La Route du Rock 2016 démarre par un quintuple bang sonique

Comme il est désormais d’usage, cette 26ème édition de la Route du Rock s’ouvrira jeudi 11 août par une soirée de prélude dans la salle de la Nouvelle Vague. Les programmateurs du festival malouin ont choisi le contraste en invitant l’amiénois Usé et son nuke tribal et indomptable mais aussi la Colonie de Vacances, soit quatre des plus beaux fleurons de la scène indé-math-rock-noise hexagonale : Marvin, Pneu, Electric electric et Papier Tigre jouant en simultané, sur quatre scènes, aux quatre coins de la salle pour quatre fois plus de plaisir.

RDR 2016 visuel carré

C’est le sourire aux lèvres que nous repensons à l’épatante soirée d’ouverture de l’édition 2015. La conjonction du charisme goguenard de l’ours cabotin Mark Kozelez et l’immense générosité de The Notwist revisitant leur indispensable album Neon Golden avec une fraicheur surprenante avaient permis au festival de démarrer sous les meilleurs auspices. Vu l’affiche proposée à la Nouvelle Vague ce jeudi 11 août, il est fort possible que cette nouvelle édition s’ouvre à nouveau par un merveilleux orage estival.

Nous avons découvert Nicolas Belvalette en maître bourreau d’instrument lors d’un flamboyant concert du quatuor Headwar. Au milieu de ce superbe chaos, le zigue avait torturé sa guitare avec une application et une inventivité remarquable (et avec son pied ou une perceuse). Corinne, Romain, Claire et donc Nicolas (dit Usé) pratiquent depuis 2004 une musique qu’ils catégorisent eux même comme du « Nuke ». Terminologie tout à fait adéquate pour leur post-punk-noise-indus déglingué et volcanique pratiqué en costumes de scène choupinets sur des instruments rapiécés de toutes parts qu’ils soumettent aux tortures les plus extrêmes. Un joyeux bordel donc prenant sur scène des allures d’ode superbe et jouissive au fracas et au boucan comme vous en verrez peu dans votre vie. En bref, un groupe qu’il est tout à fait indispensable d’avoir vu en live !
Nicolas Belvalette est un sacré touche à tout puisqu’il multiplie les projets musicaux (Les Morts Vont Bien, Roberto Succo, Yvette Corner But, Sultan Solitude…) tout en trouvant le temps de gérer L’accueil froid, une salle de concert autogérée à Amiens. Lorsque cette salle est fermée, il décide de se présenter aux dernières élections régionales en fondant le Parti Sans Cible. On vous invite notamment à découvrir le superbe programme de campagne dans le second numéro de la revue Barré dont voici quelques exemples de propositions histoire de vous appâter :
3- Rapprocher la Terre du soleil à partir de septembre pour éradiquer l’hiver;
5- Élargir le créneau horaire de l’apéro;
9- Gratuité dans les magasins ouverts le dimanche;
41- Acheter une DoLoréane pour pouvoir revenir sur nos erreurs…
Il ne fera au final que 2,17% des voix mais sera élu dans la foulée « Amiénois de l’année » par les lecteurs du Courrier Picard et la salle ré-ouvrira à un autre endroit.
Depuis 2011, le gars officie aussi en solo sous le patronyme d’Usé. Dans ce projet, il laisse parler son amour des percussions bricolées maison, d’Einstürzende Neubauten et de Serge Gainsbourg dans un fracas tribal et vertigineux. Quelques machines ayant vécu des jours meilleurs, deux toms et trois cymbales sur lesquels est greffée une guitare sur laquelle ne viendra se plaquer aucun accord, voilà tout ce dont à besoin le bonhomme pour produire une réjouissante et très personnelle apocalypse sonore. Son premier album s’appelle Chien d’la casse et il est sorti chez Born Bad Records en avril dernier. Les sept morceaux s’ouvrent sur les aboiements du féroce molosse qui doit probablement garder l’endroit où le bonhomme se fournit en instruments. L’album brasse avec une férocité tendre : punk, chanson, techno et musiques industrielles. Ce disque de fracas rouillé et de ritournelles hypnotiques ne met la pédale douce que pour la douloureuse complainte Sous mes draps. Pour le reste, c’est plutôt rythmique pied au plancher et rage palpable. Cette formule redoutable a tous les atouts pour mettre d’emblée et sans échauffement sens dessus dessous le public de la Nouvelle Vague.
Pour découvrir un peu plus le monsieur, nous vous conseillons fortement cette interview vidéo.

Nous avons déjà eu la chance d’avoir vu la Colonie de Vacances deux fois en concert sur Rennes. Nous sommes tout particulièrement heureux que la Route du Rock nous offre une troisième occasion d’apprécier cette détonante formule. C’est en effet un dispositif unique et bien barré qui vous sera proposé. C’est à dire 4 groupes sur 4 scènes distinctes qui jouent en même temps. En effet, les quatre groupes ne joueront pas chacun leur tour sur la scène de la Nouvelle Vague. Non, la salle sera transformée : quatre scènes différentes (une pour chacun des groupes donc) seront disposées tout autour de la salle et ce sera réellement le public (c’est à dire, vous !) qui sera mis au centre des échanges sonores. Car c’est réellement l’écoute des échanges entre les groupes qui nous sera proposée, une sorte de « match de ping-pong sonique à deux, trois ou quatre équipes avec 4 scènes ! » Bref, vous allez en prendre plein les yeux et plein les oreilles.

pneu @ l'Antipode by MarcoQu’il s’agisse de la post math noise à la fois mélodique et pêchue de Pneu (lors de leur dernière venue à Rennes, le duo tourangeau nous avait mis une claque gigantesque : au centre de la salle, le public en cercle autour d’eux, le duo avait délivré une grosse demi heure d’apocalypse noise rock mélodique et dantesque totalement addictive – on en garde des frissons de plaisir même plus d’un an après !-) ou de la noise surpuissante de Marvin mâtinée de synthés électro vintage à la Trans Am, de krautrock vivifiant, de prog et de métal arrangés à leur sauce, qu’il soit question de la noise épileptique du trio strasbourgeois Electric Electric qui mêle ensemble stridences électriques et groove dansant ou de l’ingéniosité à la fois mélodique et puissante des excellents Nantais de Papier Tigre qui nous font curieusement situer Nantes tout en même temps à côté de Chicago, Louisville ou Washington DC, la qualité des compositions proposées ce mercredi risque de flirter avec les sommets !

marvin

Ces quatre formations ont partagé la scène au fil d’un nombre incalculable de concerts lors desquels elles ont déployé leur énergie débordante. Elles avaient même fini par faire une tournée commune durant laquelle elles changeaient l’ordre de passage à chaque date. La proposition de jouer ensemble est venu de Frédérick Landier (aussi connu sous le nom de Rubin Steiner) pour un festival d’art contemporain. La première version de la Colonie de Vacances était lancée. Nous l’avions vue à Rennes à l’Antipode en février 2012 et ce fut une délicieuse et mémorable dérouillée. Durant le concert, on passait d’un groupe à l’autre en modulant avec malice les plaisirs : un groupe seul, deux groupes ensembles, un groupe accompagné par l’ensemble des batteurs, des riffs de guitare ou ligne de synthés traversaient l’espace d’un groupe à l’autre, les intros ou fins de morceaux étaient amplifiées par quatre… les possibilités se démultiplient avec jubilation pour finir en apothéose sur plusieurs morceaux à quatre groupes. Le plus fort, c’était que si les bases de chaque groupe étaient présentes : les Pneu furent les plus puissants, les Papier Tigre les plus catchy, les Electric electric les plus groovy, et Marvin les plus… étranges, l’ensemble dégageait une ambiance de complicité et d’accord assez remarquable. Pendant une heure et demie et une bonne quinzaine de morceaux, les musiciens se guettaient, se faisaient des signes et les clins d’œil, les «Oups, j’ai raté ça !» et autres sourires amicaux se multipliaient. Au fil des morceaux, le dispositif atteignait petit à petit une forme modeste mais généreuse d’utopie Rock’n’Roll égalitaire, exaltante et assez émouvante au final.
Au fil des concerts, les groupes ont finalement eu envie de faire appel à quelqu’un d’extérieur pour faire encore évoluer le projet. Ce fut Greg Saunier, le batteur des virevoltants Deerhoof. Il leur a composé une pièce composée de 26 courtes parties possédant une mélodie, des accords, des rythmiques mais qui laisse toutefois une grande marge de manœuvre sur leur interprétation. Une pièce sur le thème de l’écoute, sujet parfait pour un dispositif où le lien entre les quatre groupes est essentiel. Nous avions vu cette nouvelle version en octobre 2015 (toujours à l’Antipode) et nous avions été soufflés par l’ampleur que le projet avait pris. Un concert pourtant moins évident, dans lequel il était plus difficile d’entrer, mais qui démultipliait encore le plaisir une fois que l’on avait lâché prise.

Un one-man-band détonnant et une quadriphonie ébouriffante, cette première soirée de la Route du Rock a décidément tout pour vous faire tourner la tête et envoyer vos oreilles dans les étoiles.

Jeudi 11 août 2016 – La Nouvelle Vague, Rue des Acadiens, 35400 Saint-Malo – 15 € en prévente
ouverture des portes à 20h


La Route du Rock Collection Eté 2016 aura lieu du jeudi 11 août au dimanche 14 août.

Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/


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