Si le festival Maintenant a prévu de vous en mettre plein la vue, notamment avec ses Expériences audiovisuelles (c’est par là), la sympathique équipe se promet de vous soigner tout aussi savamment les oreilles (et les pattes, on vous en reparle bientôt) avec deux expériences sonores tout en délicatesse. Présentation.
Goupile : A safe place / A sa place
Comme toujours, le festival souhaitant permettre l’accès facilité à tous les publics, ces deux propositions seront gratuites (il est juste conseillé de réserver pour découvrir Goupile à la médiathèque Alfred Jarry). On les en remercie.
On commence donc par le projet que la musicienne Louise Goupil présentera d’abord à la médiathèque de Thorigné Fouillard (le 9 octobre à 19h) puis au CCNRB à Rennes (le 12 octobre à 16h30), sous le nom de Goupile. Avec un synthé modulaire bardé de jacks colorés et une clarinette, accompagnée de quelques samples, Goupile joue les funambules pour équilibrer dans une même performance musique improvisée et électronique dansante. Pour preuve, son très prometteur ep sorti l’an dernier sur le label 110100100.global de Leipzig, La mer intérieure, qui s’accompagnait de la projection d’un moyen métrage créé avec la cinéaste Eva Bedon et la danseuse Mathilde Roussin et qui explorait le thème de la communication (sujet d’étude pour la chercheuse du CNRS qu’elle est par ailleurs).
Pour autant, pour ces deux temps sur le festival, la musicienne auparavant membre du duo Malades[s] a choisi de présenter son nouveau projet, « une sieste électronique pour se serrer ensemble dans le noir en écoutant des bruits réconfortants » au nom tout aussi évocateur A safe place/A sa place. On devrait néanmoins y retrouver les sons chauds et profonds de sa clarinette tout comme les non moins chaleureuses sonorités organiques des nappes engendrées par son synthé modulaire. Un temps suspendu tout en douceur qui devrait réchauffer les âmes et les cœurs.
Li Yilei : Tacit Listening : Chance Music
Dans le patio du Musée des Beaux Arts de Rennes, le moment devrait être tout autant suspendu avec la performance de Li Yilei, qui clôturera le festival le dimanche 13 octobre. On l’a dit très souvent ici, on apprécie tout particulièrement la sensibilité du festival à mettre en relation le travail des artistes avec les lieux où ils sont présentés, qu’il s’agisse de l’espace public qui permet à tout un chacun.e de s’y frotter sans avoir à passer la porte d’un musée ou d’une salle de spectacles, et souvent de s’émerveiller, tout en partageant un instant suspendu avec ses voisin.es tout autant de passage (cette année ce sera le tardigrade monumental de Peder Bjurman sur la place du Parlement par exemple); ou bien qu’il s’agisse de lieux plus ou moins inattendus (un concert électronique au milieu des tableaux au Musée des Beaux Arts, une performance audiovisuelle immergé.e dans une piscine, des sculptures monumentales dans une église ou un concert toute la nuit dans un dojo transformé en dortoir par exemple) qui renouvellent le rapport à ces œuvres.
Le dialogue éphémère qui se noue entre le lieu où elle est présentée et la proposition artistique est souvent des plus fructueux et la performance sonore proposée par Li Yilei dans le patio ultra lumineux du Musée des Beaux Arts de Rennes, avec son toit vitré, son sol en pierre de taille, ses murs d’un blanc immaculé surmontés de fenêtres et l’entrée en arcade de son escalier devrait y trouver un écrin des plus fertiles.
Artiste chinoise basée à Londres, compositrice pour la danse, le cinéma et le théâtre entre autres, Li Yilei proposera en effet de découvrir son univers sonore personnel (sa recherche se frotte aussi aux arts plastiques) tout en élégance et délicatesse si l’on peut se fie à l’écoute de son dernier long format en date, le très aérien Nonage (Métron Records) paru en mars dernier. En douze plages contemplatives, Li Yilei propose un voyage introspectif dans son enfance, mêlant samples d’anciennes émissions de télévision chinoises, sons de jouets pour enfants et une gamme d’instruments acoustiques et électroniques, dont certains ont été conçus et construits par Li Yilei elle-même.
Venue à la recherche sonore du fait de son hypersensibilité sensorielle due au syndrome autistique Asperger et de sa synesthésie, Li Yilei a toujours été sensible aux sons autour d’elle. Frappée par le fait que tout, dans notre environnement quotidien, peut produire des sons uniques (du ronronnement du frigo aux cliquetis des ustensiles de cuisine), l’artiste explore l’inaperçu potentiel sonore caché dans les objets du quotidien. Ombrelle chinoise en papier déchiré à carillons, vieux toy piano dont seulement certaines touches fonctionnent encore, sifflet à oiseau en céramique qu’on remplit d’eau, fouet de cuisine, cuillère en bois, pinceau ou autre brosse, voire instruments créés de toute pièces tel ce thérémine en bois à conque, dont l’antenne est étonnamment circulaire : Li Yilei entremêle avec talent d’inattendues sonorités organiques à ses sons synthétiques pour ajouter de la profondeur et de la texture à sa musique.
On gage sans peine que cette plongée sensible dans l’univers sonore fragile et pénétrant de Li Yilei permettra de clôturer Maintenant par un temps en apesanteur, à l’image de l’essentielle respiration, du pas de côté que nous offre le festival chaque automne pour lever la tête de nos quotidiens souvent bien prenants.
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Maintenant aura lieu du 8 au 13 octobre 2024 à Rennes.