Quand on entre sous le chapiteau, on a la surprise de voir les rangées de chaises installées. Assister à un concert de Dionysos assis peut sembler incongru. Mais lors de cette nouvelle tournée, le groupe nous raconte une histoire différente, celle d’une renaissance. La renaissance de son charismatique chanteur Mathias Malzieu, véritable miraculé, qui a survécu à une maladie rare, l’aplasie médullaire. Fin 2013, le groupe prépare la sortie du long-métrage d’animation Jack et la Mécanique du Coeur : c’est lors du tournage d’un clip accompagnant le film que Mathias découvre sa maladie. Après plusieurs transfusions sanguines (d’où la référence au vampire), il a bénéficié d’une greffe de moëlle osseuse : il raconte cette épreuve dans un livre, Journal d’un Vampire en pyjama, et avec son groupe, dans l’album Vampire en Pyjama.
Le livre trouve naturellement son pendant musical avec les indéfectibles compagnons de route de Dionysos : Rico (batterie), Babet (chant, violon), Miky Biky et Stephano (guitares, banjos…). Les 4 musiciens s’installent sur scène et commencent à jouer lorsque Mathias débarque du fond de la salle, mégaphone lumineux en main, avant de rejoindre la scène pour Chanson d’été, qui ouvre aussi Vampire en Pyjama. Un album bien évidemment à l’honneur avec Skateboarding sous morphine, Hospital Blues et le lumineux Vampire de l’Amour, entre lesquels Mathias évoque brièvement la maladie. Mais lors de ses échanges avec le public, il ne revient pas sur cette épisode de sa vie. Il préfère se moquer de sa petite taille et de son grand âge, ou jouer avec les spectateurs du premier rang : « faire le con poétiquement est un métier formidable ». Il laisse les textes de ses chansons évoquer sa maladie, avec des mélodies empruntes d’une certaine mélancolie, mais de cette mélancolie souriante qui annonce des jours moins sombres. On retrouve sur ces nouveaux titres l’impeccable rythmique menée par Rico et Stephano, les riffs mélodiques de Miky Biky, et la voix altière de Babet, parfait contrepoint au timbre grave de Mathias.
Puis le groupe revisite sa discographie avec Giant Jack sur lequel Stephano se régale à la basse (Monsters in Love, 2005), le superbe Ciel en Sauce magnifiquement joué au ukulélé et au banjo (The Sun is Blue Like the Eggs in Winter, 1998) et Le Jour le plus froid du Monde tiré de La Mécanique du Coeur.
Le frontman nous annonce alors malicieusement un solo de guitare, pour finalement jouer quelques notes d’une boite à musique fixée sur sa guitare : Miky Biky lance le riff de l’incontournable Song for Jedi, et le public se lève enfin, les plus inconditionnels s’installant aux premiers rangs. Guillemette rejoint Babet sur Cloudman (Bird’n’Roll, 2012), un titre rock qui prend des atours sixties grâce, entre autre, à la caisse claire de Rico. Mathias Malzieu, alias Tom Hématome Cloudman « le plus mauvais cascadeur du monde et de la galaxie », décide de faire une cascade au ralenti, qui se termine en slam sur les spectateurs assis ! Le concert s’achève sur le magnifique Neige, et son final a capella devant le public ravi.
Plutôt que de sacrifier au traditionnel rappel, le groupe reste sur scène pour se faire désirer de nouveau : Heroes de Bowie (qu’ils reprenaient déjà avant sa disparition, mais qui résonne différemment sous le chapiteau du Cabaret Botanique), puis le groupe s’assoie au bord de la scène, sans micro, et joue Vampire en Pyjama en acoustique. Ce titre, qui clôt également l’album, fait directement référence à la résilience dans la maladie du chanteur (Je suis un nouveau né / De 40 ans passés / Je ne suis plus un vampire / J’ai brûlé mon pyjama). Les voix et les instruments (scie musicale, guitare, melodica) remplissent le chapiteau, à travers les rangs des spectateurs incroyablement silencieux.
Etrangement, Dionysos signifie littéralement « né deux fois ». Ce nouveau-né s’est assagit mais il a gardé son âme.
Photos : Yann
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