« À fleur de peau », Claudine-Odette Coignard expose au Bar à Mines

C’était chouette, enchanteur et surtout revitalisant ! Comme une renaissance après la longue épreuve du confinement causée par la pandémie de covid-19. En 2021, le festival « L’art en bars » et son collectif homonyme nous avait alors permis de découvrir les œuvres de Claudine-Odette Coignard. Son travail nous avait alors immédiatement tapé dans l’œil, comme un LBD lors d’une manifestation de gilets jaunes. Et depuis, on se plaît à regarder ses créations qu’elle publie régulièrement sur les réseaux sociaux.
La semaine dernière, nous avons retrouvé l’artiste dans un bistrot bien connu des amateurs et des amatrices de BD, le Bar à Mines, rue Saint-Hélier. Cette fois-ci, ce n’était pas par hasard. Nous avions rendez-vous, et pour cause ! L’artiste y présente une exposition jusqu’au 15 mai intitulée « À fleur de peau ».

Exposition : Claudine Odette Coignard
Exposition : Claudine-Odette Coignard

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Claudine-Odette Coignard s’adonne à la photographie depuis son adolescence. La mode du selfie posté sur les réseaux sociaux n’étant pas encore née, elle capturait à l’époque avec un vieil appareil argentique « ses copines, qui, à la manière de top-modèles ou de mannequins professionnelles, prenaient la pose.* » Et puis les années passent. Claudine-Odette Coignard entre à l’université.

La peinture figurative « à la Jackson Pollock » prend alors pas mal de place dans sa vie. Des portraits, beaucoup, composeront une série sur la « décadence post-humaine ». Mais l’exercice se heurte à des limites. Se sentant arriver à la fin d’un cycle, Claudine-Odette Coignard délaisse les pinceaux pour se consacrer à nouveau à la photographie. Investie, curieuse, touche-à-tout, elle développe son savoir-faire dans sa modeste chambre de Cité-U. « Je faisais tout toute seule, la prise de vue, les poses et le développement de négatifs. »

Autodidacte, influencée par l’art contemporain, notamment par la pratique du « All-Over » (qui consiste à répartir des éléments sur la surface entière d’un tableau de façon plus ou moins uniforme, NDLR), l’artiste crée de manière instinctive. La technique viendra plus tard. « Je ne sais toujours pas me servir d’un minuteur, je compte toujours dans ma tête (rires). La seule formation que j’ai eue fut donnée par le photographe qui habitait en bas de chez moi. Il m’a montré en une après-midi les bases. » Simple. Basique. Pourtant, l’avantage d’expérimenter soi-même est de développer un univers singulier, une identité propre et facilement reconnaissable.

Mais comment décrire le sien ?

Exposition : Claudine Odette Coignard
Exposition : Claudine-Odette Coignard

Tout d’abord, l’introduction visible sur sa page Facebook nous donne quelques indices : L’image comme langage esthétique pour parler de la précarité de la réalité. Réappropriation intime.

Ensuite, son travail, composé de nombreux clichés en noir et blanc, fait penser à celui de la célèbre photographe Francesca Woodman. Une de ses profs de fac le lui avait même fait remarquer bien avant qu’elle ne prenne connaissance du travail de l’Américaine.

Enfin, même si l’exercice est compliqué et à cause de nos relances successives, Claudine-Odette Coignard résume ses œuvres comme étant « de l’expérimental, sans être expérimental ». Pour comprendre, il faut revenir aux origines. Garder à l’esprit l’influence déterminante des peintres comme Jean-Michel Basquiat. Ici, on célèbre le geste impulsif, on élève le mouvement incontrôlé. Claudine-Odette Coignard fige l’instant. Sans prévoir, ni orchestrer. Elle nous partage cette anecdote sur la série de photos montrant un marteau. Elle raconte : « Un dimanche, en montant au grenier, je le découvre posé là, sur le sol… J’ai ensuite improvisé avec mon appareil, tout simplement. » Saisissant chaque moment in situ avec une authenticité brute, les éléments deviennent les protagonistes d’une histoire visuelle captivante. Et c’est ce que l’on apprécie, devant ses photos, nous sommes vite pris au dépourvu. L’artiste sait créer un univers où s’entremêlent plusieurs sentiments. Parfois contradictoires, souvent complexes. Tout à tour : beauté, légèreté, énergie, mais également trouble, inquiétude, malaise. On se laisse alors porter vers des songes que seule l’artiste nous donne à explorer. C’est ici la force de l’artiste que de transformer sa propre réalité tout en faisant résonner la nôtre.

Exposition : Claudine Odette Coignard
Exposition : Claudine-Odette Coignard

Aujourd’hui, que ce soit avec un appareil numérique ou argentique, Claudine-Odette Coignard photographie les corps. Le sien, souvent. Les autres, parfois. L’apparence et le paraître ne sont pas simplement une surface à capturer, à figer, mais un filigrane subtil tissant des récits cachés entre les lignes de chaque photographie. Ne dit-on pas que lessentiel est invisible pour les yeux ? « Même si cela ne se voit pas au premier abord, je suis une personne qui manque de confiance en soi, et qui reste peu sociable. La photographie me permet de créer une distance entre les corps que je photographie, et le mien, avec lequel je ne suis pas souvent à l’aise. »

La photographie comme médiation thérapeutique ?

Impossible de répondre en quelques lignes, au risque de tomber dans une psychologie de comptoir. Le mieux pour connaître son travail est de venir justement au comptoir du troquet de la rue Saint-Hélier.  « Cette exposition est importante pour moi. C’est la première fois où j’ai créé une réelle scénographie autour des photos exposées. Toutes font partie d’un même ensemble. Une photo n’existe que parce qu’elle est entourée des autres. » Alors que certain·es puristes-réfractaires-au-changement pourraient se plaindre que tout part à vau-l’eau, soulignons que c’est la première fois qu’un·e photographe expose dans ce temple de la bande dessinée ! Gage de qualité assurée !

Exposition : Claudine Odette Coignard
Exposition : Claudine-Odette Coignard

* Entretien du 11 Avril 2024 avec Claudine-Odette Coignard
Bar à Mines – 74 Rue Saint-Hélier, 35000 Rennes


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