L’un de nos petits plaisirs lors du festival de la Route du Rock est de s’offrir un apéritif sonore. La nouvelle disposition de la scène des remparts permet d’apprécier pleinement les groupes qui ouvrent chacune des soirées au Fort Saint-Père. Alors il faut souvent quitter les concerts de la plage un peu plus tôt pour arriver sur le site à l’heure mais le jeu en vaut la chandelle : la programmation inaugurale nous permet souvent d’y faire de jolies découvertes musicales. Petit aperçu de ce que vous pourrez découvrir chaque soir à 18h30.
De la fougue de The Districts en passant par l’onirisme de Jacco Gardner, les premiers concerts des soirées au Fort-Saint-Père ont laissé leur lot de chouettes souvenirs… et de frustration quand nous n’arrivons pas à temps pour y assister. Cette année encore, il devrait faire bon être ponctuel. Menu des savoureux antipasti de cette édition.
Les New-Yorkais de Psychic Ills ouvriront en douceur les réjouissances musicales le vendredi soir. Le duo d’origine, composé de Tres Warren et Elizabeth Hart, officie depuis une douzaine d’années et leur quatrième album, Inner Journey Out, est sorti il y a tout juste deux mois. Un album qui ne fait pas preuve d’une inventivité folle mais qui est joliment produit : le duo s’est entouré d’Harry Druzd (Endless Boogie) et Derek James (The Entrance Band) mais aussi de Brent Cordero, le claviériste de leur dernière tournée. On retrouve également un featuring et non des moindres, avec la présence d’Hope Sandoval sur I Don’t Mind. Inner Journey Out est dans la lignée des précédents : un rock psyché savoureusement lent et brumeux, très fortement influencé par le Velvet Underground, mais avec aussi quelques incursions dans d’autres styles comme le krautrock, mais aussi le blues (psyché bien entendu) avec Coca-Cola Blues ou encore les ballades (Back To You). Le groupe se permet aussi de longues plages instrumentales hypnotiques (Hazel Green, Ra Wah Wah) sans oublier l’étrange et tribal New Mantra. Un disque plus varié que le précédent One Track Mind, toujours signé sur le label indépendant Sacred Bones Records. Le genre de groupe qui devrait lancer en douceur cette nouvelle édition au Fort Saint-Père.
Des trois groupes inaugurant les soirées au Fort Saint-Père, Ulrika Spacek est celui que l’on attend le plus : la faute à un premier album imparfait mais délicieusement foutraque, The Album Paranoia, surgit en ce début d’année 2016 sur Though Love. L’aventure est né entre deux potes, Rhys Edwards et Rhys Williams, deux londoniens qui décident de monter un groupe dans un appart de Berlin. Devenu quintet, le groupe (basse-batterie-guitares) nous livre un dix titres aussi inégal qu’excitant. Les influences sont multiples, des mélancoliques I Don’t Know (Deerhunter) au dissonant She’s a Cult (Sonic Youth) en passant par Airportism (Radiohead). En survolant l’album, rien de nouveau : du shoegaze classique, guitares bourrées de fuzz et voix gorgée de réverb. Mais quand on creuse un peu, on s’aperçoit que le groupe excelle lorsqu’il sort des chemins balisés : entre l’instrumental et expérimental Circa 1954 ou l’excellent Beta Male qui passe allègrement du krautrock à la ballade, le groupe fait parfois preuve d’une inventivité prometteuse. Les cinq compères se permettent aussi des transitions audacieuses, enchainant un titre lourd et répétitif (NK) avec une ritournelle pop (Ultra Vivid). Un premier album forcément imparfait, mais qui révèle un savoureux potentiel quand les musiciens digèrent leurs nombreuses influences (le magnifique Strawberry Glue). On a hâte de les retrouver en live sur la scène des remparts.
Le dimanche soir, la fatigue se fera forcément ressentir mais si vous êtes des inconditionnels de psyché, il ne faudra manquer sous aucun prétexte Morgan Delt. Parmi la multitude de groupes qui se bousculent en ce moment, seuls quelques uns sortent du lot et Morgan Delt en fait indéniablement partie. Signé chez Trouble in Mind (Jacco Gardner, Mikal Cronin, Fuzz), son premier album éponyme (2014) est joyeusement bordélique, à l’image du titre d’ouverture, Make my Grey Brain Green. On ressort de cette introduction complètement largué, comme si le californien voulait nous prévenir qu’on mettait les oreilles dans un univers non balisé. C’est souvent réussi, grâce à des mélodies imparables, même si l’on peut parfois regretter la luxuriance un peu trop prononcée des arrangements. On navigue entre mélodie orientale hypnotique (Barbarian Kings) et pop psyché ciselée (Obstacle Eyes), avec quelques chevauchées rock basées sur de petits riffs bien sentis (Beneath the Black and Purple, Chakra Sharks). Les influences sont évidentes, des Byrds à Tame Impala, mais Morgan Delt ne fait pas dans la copie : il aime nous déstabiliser avec ses mélodies à tiroirs et ses chausses-trappes incessants. Et nous gratifie d’une sublime montée incantatoire rythmée avec le magnifique Backwards Bird Inc. On est curieux de découvrir les nouveaux titres du natif de Los Angeles, qu’il viendra nous présenter ce dimanche 14 août avant la sortie imminente de son nouvel album, Phase Zero.
La Route du Rock Collection Eté 2016 aura lieu du jeudi 11 août au dimanche 14 août.
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