l’Antipode. C’est cela dit une habitude de finir les concerts de Mansfield.Tya sur les genoux, l’âme et le cœur ayant rapidement rendu les armes. La faute, toujours à des prestations intenses et belles, justes, entre moments qui serrent la gorge et rires irrésistibles. On est souvent resté happé, le regard tendu sur le fil de la complicité des deux jeunes femmes, ce lien à l’intimité et à la confiance inébranlables, à l’intensité à la fois troublante et rassurante, à la fois personnelle et partagée, que chacun dans la salle aspire à protéger.
Alors on sera à Mythos mardi. D’autant qu’en attendant la sortie toute prochaine d’un disque de remixes/reprises de Corpo Inferno (par Camilla Sparksss, Rone, Birds on a Wire, Flavien Berger, Madben) La Main Gauche (avec en plus un inédit « Dormi/Réveillé) les Mansfield.TYA nous ont concocté un nouveau live (pas la peine de prétexter que vous les avez déjà vues à l’automne) qui, on en met nos mains (gauches donc) à couper, devrait se révéler aussi envoûtant que bouleversant. Les échos qu’on en a lus/entendus nous promettent rien de moins qu’une nouvelle dérouillée émotionnelle. On vous aura prévenus.
Crédits : texte Yann (Jeanne Added)/ Isa (Mansfield.TYA) –
photo : Marikel Lahana (Jeanne Added) / Erwan Fichou & Théo Mercier (Corpo Inferno) / Caro & Mr B. (Mansfield.TYA live)
clip : MAT (Look at Them – Jeanne Added) / As Human Pattern (La Nuit Tombe – Mansfield.TYA)
Une petite erreur s’est glissée dans votre présentation de Jeanne Added : les musiciens qui l’accompagnent aujourd’hui sur scène sont : Narumi Herisson, Marielle Chatain et Emiliano Turi …
Et c’est d’la bombe !!! 🙂
Merci Marie ! On corrige de suite ! et on a pour le coup bien vu ça sur scène hier soir 🙂 Merci encore.