Ce mercredi 1er avril, les étonnants Eshôl Pamtais vous proposent de découvrir leur dense et sublime second album Presciences de la Terre. Autrement dit le premier disque de Poussière d’Époque (le label de Blindspot) en co-production avec le groupe lui-même. Et cela lors d’une release-party-session-apéro-acoustique pleine de surprises à partir de 18h30 chez le disquaire rennais. Et pour ceux qui veulent se faire la totale, vous pourrez enchaîner au Oan’s Pub le même soir : Eshôl Pamtais et Le groupe obscur s’y partageront l’affiche. Et si vous les avez manqués (ou si vous les avez adorés), vous pourrez les retrouver également le 7 avril à l’Antipode MJC pour un nouvel apéro-concert.
Les bougres nous ont fait le même coup ! Au début de 2013, ce projet dont on n’avait jamais entendu parler, Eshôl Pamtais (ça se prononce quasi comme ça s’écrit), avait soudainement affolé nos oreilles avec la sortie d’un premier album Je respire très peu, merci. Pour nous, un des meilleurs disques (et de loin) de l’année. Car la musique d’Eshôl Pamtais aime à se jouer des étiquettes et s’amuse des évidences avec une fluidité déconcertante. Le talent du gars pour se balader dans les structures, les culbuter en quelques mesures, sans jamais perdre en fluidité prend à la gorge. Tout comme cette insolente facilité à garder le sens de l’équilibre en faisant le grand écart, sans jamais renier les mélodies vénéneuses. On en avait appris davantage lors d’une passionnante première interview [à lire là].
Les premiers lives en formation élargie (à six) n’ont fait que renforcer notre intérêt pour le désormais groupe. En plus d’Eshôl Pamtais (il préfère qu’on l’appelle comme ça) à la guitare, à la trompette et à la voix, on y retrouvait Christophe (Totorro) à la guitare, Matthieu (Mermonte, Korkoj, My Sleeping Doll) derrière la batterie, Ronan (Korkoj, Belajo, My Sleeping Doll) à la basse, Khallinn aux claviers tandis que Thierry assurait entre autre à la trompette (mais pas que). Pleins de trouvailles aussi bien scéniques que musicales nous ont ainsi fait écarquiller les oreilles bien grand. Les arrangements cubistes conduisant même à appréhender continuellement ces morceaux à l’âme pop sous de nouveaux angles. Portés par une paire rythmique impeccable, les entrelacs des deux guitares mêlés aux claviers s’y trouvaient ainsi parfois rehaussés par de magistraux contrepoints à la trompette. Alors certes, la musique d’Eshôl Pamtais est loin d’être simple et flirte tout autant avec le jazz que la no wave, la musique balinaise ou … Et on reste loin du compte. Mais les prémisses de cette aventure étaient plus que bigrement prometteurs.
Et voilà que les Rennais nous refont le coup de l’uppercut direct au tympan, illuminant notre conduit auditif d’un kaléidoscope d’étincelles sonores. Leur second album, Presciences de la Terre garde la même folle densité et nous colle illico les oreilles aux enceintes. Nous engageant d’ores et déjà à le remettre mille fois sur la platine (vinyle s’il vous plaît, en double LP) pour tenter d’en saisir toutes les nuances et géniales circonvolutions. On ne pouvait manquer de leur(vous) en parler. Interview.
Alter1fo : Tu nous avais dit avoir sorti un premier album (entre autres !) pour trouver des musiciens. Il semblerait que c’est chose faite. Peux-tu nous parler de ces rencontres et des musiciens qui composent désormais le groupe ?
Eshôl Pamtais : Le fait de sortir l’album en physique m’a complétement facilité les choses pour me mettre en lien avec les musiciens. La matière est là, fixée sur le support. Les musiciens à qui j’ai fait écouter l’album ont eu une idée très claire de ce que j’imaginais et ont pu se projeter dans la musique. Et même pour moi, faire cet enregistrement seul m’a permis de savoir davantage où j’allais.
En gros, entre la sortie du 1er album et la formation du groupe, ça a pris une année pour avoir l’équipe actuelle.
Nous sommes désormais six et jouons depuis un peu plus d’un an ensemble. C’est Khallinn (claviers) que je connais depuis le plus longtemps. Matt, le batteur, nous a conseillé un bassiste (Ronan, qu’il connaît plutôt bien puisqu’ils jouent ensemble dans Korkoj). Christophe (Totorro) et Thierry dont m’avaient parlé quelques amis, sont arrivés très vite.
Lors de notre première interview tu nous avais dit que le second long format, Presciences de la Terre était déjà enregistré et que tu attendais de le sortir. On se pose donc la question : est-ce que le disque qui sort mercredi 1er avril est celui-ci, ou bien as-tu retravaillé les morceaux avec les musiciens qui t’accompagnent désormais ?
Le premier et le second album ont effectivement été pensés ensemble et font partie des mêmes sessions d’enregistrements, à quelques morceaux près. La forme du deuxième album a pas mal changé depuis, et j’ai rajouté des titres qui ne font pas partie des sessions de la Porcherie. Par exemple ‘Kookaboora’ et ‘En Chasse’ ont été enregistrés sur un sampler, donc impossible de séparer les pistes.
Où as-tu enregistré l’album ? En partie dans la porcherie, donc…
La majeure partie à la porcherie, oui. Les titres ‘Sam Od Sebe’ et ‘Presences Délétère’ ont été enregistrés au petit studio maison, mais à part ça, les voisins n’ont pas voulu que j’enregistre la batterie chez moi. Je ne sais pas pourquoi …
(Rires) Quelles étaient tes envies avec ce second album ?
Faire un beau vinyle ! Et en terme de son, avoir la meilleure qualité possible, d’où le format double. De toute manière, 50 minutes pour un simple, c’est pas le plus optimum. On n’a pas voulu « tasser » les sillons. En plus des enregistrements, le mixage et mastering ont été assez laborieux et ont demandé un long travail, mais c’est le jeu.
Et dernier point important, l’avoir pour les concerts ! C’était un peu juste niveau timing mais ça l’a fait.
Pour Je respire très peu, merci tu avais tout composé. Désormais tu joues avec d’autres musiciens. Tu nous avais dit avoir envie de laisser la musique s’affranchir de toi-même au contact d’autres. Comment cela se passe-t-il désormais ? Comment travaillez-vous ensemble ? Quels sont les apports de chacun ?
C’est ce qui se passe en ce moment. C’est allé très vite avec le groupe. On est ‘jeunes’ , dirons-nous, mais on s’est vite ‘captés’. En live, rien à voir avec les albums. Le son est travaillé différemment. Des parties sont ajoutées, enlevées. Tout cela est le fruit d’un vrai travail de groupe où nous nous sentons tous investis. Dans les répés, on cherche les arrangements ensemble, on tâtonne, on boeuffe. Ma musique n’est pas écrite sur partitions et par conséquent n’est pas figée, jamais. On cherche et trouve ensemble.
Ronan (bassiste) : La musique d’eshôl est très écrite, la principale difficulté réside dans l’assimilation du morceau, pouvoir le restituer à son image, coller au plus près pour avoir déjà une base mélodique et une structure qui colle et ainsi ne pas dénaturer l’essence du propos. Ce travail se fait de plus en plus facilement après une année passée ensemble. Oui, je me permets de dire aujourd’hui que c’est « facile » même si on est souvent déconcerté de prime abord lorsque Romain nous propose le nouveau morceau sur lequel on va bosser.
Pour moi, le travail premier consiste à tâcher de comprendre en quelque sorte comment le bonhomme fonctionne dans sa tambouille encéphalique ! Ca c’est le taf du début , de la rencontre, ensuite très vite, j’ai besoin de m’approprier la ligne de basse, la respecter, la jouer parfois un peu différemment pour apporter la petite touche qui servira au live; quelques minis arrangements mine de rien et puis faire monter la « sauce », on est là pour ça. Et puis évidemment ce qu’apporte chacun, c’est Son son, sa vibration intérieure. J’espère que ça va tenir car je trouve que le « groupe » Eshôl dans sa config actuelle est réussi pour cela. C’est naturel, ça marche quoi! A partir de là , plus de question à se poser, let’s rock!
Le disque s’ouvre sur Atabou Trahe avec son intro au piano. Était-ce évident que ce serait le morceau d’ouverture ?
Non, pas du tout ! L’idée de mettre ce morceau en ouverture est venue avec la mélodie de fin. Elle se diluait si bien dans les trompettes d’ouverture de ‘Toachildinthewind’ que ça paraissait évident.
Et puis c’est un morceau piano-voix assez court. Mais maintenant que j’y pense, ça aurait aussi bien pu être un morceau de clôture …
Comment s’est passé le choix de l’ordre des titres justement ? L’enchaînement des quatre premiers morceaux notamment est particulièrement réussi, avant une densité qui s’expose progressivement et un final qui se révèle de plus en plus free/barré sur les derniers titres.
L’idée de clôture avec ‘En Chasse’ et ‘Jettatura’ est venue tout de suite. Pour le reste, j’ai essayé plusieurs combinaisons.
Baladaeh m’a beaucoup fait penser à Robert Wyatt avec ses géniales errances vocales. Est-ce que tu as l’impression que pour cet album, tu as eu des références particulières lors de la composition ? Pour le premier, on t’avait parlé de The Residents, Zappa, Captain Beefheart, Syd Barrett. Tu avais complété avec (entre autres) Ornette Coleman, Archie Shepp, Don Cherry, Théolonious Monk, June of 44, la musique balinaise, Cheval de Frise, Gong, The Soft Machine…
Ça fait plaisir ça ! Pas vraiment ; j’ai découvert plein de belles choses entre temps, comme Meridian Brothers, Masters (une formation greco-anglaise incroyable), mais mes références sont les mêmes, un peu éparpillées.
Je suis toujours surprise par cet attachement aux mélodies pop qui affleure dans vos compositions pourtant bien alambiquées. Je pense à un titre comme Kookaboora, qui se révèle aussi addictif et immédiat que l’était Lo is Hele, sur le premier album. C’est volontaire ?
Comme Lo Is Hele, Kookaboora est une rengaine folk qui est probablement plus « accrocheuse ».
Dilution est une étonnante parenthèse sur l’enchaînement Dilution/Iotaciste à bulles Veuves. D’où viennent les samples qu’on entend ? On retrouve également ce jeu parlé(bourré)/cut up sur Celina, plus loin…
Je ne vais pas dévoiler toutes mes sources, mais on peut y entendre des gens jouer aux raquettes de plage et un guitariste des années 60 enregistré au dictaphone lors d’un concert. Parmi un vieux piano et un ami en Kabylie via Skype… Sur Dilution, c’est un pote que j’ai enregistré et ralenti, ce qui donne l’effet ‘bourré’ et qui discute avec Khallinn Boudd.
‘Celina’ veut dire « la terre ferme » en slovène.
D’ailleurs on en profite : qu’est-ce que c’est que ce Iotaciste à bulles veuves ? Toujours un jeu sur les euphonies ? Tu aimes toujours intégrer des jeux sur la sonorité des langues…
Un ‘iotaciste à bulles veuves’ est quelqu’un qui prononce « mal » certains mots et qui ne se fait pas comprendre. En B.D. ça donnerait un personnage dont les phylactères (bulles) seraient sans réponse de la part des autres personnages, faute de le piger.
Le dernier titre de l’album, Jettatura, se démarque par sa longueur et sa forme encore plus barrée que celle des autres morceaux (qui sont pourtant déjà fournis en kaléidoscopes d’idées). Comment l’as-tu conçu ?
Pour ‘Jettatura’, tout est parti du sample que l’on entend au début. Je l’ai construite autour de l’idée du mythe napolitain du « mauvais œil », mais finalement, on est plus proche de la magie blanche dans le texte.
La pochette du disque, à l’image de la musique qui fusionne plusieurs directions, est une nouvelle fois un assemblage d’images différentes, découpées, collées. Les visuels qui accompagnent la release party participent de la même esthétique. (Plus anecdotiquement), sur l’affiche de l’apéro-concert à l’Antipode, le visage des musiciens est remplacé par un gros œil. C’est un hommage aux Residents ?
Non, mais le lien est évident, c ‘est vrai.
Le disque sort en vinyle le 1er avril sous la forme d’un double LP. On est pour notre part super content du format vinyle. Pourquoi avoir choisi ce support ?
Parce que j’ai toujours écouté des vinyles, ça me paraissait logique. Si on avait pu, on aurait fait pareil pour le premier, mais le vinyle a un prix… Blind Spot nous a aidé, et pour le reste, j’ai vendu tout ce que j’avais (^^). Donc oui, nous aussi on est contents !!
Le 1er avril vous proposez donc une soirée release party en deux temps. Est-ce que tu peux nous en parler ? Pourquoi avoir choisi Blindspot ?
Justement parce que ‘Presciences de la Terre’ est le premier album qui sort sous le label ‘Poussière d’Époque’, créé par Pierre et Fred de Blind Spot. On a donc réfléchi ensemble la ‘release party’ du 1er Avril. On vous concocte un concert spécial, en acoustique, à 18h30, ponctué de surprises et de vin bio !!
Vous serez également au Lieu Unique à Nantes le 10 avril et à l’Antipode le 7 pour un apéro concert. Est-ce que tu peux nous parler de ces deux dates ?
L’Antipode nous a proposé une résidence suite à l’annonce de la sortie de l’album. La clôture de la résidence donne lieu à un apéro-concert public (19H le mardi 7 avril).
Et pour le Lieu Unique, on joue dans le cadre du génial festival ‘Un Week-End Singulier’. Nous jouons en première partie du Wild Classical Ensemble et de Richard Dawson, un folk man que je vous recommande chaleureusement.
On se souvient que pour votre concert au Jardin Moderne vous aviez apporté un aspect théâtral à votre prestation. Pourquoi cette envie et est-ce que c’est une voie que vous souhaitez continuer à explorer ?
Le fait d’apporter un aspect théâtral n’est pas franchement volontaire mais c’est une exploration vers laquelle on tend naturellement en live.
On aimerait bien continuer dans cette voie, mais pour l’instant, on s’attache plus à instaurer des ambiances particulières selon les morceaux, et les transitions nous aident bien pour ça.
Comment ça se passe d’ailleurs, comment s’articule ce passage du studio au live (et vice-versa) maintenant que vous êtes un groupe ?
Alors, tout comme sur le premier, je suis seul sur l’album.
Il y a des invités, mais cette fois-ci encore, vous n’aurez pas le privilège d’entendre le reste du groupe, excepté Khallinn qui apparaît plusieurs fois.
Une chose est sûre, ils seront sur le troisième !
Pour finir, y a-t-il des projets à venir et y a-t-il quelque chose que tu voudrais particulièrement souligner ?
Oui, particulièrement.
(Rires) Merci !!
Crédits photo de groupe : Florent Pého
Plus d’1fos :
Le site d’Eshôl Pamtais
Le Bandcamp d’Eshôl Pamtais
Le site de Blindspot
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Release-Party du second album Présciences de la Terre
Mercredi 1er avril à 18h30 – Blindspot (36, Rue Poullain Duparc, Rennes)
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Release Party part II – Concert au Oan’s Pub avec le Groupe Obscur
Mercredi 1er avril à 21h – Oan’s Pub (1 rue Georges Dottin, Rennes)
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Apéro-concert à l’Antipode MJC
Mardi 7 avril à 19 h – Antipode MJC (2 rue André Trasbot – Rennes)
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Concert au Lieu Unique
Dans le cadre du festival Un Week-End Singulier
Vendredi 10 avril à 20h30 – Le Lieu Unique (quai Ferdinand-Favre, Nantes)