Gros plan sur le court-métrage Une Balade à la Mer avec le réalisateur Damien Stein, qui nous parle du périple de Gilles et de la réalisation de cette formidable histoire.
Si vous lisez régulièrement Alter1fo.com, vous connaissez probablement Damien Stein : il est le réalisateur des vidéos que vous pouvez retrouver sur notre site. Réalisateur depuis un peu plus de 4 ans, il a démarré dans le documentaire avant de se lancer dans la réalisation de clips (depuis Des mots à leur place, un faux documentaire qui prend la forme d’un clip avec Doc Brrown). On a notamment en mémoire le très réussi Tube à Essais de Micronologie.
Mais on l’a rencontré pour nous parler d’un projet plus personnel, le court-métrage d’animation Une Balade à la Mer, qu’il tente de finaliser avec l’aide des internautes (par le biais de KissKissBankBank, qu’il nous présente à la fin de cette interview).
On a visionné les premiers extraits du périple de Gilles et on a été touché par la mélancolie qui se dégage de ce petit personnage de 35 cm, évoluant lentement dans un frénétique environnement visuel et sonore. On a forcément envie de découvrir l’histoire complète, notamment pour la bande-son originale et créative, co-réalisée avec Dj Netik. Rencontre avec un réalisateur passionné, qui aimerait pouvoir permettre à Gilles d’aller au bout de sa quête. Interview.
Alter1fo : Si tu devais te présenter en deux, trois mots, que dirais-tu ?
Damien Stein : ordonné, désordonné, réordonné (rires)
Tu as réalisé des clips, des documentaires, comment est née l’idée du court-métrage d’animation Une Balade à la Mer ?
Quand je suis arrivé à la fac de Rennes 2, je me suis retrouvé dans un atelier de création en film d’animation : il y a un scénario qui m’est venu à l’idée, mais avant le scénario, l’envie était de réaliser un film d’animation en extérieur. Je ne me permettrai pas de parler de film expérimental (on n’a rien inventé sur ce projet), mais la démarche est très particulière. On s’est entendu dire qu’on faisait n’importe quoi à plusieurs reprises. Car là, on parle effectivement d’un pari : c’est le projet le plus difficile que j’ai pu faire, en terme de pratique et de technique. Le film d’animation, c’est théoriquement 24 images/seconde, donc il faut 24 images pour faire bouger le personnage pendant une seconde. En gros, on réalise quelques petites secondes en une journée.
On a réalisé un film de 3 minutes et 30 secondes en quinze jours : on a notamment bravé la pluie, même si on en prenait notre parti. L’idée du projet était d’utiliser ce qui allait se dérouler devant nous.
Jouer sur les accidents.
Oui, il fallait que ça rentre en ligne de compte. Dans l’intention de départ, on voulait que ce personnage galère durant son trajet. Quand les gens se pointent face à lui ça donne des explosions de lumières et de couleurs : et il doit passer à travers ça avec son petit scooter.
Dans l’extrait qu’on a vu, il y a une sorte de mur face à lui.
Ce mur là est à la fois visuel et sonore. Pour le visuel, ça apparaît évident dans l’extrait, moins pour le sonore.
Tu as justement composé une bande-son qui figure dans l’extrait, mais qui ne sera pas la bande-son définitive.
Oui l’extrait que l’on entend a été composé par mon alter ego en création musicale, Mecanicule. Le principe sonore espéré est le suivant : pour chaque image vécue par Gilles, dans chaque déclenchement de photo, il y a un son qui y est associé. Si une voiture passe, on doit entendre un bruit de frein ou de klaxon : une seconde représentera 24 déclenchements de sons. En théorie, il entend un son pour chaque image qu’il voit. La bande-son sera une successions de fragments sonores. C’est l’idée de base. Je voulais que ce soit une partition de musique concrète exacerbée.
Dj Netik va notamment participer à la création sonore, non ?
Oui, j’ai eu l’idée de lui proposer ça après notre premier clip. Je sais qu’il s’intéresse à tout en terme de son, et le fragment, ça le connaît : il n’est pas à sa place pour rien (3 fois champion du monde de scratch!). On va bosser sur une idée de fragmentation, et de montage de fragments. Il va m’aider là-dessus, parce qu’il est hyper rigoureux, carré, et il a plein de bonnes idées (rires).
Ca va donner une bande-son très particulière.
J’ai parfois envie qu’elle soit par moments inécoutable. Ce n’est pas censé bercer. Au même titre qu’il y aura des éclairs d’images, on doit avoir des éclairs de sons. Une composition de musique concrète le plus proche possible de la réalité, de la réalité de Gilles, le personnage. Un joyeux bordel ! (rires)
Tu peux nous parler des gens qui ont bossé avec toi sur ce court-métrage ?
Un projet de film est la plupart du temps un travail d’équipe. C’est un regroupement de personnes ayant chacun une spécialité technique ou artistique (souvent les deux). Sur un film d’animation, il y a des artistes techniciens presque à chaque poste. Je vais m’attarder sur les trois personnes qui ont presque fait le film à ma place (rires) : Goulwen Merret a eu une place prépondérante dans la création du projet. Il a participé au design des personnages, a leur fabrication (accompagné d’une équipe de choc), et a fait l’animation sur le tournage. Une autre personne qui a eu un rôle majeur est Suzie Letexier. Là on parle plus de production et d’assistanat à la réalisation. Un poste difficile et indispensable pour le bon déroulement des événements (on a tourné dans dix lieux différents avec d’assez lourdes contraintes: parc, train, plage, rue, gare…). Sans oublier Julien Guillery, le chef opérateur, qui a du déclencher un nombre incalculable de fois l’appareil photo dans des conditions climatiques incontrôlables et parfois très compliquées, tout en gardant une certaine homogénéité.
Peux-tu nous parler de Gilles et de son périple ?
Gilles est un personnage qui a pour objectif de libérer son poisson rouge, mais qui va se retrouver par extension à libérer des animaux marins qui n’existent pas pour nous, mais qui ont une existence dans sa vision des choses. Il va les prendre avec lui sous son manteau, et une fois arrivé à la plage, il va ouvrir son manteau pour les libérer tous. Un sorte de Noé avec un trench-coat, qui aide une espèce à survivre.
Une forme de rédemption ?
Son rôle de rédempteur se situe dans la prise en compte de personnages de fiction, que nous ne voyons plus. On aimait bien l’idée de le voir en sauveur d’un groupe de personnages fictionnels qu’il était le seul à voir.
L’image va très vite, les humains ne s’arrêtent pas sur lui, ils courent sans arrêt.
Nous sommes réduits à 1/24ème d’image-seconde. Ce personnage est beau dans sa lenteur. Il prend un sens très mélancolique, voire triste. On voulait en faire un personnage qui ressemblerait à la fois à Hitchcock et Gilles Deleuze. On voulait que ce soit un grand penseur de son temps. Mais uniquement dans cette narration, qui n’a pas lieu d’être plus philosophique que ce qu’on y voit. Pour l’analogie, on voyait bien ces deux grandes figures du cinéma et de la pensée.
Combien de temps pour la réalisation ?
15 jours pour la partie tournage. Mais au final, c’est plusieurs mois de travail : entre le moment où l’idée a été pondue et le moment où on a commencé à fabriquer le personnage, il y a déjà eu plusieurs mois. Puis à peu près un an entre la création du personnage et le tournage.
J’imagine qu’il y a pas mal de contraintes techniques pour faire évoluer un petit bonhomme de 35 cm dans la ville ?
On a bien géré la préparation de notre personnage pour qu’il tienne debout. On pouvait le faire évoluer sans avoir à lui mettre trop de cales, même s’il y en a eu de temps en temps. On est aussi passé par le scooter (rires) : c’était un sacré avantage ! Le scooter a des cales tout le temps : d’où le gros travail de post-production, puisqu’il faut effacer les cales image par image.
Le projet est quasiment finalisé, le montage est quasiment terminé, et il reste justement toute cette partie post-production : je suppose que c’est un boulot spécifique ?
C’est surtout un boulot qui est très fastidieux ! (rires) Il s’agit en l’occurrence d’effacer image par image tout ce qui n’est pas censé être à l’image. Au tout début du film, on voit par exemple Gilles face à son poisson rouge flotter dans son bocal rempli d’eau : pour faire tourner le poisson rouge, il nous a fallu mettre des poids et des fils de nylon, et on faisait avancer le poids pour recréer un mouvement fluide en image par image. Donc il faut effacer les fils sur chacune des images.
Il faut aussi effacer les cales du scooter : on le voit pendant la moitié du film, donc beaucoup de boulot aussi.
Et puis il y a un gros morceau, le plan final du film. Quand Gilles ouvre son manteau, tous les animaux sautent : on a utilisé une grande perche sur laquelle on fait glisser tous les animaux les uns après les autres, donc là aussi, pas mal de choses à effacer. C’est un plan qui nous a demandé un boulot de titans, parce que j’ai eu la bonne (?) idée d’y rajouter un travelling circulaire (la caméra tourne autour du personnage).
Il y a une certaine beauté là-dedans, car ça ne se verra pas. Certains spectateurs ne se rendent pas compte de ce que ça implique réellement. Les gens veulent qu’on leur raconte une fable, et l’aspect technique n’en intéressera que certains. En animation, on pense peut-être plus aux contraintes techniques, notamment quand on voit les erreurs (rires).
Justement, pour tout ce travail de post-production, tu as fait appel à KissKissBankBank : peux-tu nous en parler ?
Il y a quelques sites qui se sont créés ces dernières années pour permettre de faire du financement participatif. Tu proposes un projet, puis tu fais un appel à la contribution des internautes. Tu dois fixer un certain nombre de paramètres (ici 1500 euros en 40 jours). Je n’ai pas besoin d’énormément d’argent, puisque les 1500 euros me serviront spécifiquement pour la post-production.
Puis tu proposes des contreparties aux internautes en fonction de la somme versée. Des remerciements qui apparaîtront au générique (pour 10 euros versés) jusque à 500 euros et le nom qui apparaît comme producteur.
J’ai bien aimé la démarche de ce site, car il participe à l’accompagnement du projet : entre le moment où j’ai proposé mon projet et sa mise en ligne, ils m’ont appelé plusieurs fois. Ils prennent évidemment un pourcentage, mais seulement si le projet atteint son objectif. Si je n’obtiens pas les 1500 euros, je n’obtiens rien, mais eux non plus.
Ils ont tout intérêt à avoir des projets fiables qui atteignent leur objectif.
Effectivement. Ils participent au développement du projet, ils peuvent mettre en avant un projet pour lui permettre d’atteindre son objectif.
Quand le projet sera finalisé, comment envisages-tu la distribution d’Une Balade à la Mer ?
Le court-métrage est un format particulier. Comme ce court-métrage n’est pas produit pas une boite de production qui va assurer derrière le travail de distribution, je vais faire la distribution tout seul, en visant prioritairement les festivals.
Mais le plus important est d’aller au bout de ce projet, pour pouvoir raconter cette histoire.
Merci Damien !
Merci à vous !
Si vous avez envie de découvrir plus précisément Une Balade à la Mer, et de participer à la finalisation de ce très beau court-métrage :
Le projet Une Balade à la Mer sur KissKissBankBank
On espère juste que Gilles réussira à aller au bout de son périple…