Voilà un quart de siècle que le festival malouin tient la barre contre vents (avec une programmation bien souvent exigeante qui ne suit pas aveuglément le sens du vent) et marées (on s’en est pris des trombes sur le coin du ciré) : du 13 au 16 août 2015, la Route du Rock fêtera son vingt-cinquième anniversaire dans un Fort St Père enfin rendu étanche (ou quasi !).
Malgré l’annulation de Björk la semaine précédant le festival, la Route du Rock garde le cap (et l’attachement de son public qui lui a immédiatement signifié son soutien1 – espérons qu’il en soit de même en termes de ventes ; d’autant que comme l’expliquait François Floret, directeur du festival à Télérama : « Même pas la peine d’appeler les assurances pour espérer des indemnités, comme aucun cas de force majeure n’est avancé, nous n’aurons droit à aucune compensation »).
Néanmoins, la défection inopinée de la tête d’affiche ne doit en rien être l’arbre qui cache la forêt d’une programmation parfois pointue, souvent maligne et fréquemment alléchante… Et qui donne tout autant envie de ne pas manquer ce rendez-vous estival.
On vous propose donc une présentation détaillée (en plusieurs morceaux, pour être un poil moins indigeste), en espérant vous y retrouver, en tongs ou en ciré.
Un meilleur accueil des festivaliers
L’an dernier, on avait longuement redit notre amour pour ce festival un poil atypique, à la programmation à défendre, tout en maugréant gentiment sur certains manquements en terme d’accueil (on vous renvoie à nos articles de l’an dernier sur le sujet : là et aussi ici), décriés plus ou moins violemment par pas mal de festivaliers.
Les demandes ont réellement été entendues par l’organisation du festival. Sur certains points, d’ailleurs, comme l’arlésienne des travaux prévus pour rendre le Fort St Père praticable en cas de fortes (ou longues) pluies (ça peut arriver dans notre riante région), l’équipe de Rock Tympans n’avait pas grande marge de manœuvre entre élus qui se renvoyaient la balle depuis des lustres et retards dans les travaux.
Mais voilà, alors qu’on n’avait quasi arrêté d’espérer, les tracto-pelles et autres engins de chantier ont commencé à drainer le site cet hiver, décapant les 40 cm de profondeur d’argile qui empêchaient les écoulements, empierrant ensuite le site pour favoriser le drainage des eaux de pluie. Avec l’ambition, également, de capter les eaux fluviales et de mettre en place un bassin tampon, ainsi que de collecter les eaux usées dans des fosses de 60m2 (plus d’1fos sur le Télégramme). En résumé, si on a tout compris : bottes is definitly dead. Et c’est tant mieux.
Découlant nous semble-t-il de ces aménagements, l’épineux problème des toilettes risque bien de ne plus en être un : l’équipe de la Route du Rock promettant cette année de « maximiser les sanitaires » . Autrement dit, pour certains membres de la gent masculine, cette année, plus d’excuses pour arroser les barrières.
En outre, le festival a choisi un nouvel aménagement pour cette vingt-cinquième édition, permettant à chacun, en théorie, d’assister à tous les concerts du Fort dans de bonnes conditions : la scène des Remparts repasse à l’intérieur du Fort, tout au fond, face à la grande scène (scène du Fort), ce qui devrait éviter le goulot d’étranglement de la foule des années passées. Autre nouveauté : tous les stands restauration se retrouveront en dehors des remparts et bénéficieront d’une structure couverte avec assises permettant aux festivaliers (notamment les plus fragiles) de pouvoir se poser si nécessaire (éventuellement au sec).
Le festival promet également de faire son maximum pour améliorer les services du camping (qui devient payant) et propose pour la première année un système cashless pour les paiements (acceptée dans tous les bars et les restaurants du festival ainsi qu’au stand merchandising, cette carte cashless fonctionne comme un porte-monnaie électronique : vous la créditez d’une certaine somme et vous la rechargez si nécessaire tout au long du festival. Plus d’1fos là. A noter : pour ceux qui créeront leur compte en ligne avant le festival, le remboursement de tous les crédits restant sur votre carte à l’issue du festival sera possible).
Seuls sur le sable, (ou presque) …
Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 15h, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours avec des dj sets mettant en avant trois labels français indépendants dès 15h00, puis dès 16h, poursuivre avec le live d’un artiste issu de leur catalogue. Le vendredi, c’est Born Bad Records qui ouvrira le festival, suivi par Pan European Recordings le samedi et Field Mates Records le dimanche (bref, du tout bon). Tout ça avant de vous étirer tranquillement sur votre serviette de plage au son de lives plus que prometteurs.
Bon pour tout vous dire, le vendredi, le dj set Born Bad Records sera assuré par Forever Pavot lui-même, ce qui est déjà en soi sacrément chouette. Le garçon quittera ensuite les platines pour un live qui devrait se révéler aussi parfait que son premier effort discographique -entre autres- (le premier album du groupe, Rhapsode – 2014- est irrésistible de classe) et ses prestations habituelles.
Un an après ses copains pataphysiques d’Aquaserge (avec lesquels il a notamment récemment présenté un ciné-concert autour de courts métrages de Louis Feuillade sous le nom de Serge Forever), Emile Sornin déroulera donc les vagues morriconiennes de sa pop psychée pour les surfers du festival amateurs de déferlantes ouatées (parfois plus remuantes en live). Pour ceux qui ont manqué le groupe aux Transmusicales, à l’Antipode pour Roulements de Tambour ou à Binic plus récemment, l’occasion est trop belle de vous couler sur la plage et de vous laisser happer par les délires hallucinés, toute basse en avant, du prodige aux cheveux longs.
« Il y a une dizaine d’années je faisais du punk hardcore, ensuite j’ai fait de la chiptune, de la pop, des compos garage / folk enregistrées sur K7, et maintenant des choses inspirées des musiques de films 60’s…la seule ligne directrice ce sont mes envies » précisait sainement Emile Sornin à la sortie du désormais essentiel Rhapsode. Inspiré tout autant par le prog, que les musiques de film (De Roubaix, Morricone, Jean-Claude Vannier en tête), Broadcast, Stereolab ou le psyché turc pour la composition de ce premier long format, Emile Sornin a, depuis, eu le temps de frotter les compos studio au live et à la sueur avec ses valeureux complices qui forment Forever Pavot sur scène. Remodelés pour le live, les morceaux gagnent en énergie débridée, et sont déroulés avec brio par une bande aussi haletante que subtile. Les zigues parvenant même à en conserver la richesse harmonique (même si certains instruments sont remplacés par d’autres). Bref, les Forever Pavot sont immanquables. Et si en plus c’est sur la plage…
Le lendemain vous pourrez piquer une tête et explorer les abysses malouines avec la musique de Flavien Berger dans les oreilles. Pas mal non plus, la musique de ce garçon. La pochette du premier album du parisien, Léviathan (2015) est étonnamment raccord avec un live aquatique, mais plutôt que de croiser le monstre marin évoqué par le titre (quoique), on s’attend plutôt à des descentes de grand huit directement dans l’océan » Monte la mer et on descend / Il y a des rails sous l’océan / Un labyrinthe, un tourbillon / Et dans l’écume sont les visions / Des anémones alentours (…) Adieu vide tellurique / La mer avale mon cœur / Les limbes aquatiques / Effacent les plongeurs / les fantômes de baleine / En haut du précipice / Et puis notre lointaine idylle des abysses «
Musicien aux idées larges et synthétiques, Flavien Berger produit une électro pop résolument hors format, parfois chantée (en français, avec l’envie d’évoquer plus que de raconter), parfois étirée pendant une vingtaine de minutes pour laisser planer l’auditeur. Tour à tour sombre, naïve, poétique, la musique du jeune homme, particulièrement personnelle, se permet toutes les incartades, allant bien souvent là où on ne l’attend pas (un arrangement volontairement cheap, un rockabilly forain, une autobahn électronique qui déroule, une fête foraine entre Mars et l’Abyssinie ou un déploiement de cordes en final d’un titre synthétique de plus de 15 minutes ) et c’est tant mieux. En live, le garçon aime encore à brouiller les pistes et jouer avec la magie du moment, improvisant les paroles, se laissant porter par les fractures de l’instant. Nul doute qu’au milieu des vagues, sous les remparts, le moment risque d’être suspendu. On a hâte.
Le dimanche enfin, vous pourrez enchaîner les brasses et les dos crawlés au son de la première signature du label Field Mates Records : Jimmy Whispers. Surnommé ainsi au lycée à cause d’une timidité trop prégnante, le Chicagoan prend pourtant le risque de vous émouvoir avec ses chansons de bric et de broc, simplement enregistrées à la voix avec un simple orgue sur son iphone. Autrement dit, avec les 10 titres qui composent son premier album Summer in Pain tout juste sorti (2015). Auquel il faut ajouter plus d’un millier d’autres enregistrements (le garçon dit enregistrer une chanson par jour) réalisés sur son smartphone dans les mêmes conditions. Mais ne vous attendez pas pour autant à une tripotée de vignettes lo-fi un peu bancales et un brin palotes : il s’agit au contraire de véritables chansons qui sans qu’on comprenne vraiment comment, touchent juste (à notre plus grand étonnement, on doit le dire). C’est peut-être à cause des mélodies qui se révèlent immédiatement ; peut-être à cause de cette voix sans fard, en même temps naïve et écorchée… On n’en sait trop rien.
Toujours est-il que l’album est enregistré depuis deux ans si on a tout compris. Mais le garçon a préféré commencer par les concerts, pour voir d’abord, si quelques uns se montraient intéressés par sa musique. Quitte à monter parallèlement un festival pour récolter des fonds… Non pour sortir son premier album, mais pour aider l’association CeaseFire – autour des problèmes de violence, notamment des fusillades, à Chicago entre autres- ; puis à le décliner l’année suivante sur un festival basket/musique : « J’ai invité des célébrités et des groupes de musique basés à Chicago pour disputer un tournoi de basket, toujours au profit de la même organisation. Et les groupes jouaient entre les matchs » (Interview à lire sur Le transistor ici). C’est là, entre autre, qu’intervient une jolie rencontre, celle de Dali Zourabichvili, bien connue par ici comme blogueuse, contributrice à la Blogothèque et attachée de presse, avec la musique du jeune homme. Tombée sous le charme des dix morceaux que lui a envoyés le musicien après un premier mail, où emballée par deux vidéos, elle en demande davantage, Dali Zourabichvili décide de se lancer et de monter son label pour sortir l’album du garçon en Europe (un autre label, Moniker Records, s’occupant des États Unis). Ce Summer In Pain est donc la première signature de Field Mates Records et sera à découvrir sur la plage de St Malo. Et autant vous le dire, les chansons du jeune homme devraient tout autant s’accommoder des effluves marines de la cité corsaire que du Lake Shore Drive d’où elles viennent, tant ces petites comptines-marabout de ficelle risquent de se révéler universelles. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur (vous) souhaite. Vivement.
Conférence, expo et cinéma
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils, vous aurez tout de même une belle alternative dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le samedi 15 août dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur RCR) qui se chargera de retracer en deux heures (avec la fougue qu’on lui connaît) le parcours de l’Islandaise qui a mis l’île nordique sur le globe des musiques actuelles pour un paquet de mélomanes (oui, Björk), mais qui en profitera également pour nous mettre au parfum sur les différentes saveurs givrées du rock islandais. Bon enfin, peut-être qu’après l’annulation inattendue de l’Islandaise, le programme sera redéfini. EDIT : LE SUJET DE LA CONFÉRENCE DE CHRISTOPHE BRAULT NE SERA PLUS LE ROCK ISLANDAIS MAIS LES FILLES DANS LE ROCK.
C’est également Björk (décidément) qui sera à l’honneur au cinéma quelques jours avant le début du festival puisque le Vauban se proposera de diffuser le (mélo)drame (larmoyant) de Lars Von Trier Dancer in the Dark, sorti en 2000 le mercedi 12 août à 21h30. Le rôle valut à l’artiste islandaise le prix d’interprétation à Cannes pour son incarnation déchirante d’une mère célibataire immigrée atteinte de cécité dans une Amérique sixties misérable. Son amour des comédies musicales ne servant aucunement d’échappatoire à une fin des plus tragiques. Les plus sensibles d’entre nous ont pleuré du début à la fin de la projection en se promettant de ne jamais le revoir. Sous aucun prétexte. Avis aux amateurs de kleenex, donc. Et là encore, tout ça, c’est si l’équipe du festival souhaite conserver cette programmation. EDIT : SUITE A L’ANNULATION DU CONCERT DE BJORK, LA PROJECTION AU VAUBAN EST ANNULÉE.
Pour finir, une expo (rien à voir avec Björk cette fois-ci, ouf) du photographe Richard Bellia sera visible sur le chemin menant de l’accueil du festival jusqu’à l’entrée du Fort. D’Henri Rollins (avec des cheveux !) à Patti Smith en passant par Blur, Shellac, The Clash, My Bloody Valentine, Nirvana, Sexy Sushi, James Brown, Bashung, Nick Cave, X, Bowie, Nirvana, Christophe Brault (avec des cheveux aussi), Ride, Fela, Laetitia Shériff, Ty Segall (et on en passe des centaines) : Richard Bellia les a tous photographiés. Et pour cause, ce gentilhomme de l’argentique est l’un des grands du métier et arpente, depuis les années 80, les salles de concert, les festivals ou autres pubs londoniens pour prendre ses clichés, le plus souvent en noir et blanc. Grand habitué du plus malouin des festivals, Richard Bellia proposera donc une vingtaine d’images prises à la Route du Rock pour une expo qui devrait nous rappeler pas mal de chouettes souvenirs. A voir absolument.
Pour les sportifs (pas nous)
Copacabana, le Maracana, c’est un peu ce que deviendra la plage de l’éventail le dimanche de 13h à 17h pour la neuvième édition de Foot / Sport is not dead sur le sable malouin.
Mais pas que puisque vous pourrez également participer à à des rencontres de Beach Rugby ou à un tournoi de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?).
Et le tout bien évidemment aux sons des artistes du festival !
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock, avant, pendant et après le festival ici.
1/ Malheureusement pas que… si l’on en croit d’effarants commentaires sur la page facebook du festival.
La Route du Rock Collection Eté 2015 aura lieu du jeudi 13 août au dimanche 16 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/