Electroni[k] – Contact in Vivo, capteurs de vibrations

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Dans la foisonnante programmation de Cultures Electroni[k], venait se nicher un quatuor de propositions particulièrement singulières. La série Expérience consacrée : «à la découverte de formes expérimentales et vitrine des avant-gardes» était là pour nous emmener dans de délicieuses explorations de territoires sonores atypiques, parfois déconcertants, mais toujours excitants pour les oreilles, les yeux et les pieds. Le quatrième et dernier volet nous conviait au Théâtre du Vieux Saint Etienne pour y découvrir les très belles expérimentations sonores tout en délicatesse de Bertùf ainsi que la géniale folie percussive des Contact in Vivo. Une réussite !

On commence pourtant par pester contre la Fnac qui nous a vendu des tickets pour une représentation à 16h30 alors que la prestation de Bertùf commençait à 16h. Résultat, on entre dans un Théâtre du Vieux St Etienne totalement plongé dans le noir, au beau milieu des expérimentations sonores délicates de Bertùf. Et autant dire que la musique de ce gars-là mérite bien mieux qu’une arrivée tardive comme un cheveu sur la soupe. C’est ce qu’on constate au bout de quelques secondes à peine, tant on est aussitôt fasciné par le travail du bonhomme.

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Dans un théâtre plongé dans le noir, la foule fait corps devant un choeur illuminé par une lumière qui semble tomber du plafond. Bertùf, au centre du halo lumineux, est penché sur un autel moderne plein de machines bricolées à l’aura mystérieuse. Une antenne comme celle des anciens postes de télévision, de drôles de claviers à curseurs, une fleur (?) et un gros élastique attaché par le biais de pinces-crocodiles, une tablette numérique, et surtout, de chaque côté du musicien, deux grandes plaques de bois couvertes de petites sortes d’agrafes électroniques au-dessus desquelles sont suspendues deux grandes ficelles de plusieurs mètres au bout desquelles pend un petit appareil (micro ?).

On comprend rapidement que le musicien, qui crée également des logiciels, fabrique lui-même ses instruments et les sons qu’il produit. Tout en nuances, la musique de Bertùf se développe par petites touches subtiles, souvent aériennes. Des sons délicats, aussi minutieux que fragiles, prennent place dans cet assemblage sonore plein de nuances. Les différentes textures, qu’il s’agisse de sons abstraits ou concrets, forment une sorte d’ambient éthéré, qui vagabonde de la pénombre du transept au halo de lumière sous une voûte de bois et de pierres centenaires. Magique. Au final, on aurait eu très envie de se laisser happer davantage par la subtilité du voyage sonore proposé par Bertùf, d’autant que lorsque le musicien lance l’immense ficelle à côté de lui, pour un balancement sonore des plus aériens, on reste bluffé. On se promet donc de suivre ses prochaines prestations à l’avenir. Mais sans prendre nos billets à la Fnac.

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On se déplace ensuite dans la nef du Vieux St Etienne au centre de laquelle, une estrade couverte d’un amas hétéroclite d’objets de récupération servira de scène au collectif poitevin Contact in Vivo. De part et d’autre de la petite scène, une console pour l’éclairagiste et les deux sonorisateurs qui gèrent également mix et effets. Ces derniers se retrouvent ainsi au centre de la performance, au même titre que les trois musiciens qui vont monter sur la scène au milieu du public qui les entoure. La performance de Contact in Vivo repose en effet sur le rapport au spectacle et au lieu de concert.

Ainsi tous leurs instruments sont en réalité des objets et des accessoires de la scène détournés de leurs fonctions premières. Vieux projecteurs, cubes lumineux, tabouret scié, extincteur évidé, lampe brisée ou ventilateur vont ainsi servir de toms de batterie, de la caisse claire au tom basse, en passant par les symbales-ventilateur ou les cloches lampe ou extincteur ! Il nous semble même que les lumières créent parfois du son, tels ces projecteurs rotatifs maniés par l’éclairagiste, utilisé à l’intérieur même des morceaux.

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En parallèle, on imagine que la volonté de Contact in Vivo de jouer au milieu du public et de partager le même son avec les spectateurs (on n’est pas dans une configuration retours-sons pour le groupe, haut-parleurs en façade pour le public) est une manière d’interroger la distanciation entre acteurs et spectateurs et de mettre spectateurs et artistes sur la même scène à partager. On s’interrogera même durant la performance, à propos d’un spectateur (?), qui, sandales aux pieds, fait plusieurs fois le tour de la scène en dansant pour finir par grimper sur l’estrade en continuant sa danse giratoire autour des trois percussionnistes, pour le moins hilares.

Quand les trois joyeux drilles commencent à jouer, on rentre immédiatement dans ce grand raout percussif qui débute en douceur mais gagne très vite en puissance. Percussions corporelles, aussi visuelles que sonores, se mêlent  aux battements répétés à l’aide de baguettes de toutes sortes (mailloches, rods, balais, mais aussi tournevis !) sur les projecteurs de différentes tailles ou de pédales de grosse caisse décochées avec force sur les cubes lumineux. On aime également que les Contact in Vivo jouent des qualités propores au matériau utilisé, tel ce projecteur allumé sur lequel les balais dansent tels des feux follets lumineux. Visuellement, c’est totalement jubilatoire.

Mais c’est tout aussi excitant pour les oreilles. Ca crépite, ça rebondit, ça catapulte. Ca breake et ça repart, c’est inattendu et en même temps évident. On a un vrai coup de coeur pour la cloche-extincteur, pendue à un long fil au dessus des percussionnistes, qui sonne merveilleusement bien mais joue aussi les facétieuses en se balançant, rendant les coups de baguettes plus hasardeux !

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Si Mathieu Guérineau et François Perault sont expansifs derrière leurs instruments, Marion Danton garde quant à elle les yeux fermés durant toute la performance, nous faisant prendre conscience du niveau de concentration qu’il faut conserver pour parvenir à maîtriser à la perfection cette célébration percussive. On prend également progressivement conscience que Contact in Vivvo cherche à jouer sur la texture sonore, jouant sur le timbre de chaque instrument et mettant la vibration de la matière au coeur de ses compositions.

Pour finir, on applaudit aussi des deux mains le choix de Cultures Electroni[k] de proposer ces performances au Théâtre du Vieux Saint Etienne. L’un des axes de la programmation de Cultures Electroni[k] est en effet de permettre à des propositions artistiques de rencontrer un lieu. On sait à quel point le théâtre du Vieux St Etienne est déjà magique avec sa haute voûte, ses poutres de bois et ses vieilles pierres. Mais les deux propositions artistiques de ce samedi ont encore magnifié le lieu, comme celui-ci a, dans un même mouvement, donné encore davantage d’impact aux deux performances, qu’il s’agisse de Bertùf au centre du choeur dans ce halo de lumière ou de ces lumières dansantes sur les parois de l’église, sortes de vitraux modernes mouvants, dans un ballet orchestré par Contact in Vivo.

On vous l’a dit : une réussite !

Photos et titre : Caro

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Cultures Electroni[k] a lieu du 8 au 14 octobre 2012 à Rennes. Plus d’infos sur le site de Cultures Electroni[k].

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