[Report Samedi] – La Route du Rock 2024 : De la lune aux volcans

Compte rendu écrit à six mains par Isa, Mr. B et Yann, et photographié par Mr B.

Avec 21 000 entrées payantes sur toute la durée du Festival et le soleil revenu au Fort St Père, la Route du Rock s’offre un sourire radieux pour cette dernière soirée de concerts. Et avec une odyssée vers la lune (rousse, ce soir) tant attendue, le public -nombreux- en fait de même. Récit de ce troisième round, qui nous verra groggy mais pas KO.

L’un de nos moments préférés du festival, c’est quand on pénètre dans le Fort un peu vide, au moment où le public arrive encore progressivement, et qu’on se pose tranquillement devant la scène avec un verre plein et les copains sous les rayons d’un soleil un peu chaud (surtout après les trombes de la veille). On est au troisième jour, on est déjà bien vanné.es (enchainement concerts/ comptes-rendus dans la foulée/bornes au pas de course/vendredi bien trempé). On apprécie donc tout particulièrement ce ralentissement du rythme, juste avant la dernière ligne droite.

Clarissa Connelly

Et c’est dans cet état un peu second que Clarissa Connelly va nous cueillir. Oui, ce concert de début de soirée, on ne l’avait pas vu venir. Certes, d’abord parce que le programme a été bouleversé à la dernière minute, Beach Fossils ayant dû annuler sa venue pour raison de santé au dernier moment (on souhaite un prompt rétablissement à Dustin Payseur et on espère les revoir, lui et sa bande, au plus vite par ici pour un prochain concert), mais surtout du fait de la prestation hors normes de Clarissa Connelly et ses comparses. Plus habituée des colonnes de The Wire que d’au hasard Rock and Folk ou le NME, Clarissa Connelly propose une folk étrange et habitée, revisitant les traditions musicales nordiques et celtiques, les chants médiévaux, la pop, mais pas que. C’est donc par une inhabituelle (mais rafraichissante en diable) volée de cloches (oui !) que débute la prestation de la musicienne, entre Alvida Reider Jakobsen (flûtes, guitare électrique et chœurs) et Mikkel Fink (guitare folk et percussions électroniques), tous deux assis, attentifs.

Dressée face à nous, Clarissa Connelly accompagne les envolées sonores des carillons de mouvements du corps, se pliant, s’élevant, toute de noir vêtue. Bercé.es et captivé.es par les résonnances en harmoniques de ces cloches d’église, on se promet une visite prochaine à Villedieu-les-Poêles, lorsque Clarissa Connelly se lance à leur suite dans un Wee Rosebud introductif, totalement a capella, d’une voix qui passe sans prévenir des graves les plus profonds aux hauteurs les plus aériennes, avec une facilité et une puissance stupéfiantes. Imaginez une lente mélopée vocale s’élevant des plaines danoises fouettées par les vents ou des collines solitaires et brumeuses d’Ecosse et vous aurez une petite idée de ce qu’on entend, l’oreille et l’œil déjà écarquillés par la surprise. Originaire de Fife, en Écosse, Clarissa Connelly a en effet déménagé au Danemark en 2001 et a ensuite étudié la composition à Copenhague. Avant de travailler longuement autour des traditions musicales pré-chrétiennes danoises et celtiques, pour deux cassettes (Come In Roses en 2015 et Tech Duinn en 2018 sur le label Brystet), puis pour l’album The Voyager avant la signature chez Warp (World of Work, cette année, s’inspirant des écrits de Georges Bataille comme d’Hildegard von Bingen). D’où l’étonnant projet qu’on découvre ce soir.

Des accords riches, lentement plaqués sur la guitare folk, des arpèges plus loin, puis quelques notes à la flûte alto (?) viennent accompagner la fin du morceau qui a stupéfait le public. Clarissa Connelly tout sourire, va alors s’asseoir derrière son clavier pour un second titre tout aussi surprenant, avec les arpèges des deux guitares qui s’entremêlent, dans des accords loin d’être évidents, étonnant écrin pour la voix aérienne de Clarissa Connelly. Et on doit le dire, peu entendu entre les murailles épaisses du Fort st Père. Le trio a joué juste avant sur la plage (la meilleure vue ever pour un concert, s’enthousiasme Clarissa Connelly) -d’où le remplacement au pied levé de Beach Fossils- et se réjouit de faire découvrir son univers à nouveau. Le très bon Into This, Called Loneliness, au piano, continue de nous fasciner, avec ses recherches mélodiques presque à la limite de la dissonance que ce soit au clavier, ou plus tard dans les chœurs qui frottent leurs hauteurs étranges avec une belle montée en puissance.

Difficile de ne pas penser à Joni Mitchell, notamment pour certains accords au piano choisis et certains accents dans la voix, à Kate Bush pour une envie de passer une certaine folk progressive à la moulinette pop ou même aux recherches toujours éminemment personnelles d’une Julia Holter, ce qui, dans les trois cas, est archi-loin de nous déplaire. Mais bon, il y a quand même quelques sonorités un peu trop eighties, versant Enya de la force, qui nous irritent de temps en temps l’oreille et nous empêchent d’être totalement sous le charme du trio.

Plus tard, Clarissa Connelly alterne entre sa Godin Acousticaster et son clavier, Alvida Reider Jakobsen entre flutes alto et soprano et sa Les Paul tandis que Mikkel Fink troque parfois sa six cordes contre baguettes et pad électronique, le tout contribuant à donner du relief à la setlist, comme les sons pré-enregistrés (les bruits de verres brisés en introduction du morceau final sur lequel le trio nous propose de chanter avec lui). Alors bien sûr, tout ceci s’avère un poil déconcertant pour le public du Fort, et on le comprend tant la musique des Ecossais-Danois est loin d’être évidente. Mais sous ce soleil de fin d’après-midi, cette entrée en matière est parfaite pour satisfaire notre besoin, au troisième jour de festival, de concerts moins balisés, aboutissement d’une évidente recherche musicale.

Timber Timbre

Timber Timbre remplaçait lui, au pied levé José Gonzalez, absent pour raisons familiales : si la folk sombre de la bande canadienne, menée par Taylor Kirk, a longuement squatté nos platines, leur prestation de 2015 ne nous avait pas franchement convaincu.es. Et le dernier album, Lovage, paru l’année dernière, semblait plus lisse que les précédents, même si les arrangements classieux étaient particulièrement réussis. Leur dernière tournée faisait d’ailleurs la part belle aux morceaux récents, joués en trio ou en quatuor, avec de gros spots orangés balancés vers le public, pour laisser le groupe jouer dans une quasi-obscurité. Alors forcément, quand on remplace un confrère au pied levé (en moins d’une semaine), on ne peut pas forcément recréer les conditions d’une tournée jouée il y a quelques mois. C’est donc en plein jour, face au public, et en duo seulement que Timber Timbre se présente. Il a d’ailleurs l’air d’être le premier surpris de ce que le festival lui demande de venir jouer ses  « lents et tristes trucs de salopard » à cette heure sur la grande scène. Exit les arrangements musclés de 2015, qui nous avaient perdus. Exit aussi la large playlist empruntée au dernier album.

Ce concert ressemble furieusement à un retour aux sources, avec une revisite acoustique de la discographie du groupe par son leader : Taylor Kirk, magnifique Dobro en bandoulière, débute son set avec Demon Host, tiré du premier album éponyme. Si le canadien adresse un doigt levé en tout début de concert, il se montre plutôt causant, presque souriant, et un brin taquin quand il enchaine avec I am coming to Paris (to kill you) transformé pour l’occasion en I am coming to Saint-Malo (dédicacé à José Gonzales). La présence (trop ?) discrète de la talentueuse chanteuse/claviériste qui l’accompagne nous enchante avec de magnifiques chœurs aériens (We’ll Find Out) et des nappes de claviers (mellotron) tantôt sombres, tantôt lumineuses, tel un quatuor de cordes (Grand Canyon). A l’exception de quelques rythmes synthétiques sur Magic Arrow, l’ensemble reste très épuré, quasi acoustique. L’occasion idéale pour apprécier la voix de velours envoûtante de Kirk, mais aussi la qualité des compositions sombres et orageuses du Canadien.

Même si le duo perd un peu de l’attention du public sur la fin du set, on est agréablement surpris.es par la qualité d’écoute à plusieurs moments, comme sur le magnifique Velvet Gloves & Spit, dédicacé à Neil Diamond. Et les quelques incursions sur le dernier album Lovage (Stops, Sugar Land et son final dissonant), jouées à l’os, achèvent de nous convaincre. On s’attendait au Timber Timbre aux arrangements léchés, on a finalement eu un concert semi-acoustique de Taylor Kirk. Et c’était franchement très bon.

Astral Bakers

Du fait de l’annulation de Beach Fossils, le concert d’Astral Bakers initialement prévu en tout début de soirée, s’est trouvé déplacé juste avant Air, ce qui permet à la toute jeune formation de jouer devant un public déjà bien dense. La bande en est ravie et on la comprend. Placé.es en léger arc de cercle sur la scène, aucun.es d’entre eux n’occupant une position lead, entouré.es de bougies électriques, les quatre débutent par Something New (issu de leur premier album tout neuf The Whole story sur Sage Music et Big Wax) et son intro de guitare tout en effet reverb/chorus. On est d’emblée happé.es par la voix magnifique d’Ambroise Willaume, aka Sage au centre (qu’on surveille en solo depuis le fort émouvant In Between), toute en acrobaties mélodiques de funambule, passant du grave aux aigus sans rien perdre de sa caressante chaleur et parfaitement accompagnée par les chœurs de ses trois complices, Théodora De Lilez (qui assure aussi la basse avec classe), Nico Lockhart (à la guitare) et Zoé Hochberg (derrière la batterie).

La bande enchaine toujours mid-tempo avec Shelter et son refrain assez tubesque, prouvant déjà que le groupe a des qualités mélodiques plutôt intéressantes. Les toms de la batterie, caressés par les balais, les variations d’effets sur les guitares et la façon dont les deux se complètent avec souvent beaucoup de tact, comme le jeu subtil de la basse sont plaisants et on ne boude pas notre plaisir. Chansons pop bien troussées se succèdent et après I don’t remember, les quatre, dont un.e parfois s’avance le temps d’une partie solo à mettre en lumière (enfin pas la batteuse bien évidemment coincée derrière ses fûts), s’éclatent sur Why (une nouvelle fois marqué par les modulations vocales d’Ambroise Willaume) en demandant au public de chanter avec eux. C’est leur première tournée ensemble et la première fois sûrement qu’ils.elles jouent devant une foule aussi dense, expliquent-ils.elles, adorables, s’attirant -s’il en était encore besoin- la bienveillance d’un public déjà tout sourires.

On applaudit ensuite les chœurs d’Easy qui ne creusent pas toujours l’évidence comme plus tard l’excellent choix de reprendre le Cherry-Coloured Funk de nos beloved Cocteau Twins. Et avec classe même, Théodora De Lilez assurant le chant lead, passant à son tour de graves profonds aux aigus les plus vaporeux sans ciller. On aura par la suite un petit faible pour Beautiful Everything et son passage a capella avant un final toutes guitares dehors sur The Whole Story. Alors certes, Astral Bakers, encore un peu court dans la durée de sa setlist (et c’est normal pour un si jeune projet), étire un peu trop ses morceaux à notre goût et gagnerait certainement à se montrer plus concis. Tout comme (ça va paraître bizarre) à « détuber » un peu ses chansons en se permettant d’y glisser un poil plus d’aspérités ; leurs belles idées déjà bien présentes et cette réelle évidence mélodique n’en seraient sûrement que davantage mises en valeur. Mais Astral Bakers est déjà plein de belles promesses. Et la fraicheur sympathique de ce concert nous a mis dans de parfaites dispositions pour poursuivre avec les astres…

Air

Air est LA tête d’affiche de la soirée au Fort Saint-Père et on le ressent à la densité de spectateurs au mètre carré. Il faut dire que leur projet de tournée Air play Moon Safari a déchainé l’enthousiasme des fans du premier album du groupe. Ce n’est pas forcément celui que l’on retient le plus dans leur discographie, mais c’est avec un mélange d’excitation et de curiosité que l’on attend de voir le rendu scénique du projet. Le fond de scène est occupé sur toute la largeur par un immense et immaculé parallélépipède rectangle (si l’on doit trouver un bémol, et ce sera le seul, c’est peut-être ce choix d’une scénographie en fond de scène : les premiers rangs ne voyaient pas grand chose et la distance avec les musiciens était quelque peu frustrante).

Le duo composé de Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel arrive sur scène, accompagné d’un batteur, tous de blanc vêtus. Jean-Benoît est encadré de ses deux claviers/machines quand Nicolas s’empare d’une basse, pour l’introductif La Femme d’Argent avec son sample d’orchestre symphonique et sa basse délicieusement groovy. On s’attendait à ce que le public s’enflamme ensuite sur les remuants Sexy Boy et Kelly Watch the Stars, et ce fut bien le cas. Mais comment le public allait-il recevoir le reste de l’album, beaucoup plus atmosphérique ? On se doutait bien que le duo n’aillait pas incendier le dancefloor avec Moon Safari mais allait-on avoir des arrangements adaptés à un festival ?

Jean-Benoît et Nicolas ont fait le choix d’une restitution relativement fidèle à l’ambiance planante de l’album, et la magie opère, aussi bien auprès des fans absolus mais aussi auprès des spectateurs moins initiés comme nous, et il y a plusieurs raisons à cela.

Tout d’abord, Moon Safari, considéré il y a 25 ans comme rétro-futuriste, est un album définitivement intemporel : de Talisman et son groove seventies imparable au solaire Ce matin-là avec ses cordes et cuivres, ce sont 10 titres d’une incroyable cohérence qui forment une œuvre musicale unique. Même si l’on aurait pu par moment apprécier quelques arrangements nouveaux, on ne peut que reconnaître le choix cohérent d’être fidèle à l’album. Il y a aussi une forme de nostalgie à retrouver la bande-son d’une partie de sa vie, et de la voir prendre forme en live : et on avoue avoir été fasciné de voir se jouer en direct ce déluge de synthétiseurs analogiques, d’orgues, de pianos électriques, de cordes voluptueuses, de voix transformées et de basse (on n’avait pas pris la mesure de l’importance de la basse sur Moon Safari, que l’on pensait plus synthétique). Il y a aussi ces visuels subtils et élégants, qui soulignent habilement l’esthétique de Moon Safari (on pense par exemple au singe en peluche que l’on retrouve dans le clip de Mike Mills, et qui plane sur les parois du décor).

Mais si ce concert fût aussi envoûtant, c’est aussi et surtout grâce à l’humilité sincère du duo, qui tente de retrouver en live la magie de l’album, sans artifice quelconque. La comparaison avec la débauche visuelle mais stérile de Soulwax en début de festival est encore plus criante : Air est au service de Moon Safari, avec une simplicité émouvante. Le trio salue le public à la fin de l’album, et revient ensuite pour un long rappel extrait de leur discographie, avec entre autres Venus et Run (sur Talkie Walkie) sans oublier le somptueux Highschool Lover (à ce propos, si un jour le duo souhaite jouer en live la B.O. du Virgin Suicides de Sofia Coppola, on sera là). Lorsque le trio salue une dernière fois le public, un élégant AIR en élipses s’affiche en fond de scène, à l’image de ce concert : la grande classe.

Protomartyr

Après autant de délicieuses douceurs, il est temps de passer à des plaisirs plus éruptifs. Contrairement à Debby Friday la veille, les Protomartyr vont exceller dans l’art de la transition explosive. Le quintet de Détroit nous avait déjà bien épaté lors de deux précédentes venues à la Route du Rock. Ils vont encore être meilleurs que les fois précédentes.

John Casey déboule sur scène, toujours vêtu de ses immuables chemises noires et costume sombre (avec la canette en poche de rigueur). Il a visiblement pris un peu d’avance sur l’after show au bar VIP. Il tangue donc un peu et semble avoir envie de tuer son pied de micro mais cela ne va absolument pas impacter la qualité de sa prestation. Encore une fois, sa voix profonde et habitée nous saisit à la gorge et ne va pas nous lâcher. De plus, Greg Ahee (guitare), Scott Davidson (basse), Alex Leonard (batterie) et un nouveau guitariste/clavier que l’on ne connaît pas, vont également faire preuve d’une classe folle. On va immédiatement retrouver tout ce qu’on adore chez eux : guitares tranchantes, voix ténébreuse et rythmiques subtilement plombées. Leur post-punk tout en tension, noirceur et mélancolie sonne de nouveau aussi évident qu’essentiel. L’impeccable setlist ne s’aventure pas tant que ça sur leur pourtant excellent sixième album Formal Growth In The Desert et nous offre un épatant tour d’horizon de toute leur discographie avec en points d’orgue d’incandescentes versions de Scum Rise !, du toujours aussi déchirant Half Sister ou de l’apocalyptique Why Does It Shake ? en final somptueux.

Durant le set, Casey vannera à plusieurs reprises sur le fait que quelqu’un a du « merdé quelque part » pour qu’ils reviennent une troisième fois au festival. Pour notre part, nous militons volontiers pour un abonnement annuel.

MeatBodies

C’est à trois que la bande de Chad Ubovich -Ty Seagal related, également membre de Fuzz- se présente sur la scène du Fort. Exit la seconde guitare. Et pourtant le trio ne va laisser aucun blanc dans l’épais brouillard saturé qui se déverse par les enceintes. Si Meatbodies avait fait le choix, après un premier album de punk garage (Meatbodies, 2014) de diversifier son écriture pour y insuffler davantage de psychédélisme seventies sur les suivants (Alice, 2017, 333 en 2021, puis Flora Ocean Tiger Bloom cette année, avec même une touche rock nineties bien sentie), le trio a décidé de la jouer à pleines balles ce soir.

Ça commence donc puissance 6000 watts avec un Reach for the Sunn au son gras à souhait. C’est lent, c’est lourd, ça racle le fond. Les déluges électriques s’abattent sur le Fort, en rafales progressivement de plus en plus denses. En fond de scène, Dylan Fujoka martèle sa grosse caisse avec une puissance de brute. Le tempo prend à son tour un coup de fouet avec Off, retour aux sources qui voit les riffs se démultiplier à toute berzingue. Le génial Noah Guevara décoche et tricote les quatre cordes de sa basse en vitesse accélérée, tandis que Chad Ubovich enfonce les riffs comme des clous sur sa magnifique Guild Thunderbird de 1968. Ça décoiffe et la virtuosité de Dylan Fujoka derrière les fûts (qui trouve aussi le temps d’assurer les chœurs) qui ricoche à qui mieux mieux sur sa caisse claire est ébouriffante.

Le tout aussi ancien Tremmors se poursuit à son tour à deux voix et on s’absorbe dans les brumes saturées d’électricité et de fuzz de la bande tandis que ça slamme de bonheur dans les premiers rangs. Move et sa section rythmique (riff tournoyant à la basse et batterie obsessionnelle) sur laquelle Chad Ubovich vient poser ses soli de guitare et ses scansions vocales s’étire plus tard en un hypnotique morceau de quasi dix minutes. Pour autant, si l’on reconnait de réelles qualités aux trois musiciens, leur choix de proposer un set sous stéroïdes plutôt que de mettre en avant les bienvenues nuances qu’ont laissé entendre leurs derniers disques, finit par nous faire sortir du concert. Ces garçons sont impeccables et maitrisent leur sujet comme des brutes, mais les formules incontournables du genre (voix gorgées de reverb en tête) finissent par nous lasser. Rien de nouveau sous le soleil garage… Aussi, malgré leur talent indéniable, avec cette setlist concentrée à l’essentiel sur les morceaux les plus conformes au genre/efficaces (on peut le comprendre à cette heure de la soirée et dans le format festival), les Meatbodies nous ont perdus. Peu importe, les fans de garage punk bien sauvage s’en donnent à cœur joie devant la scène et c’est tant mieux.

Le contraste avec l’inénarrable et traditionnelle chenille n’en sera que plus éclatant et, tandis que la longue file de festivalier.es sautillante serpente joyeusement devant la scène du Fort, on file retrouver Dame Area sur la scène des Remparts.

Dame Area

Nous attendions, c’est vrai, le duo espagnol Dame Area avec une fébrilité certaine. Nous suivons en effet de très près les Barcelonais Silvia Konstance et Viktor L. Crux depuis leur saisissant premier EP mêlant musique tribale, électro, indus, post-punk, krautrock, EBM… avec une jubilation et une férocité communicatives. L’autre point qui leur vaut une place toute particulière sur notre radar, ce sont leurs dévastatrices prestations live comme au Jardin Moderne en septembre 2021 ou à l’Antipode en avril 2022 qui nous ont marqué au fer rouge comme deux de nos plus exaltants moments de folie scénique récents.

Nous espérions donc bien une conclusion en forme d’explosion nucléaire à cette édition 2024. Les choses vont parfaitement démarrer avec une Sylvia qui, malgré sa frêle silhouette, va de nouveau nous faire une impressionnante démonstration de présence scénique. Arpentant telle un zébulon possédé avec une énergie sautillante inoxydable les quatre coins de la scène (y compris au contact du premier rang) tout en clamant ses textes avec une puissance saisissante, la demoiselle nous emporte dans le sillage d’un ouragan de dinguerie. Même un peu plus statique, Viktor L. Crux n’est pas en reste et se démène comme un beau diable pour nous décocher poing rageur à l’appui des beats savamment abrasifs où l’on sent que chaque vrille sonique est soignée avec un amour maniaque.

Hélas, un problème technique mystérieux mais détonnant va très tôt les priver d’une partie de leur puissance de feu musicale. Ce sont peut-être les joies du DIY mais c’est un déchirement de les voir se débattre pour ne parvenir qu’à une version bridée de leur musique.

Avec une pugnacité remarquable, ils parviennent pourtant à reprendre le fil de leur ascension sonique sur une seconde partie rageuse entamée par le toujours aussi imparable Scopri Le Tue Passioni. Au final, le public salue bien bas une prestation qui, même diminuée techniquement, reste largement au dessus de la masse.

Nous en sortons frustré.e.s mais déjà impatient.e.s de les revoir. Nous guetterons maintenant leur quatrième long format Toda La Verdad Sobre Dame Area à sortir prochainement et que l’on annonce déjà comme enfin un disque à la hauteur de leurs concerts.

On quitte le Fort rompu.es, mais tour autant ravi.es, en attendant d’ores et déjà avec une gourmande impatience l’édition de l’année prochaine. Mais avant, on a du sommeil en retard à rattraper…

Notre galerie photo complète de la soirée du samedi :
Route du Rock 2024 : samedi 17 août

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La Route du Rock Collection Eté a eu lieu du 14 au 17 août 2024 à St Malo et au Fort de St Père

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1 commentaire sur “[Report Samedi] – La Route du Rock 2024 : De la lune aux volcans

  1. Fourré Christophe

    Merci encore pour cette prestation été 2024 de qualité,
    Et en particulier j’ai remarqué la présence de dame aera qui m’a conquis .
    Et je vous dit à l’année prochaine

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