Compte rendu écrit à quatre mains par Mr. B et Yann, et photographié par Mr B.
Après une très belle soirée de jeudi partagé en trio (ça nous rappelle un paquet de souvenirs), on revient ce vendredi en duo au Festival de la Route du Rock : ce compte-rendu de la soirée sera donc forcément moins exhaustif qu’à l’habitude (équipe réduite oblige), avec la mise en avant de nos meilleurs moments de la soirée (et il y en a eu un paquet !). Retour donc sur une soirée bien éclectique, avec en point d’orgue le concert d’anthologie du quatuor DIIV.
Honeyglaze
On débarque sur le site du Fort Saint-Père sous un magnifique soleil, dans un site très largement praticable, et c’est une excellente nouvelle pour cette ouverture tout en douceur avec le jeune trio londonien Honeyglaze : le genre de concert apéritif que l’on apprécie sous un soleil couchant, une boisson houblonnée à la main.
Anouska Sokolow présente Burglar, un premier album entre dream pop et jazz soul, et on retrouve sur scène ce qui fait le charme des compositions de la très jeune chanteuse-guitariste : une voix délicate avec un soupçon de fragilité, un jeu de guitare tout en finesse, bien épaulée par Tim Curtis à la basse et Yuri Shibuichi à la batterie. Une poignée de titres délicats, quelques compos avec de légères ruptures de rythmes (Burglar) et une fin de setlist un peu plus enlevée (Shadows) et vous obtenez la recette parfaite du concert d’ouverture de la soirée.
Los Bitchos
Sur le papier, Los Bitchos avait tout du maillon faible de la programmation : en théorie, le mélange de rock psyché, cumbia, surf punk pratiqué par ces quatre jeunes filles devrait être détonnant. Mais l’écoute de leur album Let The Festivities Begin ne nous avait fait frétiller ni les gambettes, ni les zygomatiques. On doit reconnaître qu’en live (avec l’ajout d’un guitariste), ce n’est pas aussi catastrophique que prévu, et le quatuor sait jouer. Mais toujours pas de frétillements de gambettes en ce qui nous concerne même si l’on doit reconnaître que l’indigence des compositions nous a fait sourire à plusieurs reprises (tequila !).
Porridge Radio
Après un passage à l’Antipode de Rennes en novembre 2021 chouette mais un peu frustrant, nous étions ravis de donner une seconde chance aux Porridge Radio. Nous avons diablement bien fait. Le quatuor de Brighton mené par la toujours aussi magnétique Dana Margolin nous a offert une magnifique démonstration de montée en puissance. Fini le manque de relief qui nous avait gêné précédemment, les versions live de leurs compos aussi irrésistibles que retorses ont pris du muscle et laissent du champ à la chanteuse qui peut moduler sa voix délicieusement grave avec beaucoup plus de finesse. On savoure l’équilibre entre abrasivité et douceur amère, heureux de voir le groupe confirmer haut la main tout son potentiel. On en ressort le sourire aux lèvres, heureux d’avoir vu leur univers singulier au charme délicieusement vénéneux se déployer d’une aussi convaincante manière.
Kevin Morby
La première claque musicale de la soirée nous viendra de Kevin Morby : on le connait pourtant bien après l’avoir découvert avec Woods, The Babies, mais également en solo en 2016 sur le Fort Saint-Père. Sauf que depuis, le garçon a fait du chemin et a clairement franchit un palier scénique. On l’avait quitté en quatuor lors de son dernier passage au festival et on le retrouve en septet cette année. Il débarque dans une étincelante veste dorée à franges sur l’excellent This is a Photograph, parfaite illustration de l’évolution musicale du californien d’adoption : une folk raffinée et classieuse qui s’élève puissamment dans un final échevelé. Sa voix est tout simplement parfaite, son jeu de guitare toujours aussi précis, et il n’a rien perdu de son songwriting particulièrement inspiré. La première partie du concert permet de découvrir les arrangements live de son dernier album, This is a Photograph. Des arrangements somptueux, qui renforcent l’intensité mélodique déjà présente sur galette (le final de Five Easy Pieces est quasi symphonique sur scène, et l’imparable Rock Bottom et son gimmick entêtant prend une dimension épique en live).
Il a su étoffer son backing band, avec une mention spéciale pour la lumineuse choriste qui l’accompagne, et qui forme un contrepoint vocal parfait (Bittersweet, TN). On pourrait également citer l’ensemble des musiciens, de l’impressionnant guitariste au talentueux claviériste, sans oublier le saxophoniste , qui réussit la prouesse d’enquiller les soli de sax sans être un seul instant lassant. Après nous avoir cueillis avec ses nouvelles compositions, Kevin Morby n’a plus qu’à dérouler l’impressionnante collection de pépites des ses albums précédents, du délicat Campfire au follement addictif Wander, en passant par I Have Been to the Mountain et ses chœurs flamboyants. On met un genou à terre sur l’incroyable Harlem River en clôture de set, qui prend une couleur soul dans un final stratosphérique, porté par l’impeccable backing band de luxe. L’une des performances les plus marquantes de cette édition, qui prouve une fois de plus que Kevin Morby est à la fois follement contemporain et définitivement intemporel.
DIIV
Après une annulation de leur part en 2016 et une autre en 2021 (mais là, c’était le festival qui était annulé), il était enfin temps d’en terminer avec les rendez-vous ratés pour DIIV et la Route du Rock. Le groupe revient d’autant plus de loin qu’entre problèmes de drogue aigus et changements de line-up fracassants, il a bien failli finir sa course dans la case « talents gâchés » de l’histoire du Rock. On mesure donc notre chance de retrouver sur scène Zachary Cole Smith (chant et guitare), son compère de longue date Andrew Bailey (seconde guitare), et les derniers arrivés Colin Caulfield (chant, basse) et Ben Newman (batterie).
Première divine surprise, le son est tout simplement merveilleux. Dès le splendide Loose ends en ouverture, tout est en place. Voix, guitares, rythmiques sont parfaitement équilibrées et limpides comme si on écoutait le groupe peinard chez nous dans notre canapé à plein volume. Sauf que le quatuor est sur scène et qu’il sait y faire pour faire encore monter en puissance ses compos, tout en finesse, mais avec une irrésistible énergie. La setlist fait la part belle au troisième album Deceiver de 2019 (qui porte bien mal son nom) mais n’oublie pas de nous offrir les perles de leur impressionnant double album Is the Is Are de 2016 et de faire un clin d’œil aux dix années passées depuis la sortie d’Oshin, leur premier disque de 2012 qui vient d’être réédité. On passe le set à sautiller la tête dans les étoiles, conquis par ce déferlement de riffs somptueux, ces rythmiques diaboliques et ce duo de voix à vous fendre l’âme. Visiblement un peu incertain sur leur temps de set, le quatuor trouve tout de même le temps d’achever de nous mettre en orbite avec un combo Horsehead / Blankenship en guise de final d’apothéose.
Ce fut, et de loin, la claque de la soirée pour nous. Il reste encore une journée pour déterminer si ce sera celle de l’édition mais il va falloir faire très très fort pour les détrôner.
Baxter Dury
Pour être honnête, on a la douloureuse sensation d’avoir raté notre rendez-vous avec Baxter Dury : on gardait un très bon souvenir de ses passages précédents (en 2012 version hivernale et 2014 version estivale), et si l’excellent Happy Soup a plus de dix ans, les albums suivants s’inscrivaient dans la même veine. Baxter Dury, c’est un mélange de charisme déglingué, de classe nonchalante et d’humour flegmatique : hélas ce soir, le charisme, la classe et le flegme étaient aux abonnés absents. La classe du crooner a fait place a une performance bordélique : Baxter Dury débarque sur scène et enlève sa tenue de taulard sur l’inaugural D.O.A.. Après plusieurs effets de manche (ou plutôt effets de veste) sur Leak at the Disco, il enchaine sur le triptyque I’m Not Your Dog / Slumlord / The Night Chancers. extraits de son dernier album. Le problème, c’est que le crooner disparaît lentement de la circulation, et on a alors la désagréable sensation de se faire brailler dessus (« I Love you !!! You love me!!!). Alors, certes, cela fait probablement partie du show, mais on a quand même l’impression que le dandy anglais n’est pas au meilleur de sa forme. La lumineuse Madelaine Hart sauve les meubles avec sa magnifique voix (Porcelain, Cocaine Man), quand le batteur et le guitariste donnent l’impression de maintenir le navire à flot. Mais le dansant Baxter (these are my friends) en clôture du set ne suffit pas à faire illusion. Décevant.
Snapped Ankles
La belle dinguerie de la soirée, c’était Snaped Ankles. Après les plutôt flippants néo-zélandais de Jonathan Bree en 2018, c’était au tour de la formation londonienne de perpétuer la grande tradition rock des groupes masqués avec de très beaux déguisements d’arbres. Avec une joie assez communicative, les quatre esprits de la forêt déploient un rock psyché abrasif tout en spirales hypnotiques. Une tambouille débridée bien euphorisante qui fait un bien fou alors que les pattes commencent à se faire lourdes. Il nous a juste manqué un poil d’intensité et de variété dans la voix pour être totalement emportés mais on a passé un très bon moment et on guettera les prochaines aventures des zigues avec attention.
The Limiñanas
On garde un excellent souvenir du passage de The Liminanas en ouverture de la Grande scène du Fort en 2018. On découvrait alors en live le duo de Cabestany, Lionel et Marie Liminana, et sa pop sixties survitaminée, notamment sur l’excellent Shadow People (janvier 2018 sur le label Because). Le concert s’ouvre sur la doublette Saul/Je rentrais par le bois…BB, extrait de leur épatant opéra rock De Pelicula composé avec Laurent Garnier. Leur rock psyché n’a rien perdu de son efficacité et de son groove halluciné. La bande a également nettement gagné en envergure et c’est un véritable déluge continu de fuzz qui déferle sur un Fort conquis. Le souci de cette option, c’est que la bande y perd en malice, en variété et en chaleur. On avait aussi adoré leurs échappées yéyés ou pop sixties et ce déferlement de psyché garage surpuissant finit par nous laisser un peu de marbre. On lâche donc l’affaire pour ce soir. Tant pis pour Jabba 2.3 qui animait l’after en sortie en de Fort. On part un peu à regret mais pas si mécontent d’économiser quelques forces pour cette dernière journée qui s’annonce tout aussi riche et intense.
Notre galerie des photos de la soirée :
La Route du Rock Collection Eté 2022 aura lieu du mercredi 17 août au samedi 20 août.