Voilà plus d’un quart de siècle que le festival malouin tient la barre contre vents (consensuels des programmations) et marées (oui, on parle de cirés) : du 11 au 14 août 2016, la Route du Rock fêtera son vingt-sixième anniversaire dans un Fort St Père désormais rendu totalement étanche (ou quasi !) avec une programmation parfois pointue, souvent maligne et fréquemment alléchante… Et qui donne une nouvelle fois envie de ne manquer ce rendez-vous estival sous aucun prétexte.
Nos articles sur La Route du Rock 2016, à retrouver avant, pendant et après le festival ici :
- La prog’ détaillée [Face A]
- La prog’ détaillée [Face B]
- La prog’ détaillée [La fin]
- La Route du Rock 2016 démarre par un quintuple bang sonique
- Ouverture(s) des Remparts
- Gagnez votre compilation de la Route du Rock 2016
- Brexit ta mère !
- Ça commence aujourd’hui !
- Samedi, c’est permis !
- [Compte rendu du vendredi] Make me dance i want to surrender
- Et c’est pas fini : la prog’ du dimanche
- [Compte-rendu du samedi] Classe… Pas Classe
- Les trois jours en image
- [Compte-rendu du dimanche] De la grâce à la fureur
- Bilan – Du plaisir d’avoir tort
Plus de bottes, pas de tête d’affiche, mais une volonté d’indépendance toujours aussi marquée
Le Fort st Père au sec
Maintenant qu‘il n’est plus question de bottes (suite au drainage l’an dernier d’une grande partie du Fort St Père le site qui accueille le festival -hormis les 20% du « marché aux fleurs » qui manquent encore à l’appel-), laissons également les discussions météo (tongs ou impers, il faut choisir faut-il choisir ?), toujours un peu épineuses dans notre pluvieuse riante région, aux amateurs et plongeons tout de suite dans ce qui nous intéresse avant tout à la Route du Rock : la programmation.
2016, pas une année des plus faciles
Selon François Floret (co-programmateur du festival avec Alban Coutoux) en interview dans My Band News, 2016 n’est pas une année des plus faciles : « Cette année, ça a été extrêmement compliqué. Nous avons eu le même problème sur l’édition d’hiver. Il a été difficile de trouver une cohérence globale.(…) Nous avons su doser et trouver des artistes un minimum connus pour permette d’assurer un minimum de public. Nous avons eu des problèmes de calendrier, de disponibilités et de cachet avec de nombreux artistes. »
Si on ajoute à cela, une annulation malvenue l’an dernier (faut-il rappeler la défection de Björk au dernier moment ?) « La soirée avec Björk était dix euros plus chère que les autres, pour compenser son cachet – on a donc remboursé pour ceux qui l’ont demandé ce surplus, soit un peu plus de 27000 euros. Certains spectateurs n’ont pas compris qu’on ne rembourse pas tout, car ils ne venaient que pour elle. Sauf que c’est un festival, il y avait sept autres groupes, et la soirée n’était pas annulée. On voulait être réglo par rapport à cette majoration de 10 euros, mais on ne pouvait pas faire plus. L’avance sur le cachet de Björk nous a évidemment été remboursée, mais notre assurance n’a pas pu fonctionner car elle n’a pas donné une raison garantie. (…) Il faut une raison médicale ou technique – auquel cas l’assureur aurait pu prendre en charge le remboursement des billets. On ne pouvait pas rembourser les gens sans l’argent de l’assurance, sinon on aurait déposé le bilan.(…) On a perdu 70 000 euros [l’an dernier], et encore ça aurait pu être pire. » (extrait de l’interview donnée par François Floret à Tsugi). Bref une seule solution pour continuer de maintenir le festival sur la crête des vagues du rock indé : « se refaire sur l’année qui suit, on n’a pas d’autre possibilité. » Mais sans pour autant sacrifier à cet ADN indé bien spécifique qui fait l’identité du festival breton.
ADN Indé & Indie
Souvent présenté comme le « dernier bastion des musiques indé » , la Route du Rock tente de préserver la spécificité du festival : un maximum d’indépendance, une programmation un poil atypique, cohérente, autour des musiques indés et surtout défendue par des passionnés. « Ce qui nous rend fiers, c’est d’avoir chaque année les moyens de préserver notre liberté, notre indépendance et de présenter sans aucune pression tous les artistes qu’on aime. Il y a encore de la place pour l’audace et les prises de risques. (…) Ceux qui viennent à la Route du Rock sont séduits par notre sincérité, notre honnêteté et notre originalité. C’est l’un des moments les plus magiques de l’été. Nous avons une programmation pointue, on ne va pas piocher partout. Il y a un esprit familial et on a tous la même passion dans les veines » conclut d’ailleurs François Floret.
On souhaite donc que cette vingt-sixième édition (collection été) d’un festival à qui on doit un nombre incalculable de moments précieux, qu’on a défendu bec et ongles et que l’on continuera à défendre, soit une immense fête musicale collective et joyeuse que tout un chacun puisse apprécier d’un bout à l’autre. Il semblerait bien que ça s’annonce dans ce sens avec une programmation musicale bigrement excitante pour tous ceux qui aiment garder les oreilles ouvertes.
Seuls sur le sable, (ou presque) …
Carte blanche à la Souterraine
Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 15h, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours à St Malo même (renommée Plage Swatch pour l’occasion) avec des dj sets et des concerts.
Cette année, le festival laisse carte-blanche aux essentiels La Souterraine, aka Benjamin Caschera et Laurent Bajon, défricheurs de gemmes souterraines chantées en français (et bien souvent sous-exposées), compilées, exhumées, cartographiées et mises en lumière avec amour (on vous renvoie aux différentes compilations -le volume 9 est sorti en mars dernier-, semi-volumes et autres éditions de covers ou d’artistes, qui naviguent avec un goût certain des irremplaçables Arlt à la minimal wave du Rennais Rouge-Gorge, des pataphysiques Aquaserge à Chevalrex… et bien sûr on en passe des pépites…). Assurant les mises en appétit journalières, le Mostla Soundsystem (émanation de la maison d’édition Mostla qui publie certains des artistes référencés par La Souterraine) lancera les premières ablutions avec des dj sets dès 15h. Tout ça, bien sûr, avant de vous étirer tranquillement sur votre serviette de plage au son de lives plus que prometteurs.
Aquagascallo
On commence dès le vendredi avec une poupée gigogne à barbe et moustache, Aquagascallo, autement dit trois Aquaserge (dont c’est le retour sur la plage de St Malo) Julien Gasc, Julien Barbagallo et Benjamin Glibert, héritiers directs de la scène prog-rock de Canterbury, et d’autres dérangés magnifiques (l’Art Ensemble de Chicago en tête, mais aussi Serge Gainsbourg ou Zappa bien sûr et on en passe) avec Aquaserge (4 albums derrière eux, dont le dernier en date A l’amitié est sorti en 2014), prouvant qu’il était possible de mélanger pop, jazz, prog, free ou kraut avec goût et talent. Mais également visibles ailleurs, en solo (on est par exemple très fan du Cerf, Biche et Faon de Julien Gasc autrement dit 12 titres doux amers et délicatement zinzins, arrangés avec une attention d’orfèvre) ou pas (Julien Barbagalo est notamment batteur de Tame Impala). Leur tout nouveau projet sort à peine des cartons, mais connaissant les qualités de ces trois Toulousains, la chaleur musicale dégagée par le trio devrait gagner sans peine la plage malouine.
Requin Chagrin
Le lendemain, c’est avec la chanson-pop ligne claire (un tantinet surf) de Requin Chagrin que vous pourrez piquer une tête et explorer les abysses malouines. Pas d’inquiétude, ce requin ne risque pas d’angoisser vos évolutions aquatiques, tant le groupe mené par Marion Brunetto (qu’on avait également vue avec Alphatra et The Guillotines) aime avant tout les guitares claires et la pop en français fraîche et lumineuse. Repérée par La Souterraine sur la foi d’un seul titre, aussitôt intégré dans leur compilation (le Volume 5 en janvier 2015), les compos s’étoffent en un premier album éponyme (en téléchargement sur la Souterraine puis en vinyle 10″ en édition limitée chez Objet Disque et au printemps en vinyle et numérique sur Almost Musique). Nul doute que le quatuor (en plus de Marion Brunetto, on y retrouve Grégoire Cagnat à la basse, Yohann Dedy aux claviers et Romain Mercier-Balaz à la batterie) devrait sans peine combler les amateurs de chanson pop lumineuse, à partager pourquoi pas en famille, les doigts de pied dans le sable.
Halo Maud
Le dimanche enfin, c’est avec Halo Maud que vous pourrez enchaîner les brasses et les dos crawlés. Nettement plus personnel, nous semble-t-il, le projet de la jeune femme qu’on a également pu voir avec Melody’s Echo Chamber, Moodoid ou plus récemment Marietta (mais également rappelez vous dans Myra Lee) permet à Maud Nadal d’explorer plus avant ses propres aspirations. Voix très haute, ambiances vaporeuses, oniriques et spectrales, la musique d’Halo Maud semble éminemment personnelle et donne envie de la suivre dans les dédales encore inconnus d’un premier album qui verra le jour, semble-t-il, à l’hiver et en cours d’enregistrement au studio Spectral. Avant cela, on est persuadé que le projet de la jeune femme trouvera un écho dans les vagues marines sous les remparts malouins pour le plus grand bonheur des festivaliers.
Et si on se tournait vers les Remparts ?
Pour ceux qui feraient leur baptême du feu à la Route du Rock cette année, commençons par cette petite précision nécessaire pour s’y retrouver : à la Route du Rock, il y a deux scènes : une scène principale, dite scène du Fort, et une plus petite où sont bien loin de ne jouer que les outsiders : la scène des Remparts (autrefois scène de la Tour).
Après des années de tâtonnements, d’essais, de déplacements, les organisateurs de la Route du Rock ont enfin trouvé LA formule parfaite. Plus haute, plus grande, au fond du Fort, face à la scène du Fort, la nouvelle disposition de la scène des Remparts est définitivement la bonne ! On y voit les groupes, la fluidité du public dans le Fort est excellente et elle permet au plus grand nombre de profiter des concerts qui s’y déroulent de la meilleure des manières. Et c’est tant mieux puisque cette année encore, pour rythmer non seulement l’arrivée des festivaliers mais aussi les petits coups de mou de la soirée, ce sont 9 groupes qui s’y donneront le tour.
Psychic Ills
Ce sont les Psychic Ills qui auront l’honneur d’inaugurer la scène avec le premier concert au Fort St Père le vendredi. Psychés rock, mais d’une fièvre brumeuse, comme leur patronyme l’indique, plutôt que kaléidoscopique, les titres du duo venu de New York devraient lancer en douceur cette nouvelle édition du festival. Le duo d’origine, composé de Tres Warren et Elizabeth Hart, a une douzaine d’années d’expérience au compteur et en est déjà à son quatrième long format. Inner Journey Out, sorti il y a tout juste deux mois n’est pas de ceux qui révolutionnent l’histoire du rock par son inventivité, et reste sacrément convenu (lenteur psychée, touche d’americana) mais se révèle plaisant à l’écoute. Assez en tout cas pour qu’Hope Sandoval (Mazzy Star) ait envie d’y poser sa voix sur un titre. Signé sur le label indépendant de Brooklyn, Sacred Bones Records pour ses deux derniers albums, le groupe devrait sans peine mettre les festivaliers sur les rails de cette première soirée.
Haelos
Pour faire une pause sous les étoiles le vendredi, les organisateurs parient sur le revival trip hop avec les Londoniens d’Haelos. Découverts en 2015 suite à un premier EP intitulé Earth Not Above, Haelos est un trio composé des musiciens Arthur Delaney et Dom Goldsmith et de la chanteuse Lotti Benardout (enfin les garçons chantent aussi), dont le premier album est sorti chez Matador cet hiver (Full Circle). Rythmiques entre électro et hip hop, basses lourdes et soul urbaine, la musique du trio lorgne davantage du côté de Jungle, voire de très loin dans le brouillard de XX, que des chantres du trip hop circa 90′ (Massive Attack, Portishead). On n’est sûrement pas les plus convaincus par l’ « euphorie sombre » que le trio souhaite provoquer (pas d’euphorie de notre côté), mais on a nul doute quant à l’enthousiasme que le trio pourrait susciter dans les rangs des festivaliers. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur souhaite.
Gold Panda
On sera sûrement pour notre part bien plus impatient de retrouver le sémillant Derwin Schlecker, aka Gold Panda, dont les circonvolutions électroniques IDM downtempo nous accompagnent depuis de nombreuses années. Développements tout en finesse, enchainement subtil de clicks et de cuts, ondulant de milles petites secousses, la musique languide et inspirée du garçon de l’Essex est de celle qui donne le sourire aux lèvres. Repéré tout autant par ses remixes bien inspirés (Caribou ou The Field en tête) que par ses productions (Lucky Shiner en 2010 -sur Ghostly International- a longtemps squatté nos platines) ou ses mixes (un volume Dj Kicks sur !K7 en 2011), Derwin Schlecker fait obligatoirement penser à son compatriote Four Tet tant les deux garçons partagent cette science des ambiances oniriques toutes en subtils rebondissements et cette ouverture toute aussi délicate aux influences orientales. En 2013, Gold Panda sort son deuxième album, Half Of Where You Live, encore chez Ghostly International, avec toujours cette science de la fluidité aérienne tout en crépitements. Son nouvel album, Good Luck And Do Your Best, sorti mai 2016 cette fois-ci chez City Slang (juste avant la sortie d’un ep surprise inspiré par le Brexit), s’inspirant semble-t-il de son récent séjour au Japon, est tout aussi réussi. On est donc ravi de retrouver le garçon aux premières heures du matin le vendredi. Sous les étoiles, ça devrait être bien chouette.
Ulrika Spacek
Le lendemain ce sont les Britanniques d’Ulrika Spacek qui mettront la soirée au Fort sur orbite. Et on a d’ores et déjà très envie de découvrir ces cinq garçons sur scène tant leur premier album The Album Paranoïa (sorti chez Though Love) nous a énergisé les esgourdes. Guitares, basse, batterie, avec trois six cordes qui tricotent ensemble, un sens de la mélodie qui accroche, un poil de fuzz et de dissonance, plein de reverb sur les voix et des couches de guitares en veux-tu en voilà sont la marque de fabrique de ces minots plein de talent. Si vous aimez en même temps Deerhunter, les boucles lancinantes des Black Angels, la jeunesse sonique, nul doute que vous apprécierez la bande menée par les deux Rhys (Rhys Edwards et Rhys Williams). Nous en tout cas, on a très hâte, d’autant que le groupe révèle un savoureux potentiel pour à la fois digérer ses influences et exceller lorsqu’il sort des chemins balisés. Vivement.
Exploded View
On sera tout autant ravi de retrouver Anika qu’on avait vue sur la scène du Fort accompagnée des musiciens de Beak> en 2011 avec son nouveau projet Exploded View. L’album paraîtra quelques jours après la Route du Rock (le 19 août sur Sacred Bones), mais les premiers titres disponibles sont bigrement alléchants. Alors, forcément, soleil dardant et doigts de pieds en éventail ne cadrent pas des masses avec Exploded View, mais ça tombe bien puisqu’ils joueront à la nuit tombante/tombée. La musique d’Annika Henderson fait en effet plutôt dans la noirceur hypnotique et désolée, avec ce timbre grave et hanté (entre Nico et Sybille Baier) et ce délicieux accent allemand (même si elle vient du Surrey, près de Londres, elle a une mère allemande : ceci doit expliquer cela). A côté d’elle cette fois-ci, on retrouve Hector Quezada, Hector Melgarejo et Martin Thulin (producteur de Crocodiles) délivrant un post-punk/no wave bien hypnotique et tout autant vénéneux. On souhaite en tout cas au groupe le même succès que celui qu’Anika avait remporté en 2010 sur la scène du Fort.
The Field
Pour nous catapulter jusqu’aux dernières heures de la nuit et jusqu’au dernier groupe de la soirée du samedi, on donne toute notre confiance à Axel Willner aka The Field qu’on suit depuis son premier album, From Here We Go Sublime (2004) sorti chez Kompakt. Mêlant à ses débuts étude académique de la musique et rage punk à la Dead Kennedys, le garçon se tourne peu à peu vers l’ambient à la guitare et le drone influencé par l’idm warpienne du milieu des nineties, avant de progressivement forger le son qu’il défendra sous son nouveau nom, The Field. De la techno ambient, marquée par un rythme robotique très kraut, en rotation constante et à l’hypnotisme vaporeux, particulièrement réussie. Après avoir beaucoup tourné en solo avec son laptop, le Suédois trouve finalement la formule étriquée et choisit d’intégrer d’autres musiciens en live. C’est ainsi avec une vraie batterie et trois acolytes qu’on le retrouvera sur la scène des Transmusicales 2009 pour Yesterday And Today (sur lequel se niche une étonnante reprise d’Everybody’s Got To Learn Sometimes des Korgis). Suivi en 2001 par Looping State Of Mind qui mêle lui aussi influences kraut des seventies, disco glacée (nappes entre Moroder et Carpenter) et minimalisme américain (Reich) puis Cupid’s Head en 2013, qui le voit retrouver la formule solo sans ses comparses Dan Enqvist, John Stanier et Andreas Soderstrom. L’album, moins kraut peut-être, y gagnera en complexité sur les textures. Paru au printemps, son cinquième album en date, The Follower, toujours sur les essentiels Kompakt affirme encore plus avant la volonté de brouiller les lignes entre expérimentation, dance musique et fluidité downtempo. On a en tout cas bien hâte de découvrir ce cinquième long format en live.
Morgan Delt
Le dimanche, la soirée commencera (et c’est tant mieux) sous des auspices californiennes avec Morgan Delt et sa psychée aussi biscornue qu’en apesanteur. Particulièrement réussi, le premier album du garçon sorti en 2014 sur le label Trouble In Mind (à qui l’on doit les disques de Jacco Gardner ainsi que certains Fuzz et Ty Segall) a le mérite de toujours dérober sous nos pieds ses mélodies troussées avec classe et arrangées avec luxuriance et de toujours accrocher durablement l’oreille. Bien sûr imprégné de tout le son west coast californien des sixties, le garçon semble tout autant proche des Byrds que d’un Tame Impala. Rien de nouveau sous le soleil, donc, si ce n’est que le garçon fait les choses bien et très bien et pourrait bien séduire un public de plus en plus nombreux. Son second album, Phase Zero, sortira quelques jours après la Route du Rock (le 26 août), sur Sub Pop cette fois-ci, et on espère bien en entendre quelques titres en avant première sur la scène des Remparts. En espérant que le Californien confirme les attentes que l’on place en lui.
Fidlar
On durcit un peu le ton avec les affreux sales et gentils skateurs punk de Fidlar (aka Fuck it dog life’s a risk) toujours prêts à en découdre et à pousser leurs potards sur 11. Oubliez la dentelle, préférez les postillons pour ce punk qui refoule du goulot et se joue crânement sur trois accords. Deux albums au compteur (Fidlar en 2013 et Too en 2015), des hymnes de cancres à chanter (pardon hurler) sur sa planche à roulettes et l’art de jouer des titres aussi efflanqués que décomplexés à toute berzingue devrait faire du concert des quatre Californiens un défouloir parfait pour lancer sous des auspices bien crades d’autres affreux sales et méchants de cette soirée (oui Fat White Family).
Sleaford Mods
D’autres punks bien plus rêches nous attendront également ce soir-là pour clôturer la soirée sur la scène des Remparts : un duo britannique avec un laptop et un micro pour cracher leur bile bien noire, entendez les lads contestataires de Sleaford Mods. Jason Williamson, devant, au spoken word écorché, trempant sa plume acérée à l’acide sulfurique pour écrire des textes à la rage sourde et tranchante, dézinguant impitoyable, les injustices sociales, avec un flow entre hip hop rêche et Mark E.Smith (The Fall) -en mieux- (oui, c’est un avis tout personnel). Derrière lui, Andrew Fearn aux machines, aligne les lignes hypnotiques et répétitives qui raclent là où ça fait mal, entre danse synthétique et hystérique, voire neurasthénique. Après 4 disques autoproduits, les deux gars de Nottingham (plus Robins urbains que shérifs, on l’aura compris) ont sorti trois albums sur Harbinger. Le dernier en date, paru en 2015, Key Markets, est dans la même veine que les précédents. Entre post-punk et hip hop : ça clashe, éructe, rogne, sur fond de réalisme social avec toujours cette dérision et cet humour (noir forcément) qui agissent comme du sel sur les chairs à vif. On a donc très hâte de découvrir le duo sur scène, tant la mandale qu’ils risquent de nous coller, tout en flegme désabusé, pourrait laisser des traces.
Conférence et Expo
Christophe Brault : la conférence
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils, vous aurez tout de même une belle alternative dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le samedi 13 août dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur RCR) qui se chargera de retracer en deux heures (avec la fougue qu’on lui connaît) l’histoire du shoegaze. Et sans jamais regarder ses pieds, s’il vous plaît. On sait que Christophe était particulièrement branché par cette noisy pop des late eighties/ début nineties et qu’il a une affection toute particulière pour certains de ses plus célèbres représentants : My Bloody Valentine, Ride, The Jesus & Mary Chain, Lush, Slowdive, … Guitares distordues, murs de son, voix noyées dans la reverb’ et regard rivé sur leurs pieds et leurs pédales d’effets : les shoegazers n’auront plus de secrets pour vous grâce à Christophe Brault.
Christophe Brault : le livre
Autre passion de Christophe Brault : le rock garage. Si la programmation (à l’inverse de l’an dernier avec Ty Segall/Fuzz ou Wand par exemple) ne lui laisse pas grand’ place cette année, Christophe saura pourtant le remettre au centre de nos préoccupations avec la sortie de son livre sur le sujet aux éditions Le Mot et le Reste, disponible en avant-première à la Route du Rock. Une présentation d’une centaine de groupes du genre, précédée d’une petite histoire du mouvement décortiquée avec le talent et la précision d’orfèvre qu’on connaît à Christophe (on en a lu quelques extraits, c’est passionnant) devrait sans peine intéresser nombre festivaliers.
Pour vous donner un aperçu, voici la présentation officielle : « Le rock garage se développe à partir de 1964 en réaction à la British Invasion des Animals, Rolling Stones ou Kinks des charts américains. L’inexpérience et la jeunesse des musiciens ainsi que leur manque de moyens les obligeront souvent à répéter et enregistrer dans le garage familial, donnant ainsi à leurs productions un son amateur, brut, sale, punk avant l’heure, que l’on baptisera garage. La démocratisation de cette méthode de production va permettre à des milliers de groupes de se former, certains d’entre eux obtenant même un hit inattendu. Le mouvement psychédélique et surtout le rock progressif mettront un terme à toute cette énergie qui réapparaîtra au début des années 1980 impulsant le courant « revival ». Une nouvelle génération (Crawdaddys, Chesterfield Kings) qui imitera dans un premier temps ses ainés avant de s’en émanciper totalement (Lyres, Miracle Workers, Cramps). Les décennies suivantes confirmeront la vitalité de cette scène qui s’étendra aussi largement en Europe et jusqu’à nos jours, le succès de la nouvelle scène garage française en étant la marque. Des Fleshtones à Ty Segall, des Fuzztones à Jay Reatard, le mouvement est devenu aujourd’hui incontournable pour tous les amateurs et autres défenseurs de guitares fuzz et d’orgues farfisa. »
A noter, donc, le livre sera en avant-première sur le stand du Mot et le Reste à la Route du Rock (la sortie officielle aura lieu le 18 août prochain).
Renaud Monfourny : l’expo
L’an dernier c’est le gentilhomme de l’argentique Richard Bellia qui exposait ses photographies sur le chemin descendant au Fort St Père. Cette année, les organisateurs, avec le soutien d’Agnès B. mettent à l’honneur l’un des membres fondateurs des Inrockuptibles, Renaud Monfourny auquel l’on doit certains des plus beaux portraits en noir et blanc des acteurs du rock’n roll (de près ou de loin) avec une vingtaine de photographies exposées sur le site du festival. Rappelant l’adage de Tati « Trop de couleur distrait le spectateur« , les images de Renaud Monfourny se font in situ, en noir et blanc, donc, et non en studio. De Patti Smith (avec ou sans fleur) à Nirvana dans les rues de Seattle, en passant par Nick Cave, Neil Young, Denis Hopper, Jim Jarmush (oui, on vous a dit Rock’n roll au sens large), Antonioni, Paul Auster, Eliane Radigue, les mains de Mark Lanegan, Sonic Youth (et on en passe des centaines) : Renaud Monfourny les a tous photographiés. Fréquemment exposées (notamment cette année à la MEP -Maison Européenne de la photographie-), récemment compilées dans un livre de portraits (Sui Generis) -du moins 131 d’entre eux- les images du photographe sont de celles qui marquent et frappent. A découvrir donc.
A noter, pour fêter les 30 ans des Inrockuptibles, en plus de cette exposition, le magazine présente une programmation spéciale ciné (de Mulholland Drive à Almost Famous en passant par Happy Together) au cinéma le Vauban 2 à la Grande Passerelle la semaine du festival. Vous pouvez la retrouver ici.
Pour les sportifs (pas nous)
Copacabana, le Maracana, c’est un peu ce que deviendra la plage de l’éventail le dimanche de 13h à 17h pour la dixième édition de Foot / Sport is not dead sur le sable malouin. Techniciens, bénévoles, festivaliers et organisateurs s’affronteront une nouvelle fois dans un tournoi de foot sur sable en 16 équipes.
Mais pas que puisque vous pourrez également participer à à des rencontres de Beach Rugby (ou Rug’Beach, on ne sait plus), à un tournoi de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?) ou même nouveauté pour cette année vous essayer au Beach Volley.
Et le tout bien évidemment aux sons des artistes du festival !
Une soirée apéro à La Nouvelle Vague pour ouvrir le festival
Pour débuter cette nouvelle édition en beauté, la team Rock Tympans vous propose de nouveau une première soirée en guise d’apéritif (burné) à La Nouvelle Vague dès le jeudi 11 août.
Usé
D’abord avec Usé, aka Nicolas Belvalette qu’on connaît aussi avec le quatuor de noise bruitiste volcanique d’Amiens Headwar (avec une musique qu’ils catégorisent eux même comme du Nuke, terminologie tout à fait adéquate pour leur post-punk-noise-indus déglingué pratiqué sur des instruments rapiécés de toutes parts qu’ils soumettent aux tortures les plus extrêmes. On doit notamment à Roulements de Tambours 2013 l’un de nos plus beaux souvenirs de cette ode jouissive au fracas, au Jardin Moderne, tout comme à l’association Tendresse et Passion en septembre dernier) mais également dans Les Morts vont bien, Hache tendre et Roberto Succo (entre autres !). A la Route du Rock, Nicolas Belvalette sera seul mais tout aussi tranchant. On le retrouvera avec Usé, son projet solo depuis 2011, dont l’album Chien de la casse est sorti en avril sur Born Bad. Entre mouvance industrielle, ADN punk-hardcore chevillé aux artères, chant en français qui fait rimer piaule et gnôle (Sous mes draps) et instruments bricolés (guitare-cymbale par exemple) frappés, concassés à qui mieux-mieux, la musique d’Usé donnerait quasi envie de danser comme un zombie sous Amphétamine dans une cave glacée d’Amiens. Rythmique carrée et martelée, devenant très vite hypnotique, synthé qui dégueule et énergie proche de la fission : on risque bien d’en prendre une bonne ce jeudi soir à la Nouvelle Vague.
On vous conseille au passage la lecture de la pas triste interview de Usé dans le second numéro de la revue Barré. Suite à la décision de fermeture de l’Accueil Froid (une salle de concert autogérée à laquelle il participait), il a décidé de se présenter à Amiens aux élections régionales en fondant le Parti Sans Cible. On vous invite notamment à découvrir le superbe programme de campagne dont voici quelques exemples de propositions histoire de vous appâter : Rapprocher le Terre du soleil à partir de septembre pour éradiquer l’hiver, Élargir le créneau horaire de l’apéro, Gratuité dans les magasins ouverts le dimanche, Acheter une DoLoréane pour pouvoir revenir sur nos erreurs…
La Colonie de Vacances
Le même soir, on risque bien de perdre tout autant de litres de sueur avec l’excitant projet de quatre de nos groupes préférés, entendez Papier Tigre, Pneu, Electric Electric et Marvin réunis sous l’entité La Colonie de Vacances (la colo, pour les intimes) dans son dispositif plutôt unique et bien barré. Autrement dit 4 groupes sur 4 scènes distinctes qui jouent en même temps et le public au milieu (chacun pouvant donc choisir de se planter au beau milieu ou de se balader de scène en scène au gré du concert). Pour ceux qui auraient manqué le début : à la fin d’un festival à Tilburg, les quatre groupe pré-cités se retrouvent en fin de concert et comme ils sont déjà potes, se proposent de faire une tournée à quatre (qui aura également lieu, pour la petite histoire). Là-dessus, Rubin Steiner leur souffle l’idée d’un concert à quatre en même temps, en mode « jukebox ». La colo est lancée. Pendant quatre ans, les 11 compères jouent ainsi sur quatre scènes entourant le public et proposent un set en même temps composé de parties écrites ensemble et des morceaux de chacun revisités en mode colo. Et ce sur toutes les scènes de France, de Navarre et d’un peu plus loin.
Crédit photo : ©Romain Etienne
L’an dernier, c’est avec une nouvelle collaboration que reviennent les joyeux drilles, entendez avec Sieur Greg Saunier (des inégalables Deerhoof) auquel la joyeuse troupe a demandé de composer une pièce pour la Colo. Autrement dit 26 courtes parties combinées les unes aux autres dont l’interprétation est laissée libre aux quatre groupes. L’expérience fut particulièrement fructueuse, et permit à toute la bande d’évoluer dans sa façon de composer ensemble. La fine équipe s’est donc retrouvée en mars dernier pour donner naissance à une nouvelle création. Dire qu’on en attend du très lourd et du plus que finement ciselé résumerait bien la tension que ces pieds nickelés qui fracassent les codes et nos esgourdes parviennent à créer. Définitivement, une expérience live à ne manquer sous aucun prétexte.
Bastions rock au Fort St Père : retours gagnants sur la scène du Fort
Bon, la Route du Rock met peut-être le mot « rock » en avant, mais c’est bien sous toutes ces formes qu’il faut prendre l’acception, du garage au psyché, de la pop au lo-fi, du shoegaze à l’électro-pop et on en passe, comme vous avez pu sans peine le remarquer. Dans la programmation de cette année, une tripotée de groupes revient sur la scène du festival, bien souvent après avoir laissé des souvenirs indélébiles de leur prestation les éditions précédentes.
Savages
Après un concert tellurique l’an dernier, le retour du rock frontal et dégraissé jusqu’à l’os des Savages fait saliver moult festivaliers pour qui ce concert était l’un des meilleurs de la dernière édition. On se souvient que Savages étaient venues à la Route du Rock en 2012 auparavant mais également qu’elles ne nous avaient pas laissé un souvenir impérissable. Pourtant l’année suivante, après la sortie d’un premier Lp sur Matador Silence Yourself (2013) la bande des quatre menée par Gemma Thompson et Jehnny Beth avait sacrément gagné en épaisseur et nous avait plus qu’agréablement surpris avec un live particulièrement intense à l’Antipode, nous forçant à revoir humblement notre copie.
Le concert sur la scène de Fort de l’an dernier acheva de lever les quelques doutes qui subsistaient. Il faut dire que le quatuor avait entamé la partie pied au plancher à coups de basse retorse et massive et de guitare bien vrillée, mené par une Jehnny Beth au jeu de scène intense et habité. Entre danse haletante et frénétique, chant a capella, donnant sans conteste de sa personne, quitte à laisser ses escarpins sur la scène pour plonger au milieu d’un Fort chauffé à blanc (au grand dam de la sécurité), la frontwoman avait parfaitement orchestré un moment à l’intensité ravageuse. Tout au long du set, les quatre mercenaires avaient déroulé les titres sans rien lâcher, laissant dans leur sillage, une traînée de poudre. Noire. Musicalement, entendons nous bien, toujours rien de nouveau sous le soleil (charbon), mais une belle maîtrise scénique gagnée. Depuis, un second album d’une belle cohérence, Adore Life (janvier 2016, Matador), est venu graver dans le marbre des titres qu’on avait l’impression de déjà bien connaître. L’an dernier, les Savages étaient venus au Fort en conquérantes. Elles y reviennent cette année en terrain d’ores et déjà conquis.
The Fat White Family
Autre retour au Fort St Père donné gagnant, celui des sales gosses de The Fat White Family, un rien plus hirsutes et dépravés. La preuve : un frontman qui finit certains concerts nu comme un ver, une banderole qu’ils auraient tendu chez eux le jour de la mort de Margaret Thatcher « The Bitch is Dead ». Bref, une réputation de dézingués sans foi(e) ni loi pour le sextet cockney auteur d’un Champagne Holocaust à la pochette iconoclaste. On était (contrairement à beaucoup beaucoup d’autres) resté plutôt de marbre face au punk rock gras de ces brixtoniens en 2014. La sortie en 2016 de Songs for our mothers (sic!) sur Without Content n’est pourtant pas des plus pénibles et si le soufre musical est plutôt frelaté, les garçons continue d’y aller fort. Et débile : Whitest Boy On The Beach mis en images, montre la bande trash jouant à se torturer le cuir chevelu en uniformes militaires dépareillés dans un paysage mêlant blockhaus glauque, barbaque suspendue et falaise de craie, avant de cramer l’un des leurs dans un four, n’en laissant qu’os et cendres… Bigre.
Suuns
Dans la famille retour au Fort, on retrouvera également avec un immense plaisir les Montrélais de Suuns, qui après un Zeroes Qc (2010) et trois passages malouins remarqués (le dernier en date en 2013 pour défendre leurs Images du Futur -même année toujours sur Secretly Canadian- devant un public du Fort chauffé à blanc par une prestation incandescente et dérangée), viendront de nouveau asséner à nos oreilles extatiques leurs mélodies à la froideur clinique et à l’urgence habitée. Ambiances d’apocalypse glacée, tendues de noirceur electro-pop, sombres et tétanisées : les morceaux de Suuns sont des sommets de rock malade et blafard, d’électro vénéneuse et de post-punk obsédant. Après une (excellente) collaboration avec Jérusalem in my heart en 2015, les Canadiens remettent le couvert en quatuor cette année en sortant le très réussi Hold/Still (Secretly Canadian), alternant 11 pépites tour à tour malsaines, vénéneuses et magnétiques. On se souvient qu’en live, les Suuns n’hésitent pas à délivrer des sets exigeants, ne cédant en rien à la facilité, et osent les sonorités dissonantes. Leur groove ralenti, les textures magmatiques qui affleurent sous la lave du chant susurré de Ben Shemie, et cette tension à la limite, toujours, d’avant l’explosion devraient donc une nouvelle fois faire du concert des Canadiens un grand moment de rock distordu, malade. Et essentiel.
Battles
On poursuit avec les habitués, avec le retour de Battles sur la scène du Fort St Père. Devenu trio depuis le départ de Tyondai Braxton avant la parution de leur troisième album Gloss Drop, les Battles gardent un souvenir ému de leur dernier passage à la Route du Rock (en 2011) : « Notre concert à la Route du Rock reste un excellent souvenir. Ça fait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé. A vrai dire je pense même qu’il s’agit d’un de mes meilleurs souvenirs depuis notre concert dans un restaurant à Chicago, il y a longtemps » , confiait le bassiste Dave Konopka à New Noise au moment de la sortie du quatrième album du groupe La Di Da Di (toujours chez Warp, en 2015). Il faut dire que la présence scénique du trio, passant pourtant pas mal de temps penché à trifouiller des boutons, était juste fascinante, notamment l’ambidextrie virtuose d’Ian Williams aux claviers/guitare ou l’impériosité d’un John Stanier aux fûts, bien calé sous sa cymbale perchée en haute altitude. Leur math-rock atmosphérique et aventureux, rehaussé à grandes louches de synthés avaient su convaincre un Fort trempé mais extatique et sautillant.
Crédit photo : ©Grant Cornett
Si leur quatrième album en date (on imagine qu’avant Mirrored -2007, Warp-, EP C/B EP, autrement dit la compilation des deux premiers EP et du single Tras -2006- compte comme un album) a peut-être rencontré moins d’unanimité que les précédents, mais se révèle pourtant écoute après écoute. Pas de tubes ici (l’absence d’invités vocaux faisant de cet album un opus uniquement instrumental y joue peut-être sa part), mais toujours cette science de la construction poussée à son paroxysme, cette richesse des textures et des rythmiques (les parties de batterie de Tricentennial ne sont pas le fait d’un manchot !) travaillées dans les moindres détails. On a donc bien hâte de retrouver les trois garçons sur scène, curieux de voir quelles dimensions ces nouveaux titres prennent en live.
Belle and Sebastian
Dix ans après son précédent passage à la Route du Rock (lors de l’édition 2006, alors qu’Isobel Campbell, qui avait déjà quitté le groupe, était pour sa part programmée au Palais du Grand Large) et 20 ans (quasi) après ses débuts, Belle and Sebastian devrait une nouvelle fois ravir les festivaliers. On se souvient d’un début de soirée enchanteur, illuminé par le polo blanc étriqué et la guitare folk de Stuart Murdoch : l’indie pop toujours classieuse du groupe de Glasgow avait fait mouche et on est ravi de retrouver le groupe sur scène.
En 20 ans d’existence, les Écossais ont publié neuf albums studio, des intemporels Tigermilk et If you’re feeling sinister (1996) puis The Boy with the Arab Strap (1998) chefs d’œuvre aux guitares rondes, aux arrangements souples tout en légèreté et aux textes cisaillés, jusqu’au tout dernier long format en date, qui prend un étonnant virage dansant (Girl In Peacetime Want to Dance, 2015).
Planquant ici des arrangements de cordes à la Jean-Claude Vannier circa Melody Nelson (Don’t live the light on, Baby sur Fold your hands child, you walk like a peasant -Jeepster Recordings 2000), là du Love sur le refrain (Black and White Unite sur la bande originale avortée Storytelling – 2002) ou dans des violons surgissant (Dear Catastrophe Waitress sur l’album du même nom – le premier sorti chez Rough Trade en 2003), les Écossais restent surtout un groupe aux mélodies et aux harmonies cristallines, aux décors ensoleillés, vaporeux et cotonneux et aux superbes artworks. La transparence et la fluidité des Belle and Sebastian prenant parfois, il est vrai de surprenants atours comme sur Girl In Peacetime Want to Dance, dernier album en date qui fait des détours osés par une instrumentation eurodance (comment Sylvia Plath se trouve mêlée à cette chevauchée synthétique dégoulinante, on se le demande encore !) mais dont le passage sur la scène devrait faire danser les festivaliers. Comme l’avouait Suart Murdoch au Guardian : « Stevie wants to be in the Velvet Underground, Bob [Kildea, bass] wants to be in the Rolling Stones and I want to be in Abba.” Tout est dit !
Minor Victories
Bon, on triche un peu parce que ce groupe en tant que tel, Minor Victories, ne s’est jamais produit sur la scène du Fort, mais deux de ses membres, si ! Stuart Brainwaithe avec Mogwai d’une part. Rachel Goswell dont la classe et le sourire avaient charmé le Fort St Père tout entier avec Slowdive, d’autre part. Pour les accompagner on retrouve également Justin Lockey des Editors et James Lockey, son frangin, qu’on connaît avec Hand Held Cine Club. C’est d’ailleurs le guitariste des Editors qui a initié le projet, cherchant une voix féminine pour un ep un peu noisy.
Bref : composé à quatre, à distance, avec pas mal d’allers-retours par mail, ce premier album (finalement, le projet a évolué) sorti au printemps dernier allie chant éthéré particulièrement addictif, progression toute cinématographique -voire parfois épique-, guitares tour à tour sombres ou aériennes, avec parfois des parties de cordes vaporeuses. Sur un titre, Mark Kozelek, l’ex-leader des Red House Painters/Sun Kil Moon (qu’on a pu voir l’an dernier à la collection été à la Nouvelle Vague) mêle sa voix à celle de la chanteuse Rachel Goswell pour un duo inattendu (les deux artistes ont néanmoins déjà collaboré à l’occasion d’un album hommage à John Denver-2000) mais réussi (For You always) qui offre une nouvelle couleur à la palette de Minor Victories. Quelques titres plus tôt, c’était James Graham (de The Twilight Sad) qui venait apporter un contrepoint vocal à la chanteuse de Slowdive sur Scattered Ashes (Song for Richard). Au final, l’album est particulièrement cohérent, abouti, même si parfois un poil grandiloquent, et on a très hâte d’en découvrir l’interprétation live par ce quatuor de choc (qui a dit supergroupe ?) sur la scène du Fort. D’autant que ce sera la première date française pour le collectif.
Kevin Morby
Kevin Morby, vous l’avez peut-être déjà aperçu sur la scène de la Route du Rock collection été, à la basse de The Woods en 2013 (et aussi un peu à l’harmonica). Ou bien l’avez-vous découvert en co-frontman dans son second projet, The Babies, formé également à Brooklyn, mais avec la guitariste des Vivian Girls, Cassie Ramone. Sur la scène du Fort, c’est cette fois-ci avec son projet solo, sous son nom, que vous retrouverez Kevin Morby, juste après son passage à la Route du Rock d’hiver en février dernier à l’Antipode MJC.
Crédit photo : ©Dusdin Condren
Bassiste par accident dans Woods, c’est à la six-cordes que le garçon s’illustre sur son premier album solo, Harlem River, sorti en 2013 (Woodsist). Hommage à New York qu’il a quittée pour la Californie, Harlem River est un fort honorable premier essai en huit titres de folk racée, arrangée avec talent. L’instrumentation résolument sixties (pedal steel, orgue Hammond), quelques accents à la Leonard Cohen plus loin (Sucker in the Void) voire Dylaniens (mais des débuts du sieur Zimmerman) donnent au disque un surcroit d’élégance pourtant jamais surannée. Huit morceaux à la délicatesse lumineuse et contemplative, pas chiants pour deux sous, belles compos au raffinement classieux d’un songwriter prometteur. Sur un titre (Slow Train), la voix chaude et grave de Cate Le Bon apporte même un contrepoint parfait à la voix légère de Morby. Un ep lo-fi de folk boisée My Name, tout en arpèges acoustiques, est d’ailleurs venu confirmer le talent du jeune homme pour trousser de jolies perles. A sa suite, deux longs formats, Still Life (Woodsist en 2014) puis le très réussi Singing Saw (Dead Ocean) sorti au printemps dernier voient le jour, avec toujours, un songwriting ciselé et des arrangements particulièrement léchés (la scie musicale, justement qui donne son titre à son dernier effort, cuivres et cordes ailleurs, parfaitement dosés). Ne s’interdisant pas de faire écho aux réalités sociales du présent (I Have Been To The Mountain rappelle la mort tragique d’Eric Garner, Afro-Américain tué lors de son arrestation par la police new yorkaise en 2014), le garçon continue pourtant d’enfiler les chansons intemporelles comme peu peuvent s’en targuer.
Julia Holter
On avait manqué Julia Holter sur la plage en 2013, mais c’est cette fois sur la scène du Fort qu’on retrouvera l’Américaine et c’est tant mieux. Autant le dire, on a d’abord été étonné de l’engouement particulièrement unanime qui a accompagné la sortie de son dernier album en date Have you in my wilderness (Domino, 2015) qui s’est retrouvé dans la majorité des tops de l’année passée. Non du fait de la qualité de l’album, tout au contraire, c’est une réussite éclatante. Mais parce que si l’on peut comprendre l’adhésion d’une grande partie du public au disque par son accessibilité immédiate (à l’inverse des précédents longs formats de la jeune femme), on a pour notre part suivi année après année un parcours plutôt tourné vers la recherche, l’expérimentation ; pas particulièrement évident dans son approche.
Crédit photo : ©Tonje Thilesen
Plus tournée vers les concepts albums, la littérature et la poésie, la folk électro hantée des débuts de la jeune femme évoque ainsi davantage les Wurthering Heights (Kate Bush cherchant Heathcliff) ou le tendre fog londonien d’un Stereolab que la Californie rayonnante d’où elle vient. Avec en plus cette approche expérimentale (Laurie Anderson ou Nico Mulhy, très loin dans le brouillard), un intérêt pour Euripide revendiqué (Tragedy, 2011 s’inspirait de la pièce Hippolyte, le second Hekstasis, 2012, retourne dans la Grèce antique) tout comme pour Colette (Gigi, l’une des nouvelles de l’écrivain français servant de point de départ à l’écriture du déjà très bon Loud City Song, transposant l’histoire de ce Paris du siècle dernier dans le Los Angeles contemporain), la musique de Julia Holter ne semblait pas faite pour la désigner comme nouvelle égérie pop. Pourtant lorsqu’on ré-écoute Loud City Song avec attention, on y décèle désormais les germes en devenir de la pop luxuriante, baroque, ingénieuse, immédiate, sensible, expérimentale et ciselée qui ont éclot avec flamboyance sur Have you in my wilderness. Peut-être que la collaboration, déjà, avec Cole M. Greif-Neill l’explique un peu.
Feu d’artifice pop, flirtant avec le jazz (Vasquez), éblouissant par la richesse de ses timbres, de ses textures, marqué par un songwriting étincelant, multipliant trouvailles époustouflantes, qu’elles soient mélodiques (ah ces ponts sur Silhouette, ce refain sur Night Song), harmoniques, de voix enchevêtrées ou d’instrumentations (les cordes soudain tournantes et inquiétantes d’How Long ?, les échos de cathédrale, le clavecin de Feel You, la rythmique sautillante piano/batterie d’Everytime Boots et on en passe une palanquée), ce dernier album en date semble toujours aussi inépuisable à l’écoute. On garde donc jusqu’aux doigts de pied croisés pour que cette cathédrale pop se révèle aussi éblouissante en live que sur album.
Tindersticks
On finit (pour aujourd’hui !) avec des anciens, déjà passés par deux fois à la Route du Rock (en 2008 et en 2011), avec 25 ans d’existence à leur actif et pas moins de 10 albums. Les Tindersticks font donc forcément figure de légende du spleen contemplatif à l’élégance classieuse. Leur premier album, sorti en 1993 avait, on s’en souvient, suscité un immense engouement avec ses orchestrations délicates, sa classe intemporelle et le timbre de crooner brisé de Stuart A. Staples. L’intérêt des mélomanes et des fans se trouvant ensuite constamment renouvelé au fil de sorties de disques toujours marqués par des ballades rock rêveuses, graves et atmosphériques, à l’instrumentation particulièrement soignée, et ce malgré une pause de quatre ans entre 2003 et 2007.
Crédit photo : ©Richard Dumas
C’est donc avec leur dixième album studio que les Tindersticks reviennent à la Route du Rock. Pour accompagner la sortie de ce dernier long format The Waiting Room (janvier 2016 sur City Slang), les musiciens ont accepté un projet de film collaboratif : The Waiting Room Film Project où chaque chanson est accompagnée d’un film, « une interprétation visuelle et personnelle » de l’univers des Britanniques. On y retrouve par exemple Claire Denis (qui avait auparavant choisi Tindersticks pour écrire les b.o. de cinq de ses réalisations) Christoph Girardet, Gregorio Graziosi, David Reeve, ou Rosie Pedlow et Joe King -ci-dessous-… Les amours cinématographiques du groupe se trouvant également mises en exergue dès l’ouverture du disque avec cette reprise du thème de Mutiny on the Bounty sur l’instrumental Follow Me. Mais il serait réducteur de limiter ce nouvel album aux ambiances cinématographiques en clair obscur qu’il dessine. D’une part parce qu’il ressuscite la voix de Lhasa, décédée en 2010, le temps d’un duo sur Hey Lucinda, retravaillé à partir d’une vieille démo (a priori quitare/voix), pour un moment forcément émouvant. D’autre part parce qu’il frotte, sur un autre duo, la voix sépulcrale de Stuart A. Staples à celle de Jehnny Beth (des Savages dont on vous parlait plus haut) sur un We are Dreamers ! tout en tension. Plus tôt aussi, parce qu’il se permet des cuivres afro-beat sur un Help Yourself particulièrement addictif. Autrement dit, si Tindersticks continue d’avoir un son immédiatement reconnaissable, si le groupe continue de creuser le sillon d’un spleen orchestré avec élégance album après album, il n’en a pas moins encore des choses à dire.
Bastions rock au Fort St Père : les petits nouveaux (!?)
Dans la programmation de cette année, une tripotée de groupes revient donc sur la scène du festival. Pour d’autres, c’est le baptême du feu à la Route du Rock. Enfin certains sont quand même des vieux de la vieille…
Lush
Les organisateurs continuent de faire plaisir à leurs plus vieux fans, puisqu’après My Bloody Valentine dont la puissance sonique dévasta les oreilles 20 km à la ronde du Fort St Père en 2009, la très chouette prestation de Slowdive en 2014 et celle de Ride (on a été un tantinet moins convaincu) l’an dernier, ils choisissent d’inviter l’un des autres fleurons du shoegaze circa nineties avec les tout aussi mythiques Lush.
Dès 1987, les futurs membres du groupe se rassemblent autour du projet Baby Makers avec Meriel Barham au chant. Mais cette dernière les quittant (pour rejoindre les Pale Saints peu après), ce sont Miki Berenyi et Emma Anderson, les deux guitaristes, qui doivent prendre le chant à leur compte (chacune interprète les paroles qu’elle a écrite). Accompagnées par Chris Acland à la batterie et Steve Rippon à la basse, les deux miss marquent la presse par leurs prestations scéniques et les quatre enregistrent rapidement un premier mini-album Scar (1989) qui sort chez le déjà culte 4AD.
Guitares saturées, empilées en couches et chant éthéré forgent d’ores et déjà l’identité sonique du groupe. Leur second long format, Spooky, premier véritable album, paru en 2012, toujours sur 4AD, sera produit par Robin Guthrie des Cocteau Twins (il a déjà produit leur ep Mad Love en 1990). On y retrouve ce mur de guitares cher au co-fondateur des Cocteau Twins, avec des couches de six-cordes enchevêtrées, tour à tour claires ou brumeuses, grondant d’orages électriques larvés sur lesquelles viennent flotter les voix aériennes des deux jeunes femmes. La même année, Steve Rippon quitte le groupe pour être remplacé par Phil King (qu’on connaissait avec The Felt entre autres) à la basse.
Après Split (1994), qui ne se démarque pas assez du son caractéristique du groupe, selon la presse de l’époque, mais qui 22 ans plus tard enchante toujours l’oreille, le dernier album des Britanniques, Lovelife (1996) séduit par son dynamisme et sa variété. Cette fois-ci, le son est plus britpop que shoegaze : en témoignent le single sautillant Single Girl ou le duo partagé avec Jarvis Cocker de Pulp Ciao ! Malheureusement, la même année, le batteur Chris Acland se pend dans le jardin de la maison de ses parents, mettant un coup d’arrêt brutal à la carrière du groupe.
Jusqu’à l’annonce de sa reformation en septembre 2015, marquée par la réédition des galettes des Britanniques dans un coffret par 4AD… Lush en trio, accompagné désormais du batteur d’Elastica Justin Welsh sur scène, s’offre même le plaisir de sortir un nouvel ep, Blindspot, en avril dernier, mené par le single Out of Control, véritable canon noisy-pop canal historique. On leur souhaite en tout cas le même succès sur la scène du Fort que celui de Slowdive il y a deux ans.
Luh
Une lettre en moins (et pas mal d’années aussi !) pour le duo Luh (autrement dit Lost under Heaven), entendez le projet du chanteur des feus Wu Lyf, Ellery Roberts, avec son amoureuse Ebony Hoorn, qu’il a rejointe à Amsterdam.
Leur premier album Spiritual songs for lovers to sing, dont l’ambition est de mettre en exergue la force et la puissance de l’amour (sic) ne se distingue pas par sa subtilité. Voix rocailleuse dans l’excès constant, gros coups de batterie clinquante gonflée de réverb’ (Unites), production plus blockbuster que Lynchienne, dégoulinades de claviers, de bons sentiments, timbre rauque sur violons baveurs, hymnes boudinés pour stade : le duo ne nous épargne rien (Soro combine en 6 minutes tous les poncifs du pire mauvais goût, y compris -oui, il a fallu nous pincer pour y croire- un détour à 180BPM pour se donner un petit côté ravey). Et à l’inverse de l’unanimité (assez hallucinante) des chroniques qu’on a pu lire, on est bien loin d’être convaincu.
Seules respirations, Future Blues et Loyalty, centrées sur la voix d’Ebony Hoorn, sans être le moins du monde originales, apportent un répit bienvenu. On n’est pas gentil mais s’infliger l’écoute entière de cette scie écœurante de bout en bout a été une torture plus qu’éprouvante. On nous avait promis des morceaux déchirants. Nos tympans saignent en effet. On vous laissera donc aller les écouter en live sans nous et on vous laisse juge.
Jagwar Ma
Remplaçant les Australiens de The Avalanches au pied levé (puisque contraints d’annuler leur tournée pour des soucis de santé), Jagwar Ma devrait clôturer le festival de la meilleure des manières avec son éléctro-pop-psychée ultra efficace.
Suite à la sortie de son acclamé premier album Howlin qui marqua l’année 2013, le trio de Sydney reviendra à l’automne avec un second long format, Every Now & Then, très attendu. Il faut dire que les Australiens ont converti en or massif les 11 titres de leur premier long format, parvenant à leur insuffler tout en même temps le souffle aciiid du Madchester des 90’s, les hymnes solaires et les mélodies pop imparables de la Californie des sixties, des rythmiques rondes et baggy dégoulinant de groove, surfant sur les vagues cotonneuses éblouissantes du psyché australien (mode Tame Impala), voire même des mantras d’électro répétitive irrésistibles pour les jambes (Gui Borrato, …). Le premier single, OB1, annonçant le nouvel album, a d’ores et déjà ravi les aficionados, et devrait de la même manière propulser sans peine les festivaliers sur le dancefloor malouin. Si vous ajoutez à cela une belle réputation scénique, avec des prestations à l’efficacité euphorique, nul doute que le trio devrait conclure cette 26ème édition de la Route du Rock collection été de la plus belle des manières.
La Femme
On ne sait pas trop quoi penser de La Femme. On ne peut pas dire que la musique des Biarrot-parisiens menés par Sacha Got (à la guitare) et Marlon Magnée (aux claviers) soit particulièrement notre came. Ni que leurs attitudes de branleurs (réelles ou pas) leur confèrent une quelconque épaisseur à nos yeux. Mais force est de reconnaître qu’il s’agit désormais de l’un des groupes français les plus adulés de sa génération dont les comptines d’électro surf yéyé un rien destroy sont devenues des hymnes imparables pour pogoter devant la scène, danser nu sur le sable, glander, fumer ou picoler avec les potes. Et cela dès la sortie de leur premier tube surf, Sur la plage, en digital chez les Brestois de Beko (avec aussi La femme ressort et Françoise), suivi par deux singles physiques en 2011, à l’artwork censuré (un hommage à L’Origine du monde de Courbet), tout aussi plébiscités. Idem avec La Femme en 2013.
Mais c’est avec leur premier album Psycho tropical Berlin (autrement dit rythmique binaire sèche –Berlin-, nappes psychotropes –Psycho– fun solaire et déconne –Tropical-), dont la sortie est particulièrement saluée par la presse, que La Femme dévoile un peu plus de son épaisseur, certes branchouille, mais réelle si l’on en croit la densité de ces quinze titres qui partent dans tous les sens, mais affichent pourtant une belle cohérence, glissant d’un surf retors (Amour dans le Motu), à un hommage gainsbourgien appuyé (Hypsoline), d’un concert de klaxons sur le bien nommé Antitaxi au yéyé dingo La femme ressort jusqu’au frenchy but chic Si un jour, et on en passe. Le tout chanté en français comme Elli avec Jacno ou la minimal wave décomplexée des eighties (Deux, Ruth, Marie et les garçons…).
Alliant les références synthétiques frenchies des 80’s aux guitares surf sixties, le tout, encore, à une énergie débridée et bien foutraque, La Femme a trouvé son identité. Et un public. Prêt à le suivre les yeux fermés sur un second album, à venir en septembre, mais dont le tubesque et élastique Sphinx sert déjà de point de ralliement. Leur live, si l’on a tout compris, devrait déjà d’ailleurs proposer quelques-uns de leurs nouveaux morceaux.
La nuit sur le Dance-Fort
Si certains s’étonnent encore (!) qu’un festival indie-rock propose une programmation électro (notamment pour réchauffer les festivaliers lorsque la fraîcheur nocturne tombe sur le Fort), la majorité du public en redemande. En sus des groupes dont nous avons déjà parlé plus haut (Battles, par exemple, sait donner des fourmis de feu dans les gambettes des festivaliers, mais aussi Gold Panda ou The Field), on retrouvera ainsi plusieurs groupes ou artistes destinés à propulser tout le monde sur le Dance-Fort.
Pantha du Prince
On n’a pas vraiment de recul avec le producteur allemand Hendrick Weber, aka Pantha du Prince, dont on suit chaque sortie discographique avec un plaisir toujours renouvelé depuis ses tout débuts sur le label de Lawrence, Dial. On est bien conscient que la musique de l’Allemand ne peut pas combler toutes les oreilles, mais pour notre part on est vraiment fan. Depuis, donc, les sorties de Diamond Daze (Dial, 2004) et This Bliss (Dial, 2007), merveilles d’électro house cristalline et de techno ambient irrisée, qui n’ont jamais quitté nos platines (This Bliss surtout).
Toujours, ensuite, avec le tout aussi excellent Black Noise sortant cette fois-ci de façon plutôt inattendue chez les Anglais de Rough Trade. Avec ce troisième long format enregistré dans les Alpes suisses, Pantha du Prince s’est inspiré du bruit noir, ce son imperceptible pour l’oreille humaine, qui résonne juste avant les catastrophes naturelles (tsunami, tremblement de terre…) et de l’angoisse qui en découle. La pochette de l’album (une peinture d’un village paisible au bord d’un lac tout aussi idyllique) venant jouer sur cette même peur : ne croyez pas ce que vous voyez. C’est d’ailleurs près des ruines d’un village englouti il y a deux cents ans par un glissement de terrain qu’Hendrick Weber aurait mis en forme ce troisième album. D’une cohérence et d’une richesse majestueuse, ce diamant brut mélangeait sons organiques enregistrés dans la nature et textures synthétiques modulées avec un talent d’orfèvre. On y retrouvait également la voix de Panda Bear d’Animal Collective sur l’envoûtant et imparable Stick to my side. La relecture de certains titres de l’album par Moritz von Oswald, Lawrence, Efdemin ou Four Tet notamment, sur XI versions of Black Noise, s’avéra elle aussi passionnante.
On a ensuite retrouvé Pantha du Prince pour une collaboration expérimentale sur Elements Of Light (Rough Trade, 2013), étonnant album réalisé avec le collectif de percussionnistes fondus de cloches et de tout ce qui tinte The Bell Laboratory, avant son retour en solo cette année. Enfin pas vraiment en solo en réalité puisque pour son nouveau projet, Pantha du Prince s’associe avec son vieil ami Scott Mou et le batteur et compositeur norvégien Bendik Hovik Kjeldsberg pour former Pantha du Prince feat The Triad, collectif à l’univers visuel psychédélique minimaliste et dont la musique est toujours autant destinée au dancefloor qu’à l’écoute solitaire. Tout aussi rêveuse cette électronique shoegaze aux voix vaporeuses mixées en arrière fond se propose tout autant de vous emmener sur la piste les bras en l’air (Lichtersmaus, Chasing Vapour Trails) que de vous laisser hypnotiser par des paysages hivernaux (You What? Euphoria, The Winter Hymn).
Nous n’avons lu que des bons échos des performances visuelles et musicales de la Triade, mais à la Route du Rock, si l’on en croit le programme c’est en solo (pour un live vidéo & audio) que se produira Pantha Du Prince. Peu importe, on garde toute notre confiance au musicien pour transformer les pistes de son album en techno sensuelle et hypnotique.
Rival Consoles
On poursuit avec le Londonien Ryan Lee West, aka Rival Consoles, signé chez les acclamés Erased Tapes (Nils Frahm, Olafur Arnalds) mais dont le son finalement, n’a pas grand chose à voir avec ses camarades de label. Hormis, peut-être, l’envie de produire une musique aérienne. Car si l’on devait rapprocher le son du Britannique d’autres, on se tournerait plutôt du côté d’un Rone (Tohu-Bohu) ou de l’IDM (versant Jon Hopkins). Afterglow, par exemple, sur le troisième album du producteur sorti l’an dernier (Howl) transforme ainsi progressivement les synthés en voix quasi humaines, en même temps mélancoliques et lumineuses, sur une rythmique crépitante ciselée en dentelière. Précédent son dernier ep (ou mini-album ?) en date Night Melody sorti il y a quelques jours, ce troisième album du Britanique est en effet une mine de diamants pour qui aime l’électronica soyeuse, légère et aérienne. On fait donc confiance au producteur anglais et à son électro onirique et subtile, pleine de nuances pour nous emmener jusqu’aux dernières heures de la nuit sous les étoiles.
En 2013, Gold Panda sort son deuxième album, Half Of Where You Live, encore chez Ghostly International, avec toujours cette science de la fluidité aérienne tout en crépitements. Son nouvel album, Good Luck And Do Your Best, sorti mai 2016 cette fois-ci chez City Slang (juste avant la sortie d’un ep surprise inspiré par le Brexit), s’inspirant semble-t-il de son récent séjour au Japon, est tout aussi réussi. On est donc ravi de retrouver le garçon aux premières heures du matin le vendredi. Sous les étoiles, ça devrait être bien chouette.
Magnetic Friends
Eux aussi au Fort, les djs des Magnetic Friends auront également une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance entre les concerts. Et comme à leur habitude, ils devraient sortir de leurs besaces une tripotée de titres pour danser dans la boue, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son voisin (parfois inconnu quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Comment ? Vous avez dit « chenille » ?
La Route du Rock Collection Eté 2016 aura lieu du jeudi 11 août au dimanche 14 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/