Dans un bel élan collectif, déraisonnable et réjouissant, les plus atypiques des assos rennaises organisatrices de concerts ont joint leurs forces pour nous concocter un week-end de l’Ascension tout simplement démentiel. Muscler vos oreilles puisque même si votre porte monnaie n’est guère joufflu, vous allez pouvoir vous en coller plein les esgourdes à satiété. Synth Wave à lave froide, Rock sentant la sueur, Drone Mélancolique, Dark Folk et Rock Dada… seconde partie du menu subjectif et tout à fait partiel d’un week-end superbement foutraque.
La programmation du dimanche 17 mai sera légèrement plus apaisée que celle de la veille mais pas moins fastueuse.
Première étape sur le Canal Saint Martin au Le Bon Accueil avec une doublette musicalement très aventureuse concoctée par les chouettes zigues d’Interzones.
Première étape de ce voyage sonore avec les bricolages électromagnétiques de Bertùf. A partir d’objets de son quotidien récupérés, Morgan Daguenet, alias Bertùf fabrique ses propres instruments pour broder de minutieuses toiles musicales propices à la rêverie et à l’évasion. Grâce à l’immense compétence de la billetterie de la FNAC, nous avions loupé le début de sa prestation lors du festival Electroni[k] 2012. Nous avions pourtant été captivé par la subtilité et la délicatesse et les nuances qu’il était capable de tirer du merveilleux bric-à-brac qu’il a lui même assemblé. Voici une belle occasion de rattraper le coche et de voir comment ont évolué les sublimes expérimentations du Monsieur.
Le travail de Janek Schaefer a l’air tout aussi passionnant. Ce Britannique d’origine polonaise et canadienne est également un sacré explorateur sonore des possibles. D’installations en albums, cet architecte de formation n’a de cesse de pousser la musique dans ses retranchements. Sa platine triphonique (une platine vinyle avec 3 bras de lecture!) qui lui sert de matrice pour générer craquements et motifs aléatoires de piano lui a valu un beau succès dans de nombreux lieux et festivals. On peut également voir en vidéo sur les zinternets un étonnant ballet de radios perchées sur des arbres constituant un opéra d’oiseaux assez intriguant ou un nuage sonore bigarré et étincelant composé à nouveau à partir de poste FM et rendant hommage au merveilleux Robert Wyatt. En solo ou en la prestigieuse compagnie de Taylor Deupree, Pan•American, Robert Hampson, Charlemagne Palestine ou encore Stephan Mathieu… le Monsieur a sorti de nombreux albums envoûtants et cinématographiques chez Fat Cat, 12k ou Room40… Autant dire qu’il est difficile de deviner ce qu’il nous réserve ce dimanche mais ce dont on est certain c’est que le voyage vaudra le coup de se déplacer.
Dimanche 17 mai 2015 – Au Bon Accueil, 74 canal Saint-Martin Rennes – 17h – 5 €
La petite pause que s’est octroyée l’écurie Kfuel après les inoubliables festivités de leurs 20 ans leur aura donné un appétit d’ogre. Depuis leur reprise ils ne cessent d’enquiller les soirée inloupables et celle proposée dimanche soir au Bar’hic ne fera pas exception. Pour un prix ridicule une fois de plus, ils vous permettront en effet de savourer coup sur coup deux merveilles de folk sombre et intense.
On y retrouvera avec beaucoup de plaisir le protéiforme projet de Michel Le Faou : The Enchanted Wood. A l’Antipode, au Jardin Moderne, aux dernières Trans Musicales ou plus récemment lors de l’Echo du Oan’s, au 1988 Live Club ou en ciné concert accompagnant le Frankenstein de James Whale… on a vu la bête s’incarner sous des formes multiples mais toutes aussi réjouissantes les unes que les autres. Monster Parade, l’inépuisable second album de la bande n’a cessé de revenir hanter nos platines depuis sa sortie fin 2012. Sur ce disque , Michel Le Faou est accompagné d’une partie de La Terre Tremble !!! (Julien Chevalier à la guitare, Paul Loiseau à la batterie), des copains de Fat Supper (avec Leo Prud’homme au piano, Pierre Marolleau à la batterie et André Rubeillon à la basse et à la guitare), de la tripotée des ex-Fordamage sur le morceau The Phantom Creeps et de chœurs fournis qui feraient pâlir d’envie pas mal de monde, puisqu’en plus des musiciens pré-cités, on y retrouve Astrid Radigue, Laetitia Sheriff, Tim Bewlay, Hélène Le Corre et Benoit Lauby. Bref, vous l’avez compris, Michel Le Faou sait s’entourer. Si vous ajoutez à cela que le garçon est un peu collectionneur/bricoleur d’instruments, amateurs de sonorités et de timbres souvent peu usités (on le retrouve régulièrement sur scène manipulant avec élégance un theremin) et particulièrement inspiré, vous aurez une petite idée de ce que peu donner ce projet aux ambiances sombres et oniriques et aux atmosphères très cinématographiques. En neuf superbes ballades de swamp-folk baroque ancrée au plus profond de la nuit, tout ce beau monde crée un univers légèrement angoissant mais surtout envoûtant qui prend toute son ampleur sur scène. Pour ce prochain rendez-vous, le projet prendra la forme inédite d’un duo avec le guitariste Julien chevalier de La Terre Tremble !!!.
Retrouvez Michel Le Faou interviewé par nos soins à l’occasion de son concert au dernières Trans Musicales.
Autre excellente raison de se déplacer, le très attendu King Dude sera également de la partie. Thomas Jefferson Cowgill est un drôle de lascar. Quand on passe son enfance tiraillée entre une mère new-age qui vous soigne avec des cristaux et un père qui vous emmène dans des églises baptistes tout droit sorties de True Detective où l’on prêchait dans des langues inventées pour montrer sa ferveur, on se construit forcément une personnalité hors du commun. D’abord attiré par les musiques extrêmes comme chanteur dans le groupe de Black Metal Book of Black Earth ou le hardcore de Teen Cthulhu, le monsieur s’invente pour plaisanter avec des potes un projet solo a capella qu’il intitule malicieusement King Dude (En hommage au Big Lebowsky peut être ?). Il finit par réellement enregistrer des morceaux chez lui seul avec sa guitare et le choc d’entendre sa voix nue le pousse à prolonger l’expérience. Il a depuis enregistré une impressionnante pelletée de disques où il développe une folk habitée, ténébreuse et gothique sur laquelle plane le fantôme de Johnny Cash ou les sombres brumes de Death in June et Current 93. L’intimidant colosse couvert de tatouages et son incroyable voix profonde et fissurée dégagent une présence magnétique qui devrait nous garantir le grand frisson sur scène.
Attention, la présence du monsieur a allumé pas mal de voyants sur les radars des amateurs de musique du coin les plus variés et, même si ce sera un dimanche soir, il y aura probablement pas de monde au Bar’Hic. Ne venez donc pas trop tard si vous voulez avoir une chance d’apprécier le concert de pas trop loin.
Dimanche 17 mai 2015 – au Bar’Hic, place des Lices, Rennes – 21h – 6 €
Comment conclure en beauté ce foisonnant week-end ? Et bien en jouant les prolongations lundi 18 mai au Terminus avec la très chouette soirée organisée par Tendresse et Passion qui n’aura jamais aussi bien portée son nom. OK, c’est le premier jour de la semaine, mais sachez que les concerts du lieu sont d’une ponctualité inégalée et que vous devriez pouvoir apprécier les deux concerts proposés sans avoir à puiser déraisonnablement dans vos réserves de sommeil de la semaine.
Car la soirée est à nouveau pleine de belles promesses. Première d’entre elles le duo composé du guitariste Michel Henritzi et l’accordéoniste japonaise A Qui Avec Gabriel (A Qui étant le nom de la dame et Gabriel celui de son instrument). Que ce soit en compagnie de Junko, Fukuoka Rinji ou encore Christophe Langdale dans Dusted son tout récent et très beau projet de folk-blues hanté et cinématographique, Michel Henritzi développe un jeu de guitare frondeur et délicat ou la légèreté n’exclue pas d’orageux nuages électriques. La tokyoïte A Qui a fait ses débuts en 2001 sur Tzadik, le label de l’immense John Zorn, avec l’épatant album Utsuho sorti sur en 2001 où l’on retrouvait en guest ce grand dingue d’Haino Keiji. Elle a également joué avec Kawabata Makoto, le chef d’orchestre des joyeux frappés d’Acid Mothers Temple.
Ensemble, ils improvisent autour de la musique Enka, chansons populaires japonaises d’une infinie mélancolie. Ils tissent avec une incarnation palpable une musique aérienne, délicate et solaire jouée à bras le coups comme un duo de tango sublime et désespéré. Préparez vous donc à quelque chose de bouleversant.
Au début de 2013, ce projet dont on n’avait jamais entendu parler, Eshôl Pamtais (ça se prononce quasi comme ça s’écrit), avait soudainement affolé nos oreilles avec la sortie d’un premier album Je respire très peu, merci. Pour nous, un des meilleurs disques (et de loin) de l’année. Car la musique d’Eshôl Pamtais aime à se jouer des étiquettes et s’amuse des évidences avec une fluidité déconcertante. Le talent du gars pour se balader dans les structures, les culbuter en quelques mesures, sans jamais perdre en fluidité prend à la gorge. Tout comme cette insolente facilité à garder le sens de l’équilibre en faisant le grand écart, sans jamais renier les mélodies vénéneuses. On en avait appris davantage lors d’une passionnante première interview [à lire là].
Les premiers lives en formation élargie (à six) n’ont fait que renforcer notre intérêt pour le désormais groupe. En plus d’Eshôl Pamtais (il préfère qu’on l’appelle comme ça) à la guitare, à la trompette et à la voix, on y retrouvait Christophe (Totorro) à la guitare, Matthieu (Mermonte, Korkoj, My Sleeping Doll) derrière la batterie, Ronan (Korkoj, Belajo, My Sleeping Doll) à la basse, Khallinn aux claviers tandis que Thierry assurait entre autre à la trompette (mais pas que). Pleins de trouvailles aussi bien scéniques que musicales nous ont ainsi fait écarquiller les oreilles bien grand. Les arrangements cubistes conduisant même à appréhender continuellement ces morceaux à l’âme pop sous de nouveaux angles. Portés par une paire rythmique impeccable, les entrelacs des deux guitares mêlés aux claviers s’y trouvaient ainsi parfois rehaussés par de magistraux contrepoints à la trompette. Alors certes, la musique d’Eshôl Pamtais est loin d’être simple et flirte tout autant avec le jazz que la no wave, la musique balinaise ou … Et on reste loin du compte. Mais les prémisses de cette aventure étaient plus que bigrement prometteurs.
Et voilà que les Rennais nous refont le coup de l’uppercut direct au tympan, illuminant notre conduit auditif d’un kaléidoscope d’étincelles sonores. Leur second album, Presciences de la Terre garde la même folle densité et nous colle illico les oreilles aux enceintes. Nous engageant d’ores et déjà à le remettre mille fois sur la platine (vinyle s’il vous plaît, en double LP) pour tenter d’en saisir toutes les nuances et géniales circonvolutions. La grande force du disque étant que si son premier abord se révèle plus périlleux que son prédécesseur, chaque nouvelle écoute en révèle et renforce l’insolente richesse et nous le rend à chaque fois plus indispensable.
Retrouvez la seconde et toute aussi captivante interview de la bande [par ici].
La sortie du disque nous a valu une petite tournée internationale rennaise intra-muros qui devrait vraisemblablement s’achever en apothéose au Terminus ce lundi. Ne manquez donc pas de découvrir ou de revoir une des formations rennaises les plus vivifiantes.
Lundi 18 mai 2015 – Le Terminus, 7 rue de Riaval, Rennes – 20h – 5 €