Bilan pensé par Isa, Solène, Yann, Mr B
et tous les camarades avec qui on a causé pendant ces quatre jours.
photographié à 4 mains par So et Mr B.
Malgré une programmation a priori un peu moins excitante que d’habitude, un bilan comptable pas folichon et une poisse faisant décidément partie de l’ADN du festival, nous aurons finalement passé une excellente 26ème édition de la Route du Rock. Avec des retours gagnants et des attendus tenant leurs promesses et même plus, ces quatre jours nos ont réservé un joli lot de réjouissances auditives.
60 millions de programmateurs
La Route du Rock, c’est un peu comme la composition de l’équipe de France de football, tout le monde a un avis dessus. Sur cette 26ème édition, le nôtre était a priori un peu mitigé. Pas vraiment à cause du manque de têtes d’affiches, ça on s’en tamponne un peu, mais plutôt à cause d’un nombre plus important que d’habitude de groupes ne nous excitant guère (Haelos, Luh, La Femme), d’une dynamique des enchaînements qui nous semblait un peu bancale mais aussi du grand nombre de groupes faisant leur retour sur le festival. Si les groupes déjà pénibles à nos oreilles sur disque n’ont pas réussi à infléchir nos opinions négatives en live, nombre de retours se sont montrés gagnants et l’ensemble a finalement été beaucoup plus équilibré que nous ne le pensions. Nous commencerons donc ce bilan par la musique en revenant sur ces quatre journées bien plus folles que nous ne nous y attendions.
Jeudi 12 août : La Colonie déferle sur le Nouvelle Vague
Crédit photo : Romain Etienne
Nous la sentions bien cette première soirée à la Nouvelle Vague et ce fut en effet assez merveilleux. Usé, le projet solo de Nicolas Belvalette (Les Morts Vont Bien, Roberto Succo, Headwar…) ouvrait le bal. Si tout ne nous a pas complètement convaincu sur la longueur, nous avons cependant fortement apprécié l’énergie déglinguée et jusqu’au-boutiste du monsieur.
La Colonie de Vacances a par contre mis tout le monde d’accord. Rappelons qu’il s’agit du projet quadriphonie des groupes Pneu, Papier Tigre, Electric Electric et Marvin qui prend la forme de morceaux joués par les quatre groupes en même temps dans la même salle sur quatre scènes différentes. C’était la troisième fois que voyions le dispositif et quel plaisir de le voir à chaque fois monter en puissance. La bande des quatre a livré une prestation surpuissante et d’une générosité totale. Ils forment désormais un véritable orchestre polypho-noise étourdissant de précision et formidablement complice dans le chaos sonique. Un concert d’autant plus exaltant que l’on sent que les possibilités du dispositif sont loin d’être encore épuisées et qu’il faudra suivre avec une grande attention la suite de leurs folles aventures.
Vendredi 13 août : Make Me Dance I Want To Surrender
Si les groupes invités pour cette première soirée au Fort nous excitaient au plus haut point, nous étions par contre assez circonspects sur ce découpage en deux parties assez tranchées. En étant un peu caricatural, la première partie regroupait les groupes pop/folk et la seconde massait les sets electro. Au final, cette dichotomie a très bien fonctionné pour nous. Kevin Morby a confirmé tout le bien qu’on pense du bonhomme avec un set classieux largement à la hauteur de ses qualités de songwriting. Les Ecossais de Belle and Sebastian nous ont collé une patate d’enfer avec un set généreux et ultra-festif dont la setlist était mitonnée aux petits oignons pour envoyer les fans du groupe sur orbite. Malgré le petit trou d’air Haelos/Minor Victories, nous avons été emballés par la fin de soirée. En bon renard des dancefloors, Hendrick Weber, aka Pantha du Prince a su adapter ses mini-symphonies entre ambiant cristalline et électro house, ciselées avec une précision de dentelière pour propulser le Fort en orbite. Derwin Schlecker, aka Gold Panda, a joué la carte gagnante du contraste avec ses rythmiques irrésistibles et ludiques subtilement tintées de touches jazzy ou orientales. Enfin, le londonien Ryan Lee West, aka Rival Consoles, a lui aussi impressionné avec son set épuré mais pourtant dévastateur de puissance.
Nous ne nous y attendions pas vraiment mais que ce soit sur la pop flamboyante des Belle and Sebastian ou sur les beats de la belle triplette finale, nos jambes et notre bassin auront été à la fête en ce pétillant vendredi.
Notre compte-rendu détaillé du vendredi est à lire par ici.
Samedi 14 août : Classe… Pas classe
Sur les trois jours de Fort, c’était bien ce samedi qui nous emballait le moins. Face à la circonspection générale de l’équipe suscitée par Luh et La Femme, nous avons même craint de ne pas trouver l’énergie de tenir jusqu’à la doublette The Field/Battles qui concluait la soirée. C’était sans compter sur la classe des Tindersticks. Après le set ampoulé de Luh, surjoué avec un tel premier degré que ça en devenait assez drôle en fait, la bande de Stuart Staples nous a remis les pendules à l’heure. Leurs deux prestations précédentes sur ce même festival nous avait laissé un goût un peu amer mais cette fois la magie a opéré. Nous avons passé le concert en apesanteur, la tête dans les étoiles et des frissons dans l’échine. Après, même l’annulation de The Field et la prestation de La Femme (l’enthousiasme général pour ce groupe reste un mystère insondable pour nous) n’ont pas réussi à entamer notre bonne humeur. L’étrange mais assez sublime prestation d’Exploded View (pour cause de van en rade, le groupe joua sans balance et visiblement sur les nerfs et les rotules) nous refila assez d’énergie pour surmonter notre déception face au set des Suuns et pouvoir nous prendre en pleine poire la prestation impériale des Battles.
Notre compte-rendu détaillé du samedi est à lire par ici.
Dimanche 15 août : De la grâce à la fureur
Nos attentes étaient par contre au plus haut le dimanche et nous n’avons pas été déçus au contraire. Les volutes psychédéliques de Morgan Delt nous ont offert la meilleure entame de soirée du week-end. Julia Holter et ses très impressionnants musiciens nous ont fait vivre un délicieux rêve éveillé en plein soleil. Lush a assuré une prestation qui dépassait le simple effet madeleine grâce à un final aussi malicieux que pêchu. Malgré leur indéniable efficacité, les prestations de Fidlar et de Savages nous ont toutes les deux paru manquer de spontanéité et les grosses ficelles trop visibles nous ont empêché de rentrer totalement dedans. Immersion totale par contre pour les prestations de The Fat White Family et Sleaford Mods. Flamboyante séance de rattrapage pour les premiers et confirmation impériale pour les seconds, les Anglais ont été les hérauts parfaits d’un rock teigneux, corrosif et totalement en phase avec son époque.
Une petite mention spéciale pour finir pour les vaillants DJ’s des Magnetic Friends qui ont pendant les trois jours réchauffé l’ambiance entre les concerts (merci tout particulièrement pour Bowie et pour les grands classiques qui filent un coup de fouet) et pour les bombes à enflammer le dancefloor qui nous ont régulièrement collé des fourmis rouges dans les guiboles.
Notre compte-rendu détaillé du dimanche est à lire par ici.
Casse-tête d’affiche
Fort de ce bilan artistique extrêmement positif et d’une météo enfin à nouveau au beau fixe, la traditionnelle conférence de presse bilan de l’édition a été plutôt apaisée. Alban Coutoux (communication et co-programmateur) et François Floret (président et co-programmateur) ont exprimé l’espoir que ces quatre jours de grand soleil limiteraient peut-être à l’avenir les références aux bottes et à la gadoue. Au vu des nombreux articles à liste sortis cette année (10 bonnes raisons de ceci, le top 5 de cela…) bourrés de poncifs à base de pluviométrie et de galette saucisse, ce n’est pas gagné. Nous ne sommes sûrement pas totalement irréprochables sur ce sujet mais au moins nous en sommes conscients et essayons de mettre la pédale douce sur les breizhouilleries.
Après trois années au beau fixe, la fréquentation est en nette baisse. Les trois soirées ont totalisé 13 000 entrées payantes auxquelles venaient s’ajouter 2 000 invités et accrédités. Le festival revient donc à des hauteurs qu’on n’avait pas connues depuis 2012 mais les organisateurs précisent que cela avait été anticipé. L’absence de grosses têtes d’affiche ayant rendu ces chiffres prévisibles, ils expliquent avoir « réduit la voilure » au maximum. Concrètement, les économies nous ont paru essentiellement cosmétiques. Une grande scène un peu plus petite, un seul grand écran en côté de scène, une déco du Fort plus sobre… rien de dramatique pour nous surtout que les améliorations de l’accueil restent présentes (toilettes nombreuses et en dur, tables couvertes pour manger…). Les économies n’ont pas été faites sur les conditions d’accueil du public et c’est tant mieux. Nous regrettons juste un espace label un peu plus réduit qu’à l’habitude. Au chapitre des reproches, il y a également eu un son pas toujours à la hauteur avec notamment des basses parfois à décoller la plèvre (Sur Minor Victories et Suuns notamment). On évoquera également le système cashless, dont on comprend l’intérêt pour le festival, mais dont l’efficacité devra être renforcée (pour chaque rechargement, trois actions successives, gourmandes en temps, sont nécessaires -encaissement, créditation du compte, chargement du bracelet-, sans compter le bug à l’entrée du festival, qui créditait les comptes de l’an dernier à la somme identique de 3 centimes).
Dans les à-côtés sympathiques de cette année, il y avait également la réussite de la conférence sur le shoegaze de Christophe Brault qui affichait complet malgré le grand soleil, la très belle expo des photos de Renaud Monfourny, une chouette programmation ciné (commencée en amont) au Vauban… Il y avait également les tournois de sport et les concerts à la plage qui ont, semble-t-il, été très réussis mais auxquels nous n’arrivons décidément pas à participer pour pouvoir vous offrir nos reports à chaud.
Autre fait dont on a beaucoup causé pendant le festival, la présence pour cause de plan Sentinelle de nombreux militaires en armes sur le Fort. Un récent article dans Libération se demande s’il faudra s’habituer à cet état de fait. François Floret répond en expliquant qu’ils avaient eu plusieurs messages de parents avant le festival leur demandant de l’annuler parce qu’ils avaient peur pour leurs enfants et que ça lui parait une alternative nettement préférable à l’abdication face aux menaces.
La confirmation de l’inflation délirante des cachets de groupes aptes à faire exploser le nombre d’entrées (on parle de cachetons à 200 000 € quand même) place notre cher festival malouin dans une position délicate. François Floret et Alban Coutoux ne semblent pourtant pas désespérés de chopper des noms attractifs en expliquant que la concurrence et le calendrier leur ont été particulièrement défavorables cette année. Tant mieux pour eux si cela s’avère possible pour le futur mais pour notre part, s’il conserve son esprit défricheur et aventureux nous continuerons de soutenir de notre mieux la Route du Rock même si elle devait adopter une formule plus modeste à l’avenir. En tout cas, cette édition nous aura une fois de plus ravis et nous sommes plus qu’impatients de voir ce que l’avenir nous réserve.
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock 2016 ici.
La Route du Rock Collection Eté 2016 a eu lieu du jeudi 11 août au dimanche 14 août.
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