Vous commencez à avoir mal partout ? Le foie et les oreilles un brin rétifs ? Pas d’inquiétude, nous aussi. Pourtant ce samedi, on remet le couvert (le ciré ?) et on fonce une nouvelle fois en direction de la Route du Rock pour une dernière journée de festival. De toute façon, demain on sera tous tristes que ce soit fini (enfin peut être pas notre foie), alors autant terminer cette édition en beauté. Plongée dans la programmation de ce samedi 20 août.
Samedi 20 août : Le Fort dans tous ses états
On avoue bien volontiers qu’on aurait adoré voir ce que vaut sur scène la follement prolifique et créative bande des australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard. Une crise aigüe de la maladie de Crohn dont souffre Stu Mackenzie, le leader du groupe en a décidé autrement. On lui souhaite plein de courage. Après quelques jours de suspense, ce seront finalement les affreux, sales et géniaux Fat White Family qui joueront les remplaçants de luxe sur ce samedi.
Il n’y a que les imbéciles et les voitures sans frein qui ne changent pas d’avis. Si nous étions totalement passés au travers du concert de Fat White Family lors de l’édition 2014 nous étions régalés devant la superbe explosion au ralenti qu’ils nous avaient offert en 2016. Fondé à la fin des années 2000 par deux rescapés d’un indie-boy-band : Lias Saoudi et Saul Adamczewski, Fat White Family s’est vite taillé une réputation de sales gosses hirsutes et dépravés. La preuve : un frontman qui finit certains concerts nu comme un ver, des paroles vénéneuses évoquant fascisme, viol et pédophilie, un line-up plus que fluctuant, une banderole qu’ils auraient tendue chez eux le jour de la mort de Margaret Thatcher « The Bitch is Dead ». Bref, une réputation de dézingués sans foi(e) ni loi pour le sextet cockney parfaitement résumé par la limpide citation de Lias Saoudi : « ce groupe souffre de soucis psychologiques profonds bien plus graves que la drogue« . La troupe a sorti en 2014 un Champagne Holocaust à la pochette éroto-porcine du meilleur goût. Ils lâchent ensuite dans la nature leur second long format : Songs for our mothers (sic!) sur Without Content en 2016. Sur ce disque encore plus insidieux et malade que le précédent, les incorrigibles gusses évoquent aussi bien la relation abusive entre Ike et Tina Turner que les ébats supposés entre Hitler et Goebbels au fin fond de leur bunker. On avoue avoir été un peu surpris de voir Lias Saoudi invité lors de différents reportages sur le funeste référendum anglais (avant et après le résultat d’ailleurs). Sauf que l’on a alors découvert que le bonhomme avait bien plus de choses intéressantes à dire que la plupart de nos éditorialistes hexagonaux. Il évoque, entre autres, la déliquescence et l’inanité de le grande majorité de la musique britannique pop actuelle avec une lucide férocité tout à fait réjouissante. Sur la pochette du single de Whitest Boy On The Beach, on retrouve le groupe posant dans une citation d’une pochette de Throbbing Gristle, un autre grand groupe anglais expert dans l’art de dynamiter les conventions pour mieux mettre à nu les horreurs du temps. Leur troisième disque Serfs Up ! est sorti en 2019. On a été un peu surpris qu’il voie le jour vu les nombres de projets parallèles des zigues. Le disque appelait tout simplement à la Révolution (mais aussi à compatir Kim Jong-un !) en injectant de façon très inspirée de larges rasades de pop, disco ou boogie dans leurs compos. Pour cette troisième venue plus qu’impromptue, on compte sur Fat White Family pour nous surprendre une fois de plus et se montrer de nouveau à la hauteur des soucis psychologiques profonds cités plus haut.
Le prolifique Ty Segall fera également partie des come-back de 2022 avec une troisième venue dans le Fort. Après un premier round mémorable en 2015 sous son avatar Fuzz et une seconde manche tout aussi vivifiante en 2019 sous son nom. Il revient cette fois avec la formation Ty Segall & The Freedom Band. Si l’ami Christophe Brault se montre ravi du retour du Californien (les auditeurs de Music Machine le savent), on ne boude pas notre plaisir non plus. On a déjà vu le garçon à quelques reprises et dans des formations différentes, mais à chaque fois Ty Segall et ses buddies ont fait débouler un tsunami fracassant sur les publics massés en rang serrés et pogotant devant la scène. Le jeunot prolifique dont la liste d’albums (en solo ou au sein d’une bonne demi-douzaine de formations annexes) eps, splits (et on en passe) est longue comme la faille de San Andreas (on a arrêté de compter depuis longtemps), chantre de la scène rock garage avec ses compères feu Jay Reatard ou autres Thee oh Sees, sait vous dégommer les esgourdes à coups de brûlots noisy et de chansons barrées dont lui seul a le secret. Mais sait aussi curieusement ralentir le tempo et écrire d’étonnantes ballades (Take Care (To Comb Your Hair), Orange Color Queen ou Talkin’ sur Ty Segall).
Si le set de la Route du Rock devrait avant tout s’apparenter à une déferlante réjouissante mélangeant fougue punk, garage qui tache, influences métal, saturations grunge et riffs psychés (on se souvient d’avoir levé le poing en hurlant avec la salle et le groupe sur une reprise furibarde incendiaire de Paranoid de Black Sabbath, toute en guitares saturées et en hurlements à l’Antipode MJC), il ne faut jamais oublier que ce garçon a plus d’un tour dans sa besace : il maîtrise, mais dégomme aussi tous les codes, rebondissant souvent où on ne l’attend pas (le Hello Hy tout en délicatesse acoustique qui vient tout juste de sortir est à ce titre particulièrement probant). Les premiers rangs devraient en tout cas pogoter à qui mieux mieux.
Autre retour dont on ne se plaindra pas, Beak> reviendra nous faire délicieusement tourner en bourrique avec sa version irrésistible et follement classe des spirales krautrock. Ce qui fut au départ un simple projet parallèle de l’immense Geoff Barrow (maître d’oeuvre musical de Portishead et fondateur du label Invada Records) est devenu maintenant sa principale activité. Depuis 2009, le trio complété par Billy Fuller et Will Young a livré trois albums d’une classe folle et une pelletée de singles et d’EP tous aussi impeccables. Les trois lascars ont paufiné au fil des ans leurs amours des sonorités fascinantes et des rythmiques motorik avec une inspiration et un sens du détail qui forcent l’admiration. Vu la puissance de feu monumentale de leur dernière nouvelles discographie (le single Oh Know) nous sommes totalement certains que le trio va une fois encore tout dévaster sous les assauts hypnotiques de leur implacable horde sonique.
Nous sommes tout aussi entousiastes et frémissants d’impatience avec la venue des londoniens de Wu-Lu. Les premiers EP aventureux et la prestation féivreuse que la bande menée par Miles Romans-Hopcraft a livré lors des dernières Trans Musicales nous avaient déjà bien convaincus de classer le groupe parmi ceux à suivre de près. Voilà de plus qu’a déboulé en juillet 2022 leur premier long format tant attendu. Il s’intitule Loggerhead et il est sorti sur le label Warp qui prouve encore une fois qu’il a toujours les oreilles fines. Comme nous l’espérions, l’album est une grande réussite. Le multi-instrumentiste Miles Romans-Hopcraft y lâche la bride pour notre plus grande joie. Histoire de bien enfoncer les clous du cercueil de la notion de genre musical se bousculent hip hop abrasif, décharges noisy, riffs grungy, mélancolie trip hop et déflagrations drum’n’bass… Ce chaos rageur et utltra-maitrisé est maniaquement mis en son et pimenté par de nombreuses collaborations dont la rappeuse Lex Amor, la violoniste Mica Levi ou encore Morgan Simpson et Matt Kwasniewski-Kelvin échappés de Black Midi… Le tout sonne comme le légitime héritier de l’univers ténébreux de Ghostpoet ou des expérimentations d’U.N.K.L.E. dans les années 90’s (projet protéiforme mené par James Lavelle et Dj Shadow dans lequel on a pu croiser Thom Yorke (Radiohead), Mark Hollis (Talk Talk), Mike D (Beastie Boys), Kool G et on en passe). C’est donc peu dire que nous sommes impatients de voir comment se décline en live cet univers d’une singularité aussi rafraichissante qu’excitante.
L’autre univers délicieusement singulier que l’on pourra explorer ce samedi, ce sera celui de Vanishing Twin. Formé en 2015 à Londres autour de Cathy Lucas, le groupe a sorti en octobre 2021 Ookii Gekkou un troisième album aussi ludique que psychédélique. Quelque part entre les spirales colorées de Stereolab et le jazz cosmique de Broadcast, la bande se nourrit de l’éclectisme de ses musiciens pour nous offrir des petites perles oniriques et jamais ronronnantes.
On remettra également le pied sur l’accélrateur avec Big Joanie. Le trio londonien composé de Stephanie Phillips (chant/guitare) bassist Estella Adeyeri, (basse) et Chardine Taylor-Stone (batterie) s’était fait remarquer avec Sistahs, premier album signé sur Daydream Library Serie. Elles y livraient onze petites bombes de punk hautement mélodiques à l’énergie rafraichissante et aux chœurs teintés de soul. On compte bien sur cette formule hautement inflammable pour faire monter la température du Fort.
On avoue volontiers avoir sorti notre plus belle danse de joie à l’annonce du retour de DITZ sur la scène du Fort. Il faut dire qu’on suit ce quintet de Brighton comme le lait sur le feu depuis que nous avons découvert en 2016 leur EP1. Ce premier trois titres plongeait dans un creuset rempli de métal en fusion post-punk, noise rock, grunge et post hardcore pour un alliage aussi étincelant que redoutablement tranchant. Voix obliquement flegmatique et classieusement braillarde, riffs explosifs et furieusement abrasifs et rythmiques incendiaires, ces trois titres nous avaient autant disloqué la nuque que collé un sourire béat. Il a fallu s’armer de patience pour enfin pouvoir écouter leur 5 song EP, sorti en juillet 2020, qui confirmait haut la main toutes les qualités d’artificiers de la bande et nous offrait en guise de cerise sur la bouteille de nitroglycérine une monstrueuse reprise du déjà terrible Fuck The Pain Away de Peaches. On savait alors les gars prêts à s’attaquer à leur premier long format. Hélas, un virus taquin et tenace est passé par là et il a fallu se contenter de quelques titres distillés au fil des mois avant la sortie en mars 2022 sur leur label Alcopop de The Great Regression. Fort heureusement, le disque est largement à la hauteur de nos pourtant folles attentes. On sent que chacun des dix titres a été obsessivement peaufiné pour un impact maximal. La force de frappe du groupe n’a jamais été aussi saisissante et la bande se paye en plus le luxe d’avoir des paroles imparables dans leur féroce lucidité. En équilibre délicieusement instable entre agressivité pure et évidence mélodique, le disque vous choppe dès le Clocks inaugural et ne vous lâche plus jusqu’au cataclysmique final goguenardement appelé No thanks I’m Full. Pour notre part, et malgré une épatante prestation au flegme volcanique à l’Antipode en avril 2022, nous sommes loin d’être rassasiés et nous n’avons qu’une hâte c’est de nous reprendre tout ça dans la tronche à plein volume.
On conclut ce samedi au Fort avec les bombes rythmiques de PVA. Si on retrouve bien des voix, une guitare et un vrai batteur dans ce tout jeune trio londonien, ce sont surtout les machines qui sont ici à l’honneur pour des compositions hypnotiques évoquant l’electronic body music des années 80 ou les assauts infrabasses des raves. Le groupe viendra de plus défendre les morceaux de leur premier album BLUSH à sortir en octobre 2022. Vu leur réputation scénique, on gage que ce sera avec autant de fièvre que de brio.
Et avant ça : à la plage de Bon-secours
Comme chaque année les djs des Magnetic Friends seront bien présents sur le festival avec dans leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son/sa voisin.e (parfois inconnu.e quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Attention pour cette année, les concerts du Fort s’enchainant sur un rythme implacable, ils ne seront présents que sur la plage du Bon secours du jeudi au samedi de 14h30 à 16h.
Ça va danser sur le sandfloor !
Ce sera la canadienne Tess Parks qui viendra conclure les concerts à la plage de cette semaine. Après de très remarquées collaborations avec Anton Newcombe de Brian Jonestown Massacre dont un très bel album en duo en 2013, la dame originaire de Toronto et exilée à Londres a enfin sorti un nouvel album : And Those Who Were Seen Dancing, en mai 2022. Sa voix démoniaquement éraillée y fait de nouveaux merveille sur des compositions entre folk du désert, dream pop et ballades psychédélico-shoegaze entre ombre et soleil. Le charme de ses compostions devrait opérer à pleine puissance
Et après ça : On danse toujours au Fort
Pour cette trentième édition, la Route du Rock a décidé d’offrir à ses festivaliers et festivalières les plus endurant.e.s des aftershows à partir de 2h du matin pour prolonger la fête jusqu’au bout de la nuit et de leurs forces. pour cette ultime journée, ce seront les tubes indés dénichés par Pépé Jerk qui concluront le festival.
Pour les sporti.f.ves (pas vraiment nous)
Copacabana, le Maracana, c’est un peu, comme chaque édition ce que deviendra la plage de l’éventail (en face du Palais du Gand Large) ce samedi 20 août de 13h30 à 17h pour la nouvelle édition de Sports are not dead (ça fait S.A.N.D.) sur le sable malouin. Après deux années de sport confiné, technicien.ne.s, bénévoles, festivalier.e.s et organisat.rice.eur.s vont pouvoir de nouveau s’affronter dans un tournoi de foot sur sable.
Mais pas que puisque vous pourrez également participer à des initiations de Touch Beach Rugby, de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?) et même du palet pour celles et ceux qui n’aiment pas courir. Tout ça bien sûr avec une bande son indie de haute qualité pour suer avec les oreilles à l’aise.
Sports are not dead – Plage de l’Eventail, St Malo – Samedi 20 août – 13h30
The Fat White Family, Ty Segall & The Freedom Band,
Beak>, Vanishing Twin, Big Joanie, Wu-Lu, DITZ, PVA
seront en concert samedi 20 août 2022
au Fort Saint-Père (Rue des Acadiens, Saint Malo) à partir de 18h.
Tarifs : (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) 47€ / 50€
Pass trois jours Fort : 115€ (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) / 125€
Tess parks sera en concert samedi 20 août 2022 – gratuit
à la plage du Bon-secours à Saint Malo
La Route du Rock Collection Été 2022 aura lieu
du mercredi 17 août au samedi 20 août.