[Urbanisme] : Le jardin du Triangle, prochaine victime de la densification ?

Au sud de Rennes, des dizaines de personnes se sont regroupées dans un collectif pour tenter de sauver l’espace naturel situé derrière le centre culturel Le Triangle. En effet, un projet d’aménagement urbain prévoit, entre autres, la construction d’un centre médico-psychologique et le déménagement de la ferme urbaine.

Jardin du Triangle, quartier Le Blosne

Serviettes posées sur l’herbe, jeux de plein-air, barbecues improvisés… il suffit de se promener dans le jardin situé derrière le centre culturel Le Triangle pour constater que les riverain·e·s du Blosne profitent régulièrement de cette oasis de nature dès que les beaux jours reviennent. Mais pour combien de temps encore ?

ZAC a dit

En effet, même si le quartier est un des plus verts de Rennes, celui-ci est en pleine mutation. Comme Maurepas ou Villejean, il s’inscrit dans le Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine lancé en 2014 sous le mandat Hollande. « La ZAC Blosne-Est est le plus important projet urbain de notre Ville pour 120 millions d’euros », expliquait encore Béatrice Hakni-Robin, adjointe socialiste. Mais dans cette course effrénée à l’attractivité, la municipalité en oublierait presque ses fondamentaux pourtant inscrits dans la charte construction et citoyenneté : la concertation.

Ainsi, refusant de se voir imposer un projet de bétonisation sur le site du jardin du Triangle, des dizaines de personnes habitant le quartier,  piquées au vif, ont créé un collectif afin de peser sur les futures décisions. Pour rappel, le futur agencement prévoit (liste non exhaustive) :

  • la construction d’un immeuble sur la lisière du jardin côté avenue des Pays-Bas, là où se situait auparavant un terrain de pétanque ;
  • l’arasement de la butte herbeuse au centre du jardin ;
  • la construction au centre du jardin d’un centre médico-psychologique (structure appartenant au centre hospitalier Guillaume Regnier, actuellement rue de Chatillon)
  • le déplacement d’une partie de la ferme urbaine.
Marché Public: CONSTRUCTION D’UN CTJ EN PEDOPSYCHIATRIE SITE E13 ZAC BLOSNE RENNES

« Nous [le collectif] ne sommes pas contre la rénovation du quartier. Au contraire, nous comprenons les enjeux (rajeunissement, mixité sociale…) et nous en voyons déjà les effets bénéfiques, nous explique Nicole, membre hyperactive du collectif que nous avons rencontrée plusieurs fois. Cependant, nous sommes contre la volonté de la ville de venir construire dans ce jardin où il existe une vraie biodiversité. De plus, nous n’avons appris l’ampleur du projet qu’à la fin de l’année dernière, après une visite à la Maison du Projet, située place Jean-Normand. Jamais nous n’avons été consultés, aucun des riverains que nous avons consultés ne rapporte avoir eu connaissance de l’intégralité du projet, ni invités à participer à un quelconque échange sur l’aménagement de cet espace. », précise-t-elle dans une lettre envoyée à Nathalie Appéré, Maire de Rennes.

Pas de quartier pour le béton, pas de béton dans notre jardin !

Le point qui crispe le plus le collectif reste la construction du CMP avec sa voie traversante. « Ce projet vient ravager le jardin. C’est totalement incompréhensible !, peste Nicole. Cela est extrêmement invasif, destructeur, et limitera considérablement l’usage du jardin par les habitants. » C’est d’autant plus étonnant que dans la brochure municipale sur le quartier à la page 30 (télécharger ici, NDLR), on lit que « l’un des objectifs majeurs du projet urbain est la mise en valeur et le développement du patrimoine paysager. »

Mais le collectif insiste : pas de fausse polémique, ni de faux procès. Il ne remet en aucune façon l’installation de l’établissement hospitalier. Son but est de préserver l’intégrité environnementale et paysagère de cet espace vert dont « le maintien est d’autant plus important dans le contexte de la densification actuelle. D’autant plus que d’autres solutions sont possibles, précise Nicole. Nous proposons de construire l’hôpital en lieu et place de la crèche Henri Wallon qui sera détruite prochainement. Comme cela, la ferme n’a pas besoin de déménager. » Cette solution présente aussi l’avantage de réduire les coûts du chantier : le terrain de la crèche étant déjà viabilisé, au contraire du jardin.

Maquette

Jamais deux sans trois

Et puis que va devenir la ferme urbaine qui commence tout juste à prendre son envol après des mois de galères ? On repense encore à cette bévue monumentale des services de la ville qui ont, dans un premier temps, fourni une terre polluée aux métaux lourds de type mercure, incompatible avec une culture maraichère (voir le film « la carotte et le béton » qui retrace cet épisode, NDLR). Il a fallu tout vider pour ramener une terre saine et fertile, et remplir une seconde fois à la seule force des bras la cinquantaine de bacs potagers ! Ces derniers étant sans fond, il est impossible de les manipuler d’un seul bloc, même avec un transpalette. Déplacer la ferme signifie qu’il faudra, de nouveau, pour la troisième fois, ressortir les pelles et les brouettes, de nouveau, s’armer de patience pour refaire mille fois les mêmes gestes. Pelleter, remplir, déverser… Pelleter, remplir, déverser. Pelleter, remplir, déverser…

Pour info :
l’utilisation des bacs est nécessaire du fait d’une pollution des sols du jardin. La « technique des lasagnes » est utilisée et consiste à disposer une couche de bois mort, de la tonte d’herbe, du compost, du fumier, des feuilles mortes, et une couche de 30 centimètres de terre végétale (non polluée, c’est mieux)

Pétition et courrier.

Enfin, le nouvel emplacement, situé à une cinquantaine de mètres plus bas, est accolé à une mare et se trouve dans une zone beaucoup plus humide. Cela aura un impact non négligeable sur les cultures, et aussi pour les bénévoles et ami·e·s de la Ferme. Avoir les pieds dans l’eau, l’hiver, forcément, c’est tout de suite moins sympa.

Trois ans à peine après son inauguration, il est donc malheureux d’observer qu’un terrain pourtant dédié à l’agriculture urbaine, régulièrement citée en exemple par les élu·e·s pour vanter leurs actions, n’est pas sanctuarisé. Greenwashing ? Le documentaire La carotte et le béton (coproduction Vivement Lundi! et France Télévisions, 2021) pointe justement du doigt cette contradiction entre les discours et la réalité, parfois moins glorieuse. Son réalisateur, Emilien Bernard, s’interroge à voix haute dans le film : « Le potager semble secondaire, entièrement soluble dans les plans de la ville […] Pourquoi promouvoir une ferme urbaine avec toutes les promesses qu’elle porte si c’est pour la noyer dans du béton ? »

La Mare.

Information ≠ concertation

Page FB Béatrice Hakni-Robin

Vendredi 01 avril 2022, une première séance d’information officielle et publique a eu lieu en présence des riverain·e·s, de l’élue de quartier Madame Béatrice Hakni-Robin, de l’architecte et du paysagiste en charge du réaménagement du jardin. Une réunion sous tension. « Nous avons pu exprimer nos griefs, dire que nous étions contre cette spoliation du jardin, véritable patrimoine du quartier mais aussi que nous étions choqués du manque de considération à notre égard et par le manque de concertation, raconte Nicole avant d’ajouter, beaucoup de personnes, qui ne sont pas dans le collectif, étaient très fâchées, car elles avaient l’impression que tout était déjà acté. »

Au cours de la soirée, Madame Hakni-Robin semblait mal à l’aise, mal préparée, tentant vainement d’accaparer la parole pour endormir son auditoire ce qui n’a pas calmé les esprits, bien au contraire. Au final, « Madame Hakni-Robin nous a assuré qu’aucun permis de construire n’allait être déposé sans qu’une nouvelle réunion soit organisée » narre Nicole sans être dupe. « On nous a promis que des solutions allaient être trouvées pour satisfaire les habitants et le CHGR… mais on ne nous a toujours pas dit comment (rires…) » D’après nos informations, une nouvelle réunion devrait être organisée courant mai avec une déambulation à travers le jardin.

Une impression étrange se dessine au fil de nos entretiens. Le projet semble mal ficelé, conçu dans la précipitation et pourtant, la ville s’entête. « Si le projet est susceptible d’évoluer, le futur Centre médico-psychologique ne pourra pas s’installer à la place de l’actuelle crèche Henri-Wallon », assure Marc Hervé dans le quotidien Ouest-France. Problème de calendrier apparemment…(La Ville de Rennes a approuvé la convention NPNRU pour la période 2016/2026, et 2026 ben… c’est demain, NDLR).

De son côté, le collectif des Cols verts Rennes qui gère la ferme ne semble pas prendre parti. Sur leur page Facebook, nous ne trouvons aucune communication sur le combat en cours.

Dans quelques semaines, ce sont les législatives. Béatrice Hakni-Robin se présente dans la 1ere circonscription d’Ille-et-Vilaine. En face, son adversaire directe sera l’ex-tête de liste des écologistes aux régionales, Claire Desmares. Il serait dommage que le jardin du Blosne devienne un boulet à son élection. Enfin. On dit ça, on ne dit rien.

_DIAPORAMA_

[Urbanisme] : Le jardin du Triangle, victime collatérale de la densification ?

Extrait de : Au cœur du quartier rennais du Blosne, Le Potager des Cultures cultive des légumes et du lien social

La micro-ferme urbaine existe depuis septembre 2019, à l’initiative de l’association Les Cols Verts, de Rennes, antenne locale du collectif national du même nom. « Le Potager des Cultures est également issu du budget participatif de la Ville de Rennes », rappelle l’une des deux maraîchères salariée de l’association. L’objectif, avec la micro-ferme urbaine, est « d’avoir avant tout un outils d’animation, plus que de production. On retrouve la volonté de produire des légumes sur le projet de maraichage qui est en cours sur un terrain d’1,2 hectares à Chantepie ».

 

Main dans la main, la municipalité et Aiguillon Construction aménagent La Poterie à leur image…

Urbanisme et démocratie à Rennes : les leçons du Blosne (1/2)

 

5 commentaires sur “[Urbanisme] : Le jardin du Triangle, prochaine victime de la densification ?

  1. Gérard Bricet

    « De son côté, le collectif des Cols verts Rennes qui gère la ferme ne semble pas prendre parti. Sur leur page Facebook, nous ne trouvons aucune communication sur le combat en cours. »
    Il vous reste donc à creuser cette question, vous trouverez peut être des pépites….

  2. Anonyme

    ne touchez pas a nos espaces verts

  3. Anonyme

    ne touchez pas a nos espaces verts ni deriere allee du gacet et ecole pascale la fayelle on veut savoir vos engagements sur se sujet de casse des espaces verts et de differents parkingins souterrains qui sont dans votre viseur

  4. rey

    Bonjour

    merci pour tout cela
    habitante du blosne, témoin au quotidien du désastre de la densification je suis évidemment contre ce projet
    NLOus avons juste besoin de la NATURE pour ne pas devenir fous

    bonne journée

    Morgane

  5. Le boulch

    Marre du béton et de la suppression des espaces verts, des arbres avenue janvier, dur combat, des arbres de la charmante place st germain , totalement disparus, de tout ces espaces de libertés, voir la plaine de baud, enfin des extension du stade rennais , suppression de jardins et espaces maraîchers vers la prevalaye,si je vis a rennes c est pas pour me retrouver a Paris.Votre politique d aménagement du territoire est anti nature et si pour compenser toute cette destruction vous pensez que des avenues bétonnées pour vélo vous rendent rennes ecolo et bien c est un grand leurre.Du béton partout, ça pourrait être le nouveau slogan de rennes.

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