Le Grand Soufflet lui renouvelle sa confiance : rencontre avec l’artiste pluridisciplinaire Cécile Aurégan

L’affiche d’un festival est un objet précieux. Souvent, c’est elle que nous découvrons en premier avant de scruter en détail la programmation, groupe après groupe, artiste après artiste. Elle donne le ton, l’ambiance et établit l’univers de l’événement. Il y en a même qui les collectionnent, d’autres font des classements. (Voir celui de TOPAFF 2023 : les 100 plus belles affiches de festivals, NDLR.)
Depuis 2022, le festival que nous adorons par ici, Le Grand Soufflet, fait confiance à Cécile Aurégan pour concevoir ses visuels. C’est l’occasion idéale pour nous d’en apprendre davantage sur cette artiste pluridisciplinaire et touche-à-tout rennaise, désormais exilée à Nantes (mais pour ça, on ne lui en veut pas trop, NDLR.)

Alter1fo : Bonjour Cécile, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Cécile Aurégan : Bonjour ! Alors, je m’appelle Cécile Aurégan, je suis née à Rennes et vis actuellement à Nantes. Je suis illustratrice, peintre, plasticienne et illustratrice textile. Je réalise également de nombreuses fresques. En parallèle, je joue du clavier dans le groupe musical « Île de Garde », formé en 2020 avec deux de mes proches copines.

■ Comme Obélix tombé dans une marmite remplie de potion magique, j’ai l’impression que vous aussi, dès votre plus jeune âge, vous avez côtoyé très vite le monde artistique, non ?

En effet ! Mon père, professeur aux cours du soir aux Beaux-Arts de Rennes, ma mère, enseignante en arts plastiques, ont baigné notre foyer dans un univers artistique. Mon grand-père maternel était aussi sculpteur et prof aux beaux-arts d’Angers. J’ai donc grandi entourée par cet environnement créatif et foisonnant. Mes frères font aussi de la peinture ! Mais pour le coup, pour me distinguer et me démarquer, j’ai surtout fait de la musique étant plus jeune.

■ Comment définiriez-vous votre style ?

Il m’est difficile de répondre à cette question, car mon travail évolue constamment. À l’époque où j’étais étudiante, je réalisais principalement des œuvres en noir et blanc, avec des motifs et des compositions de petite taille. J’ai ensuite souhaité créer des œuvres de plus grande envergure, ce qui m’a amenée à utiliser des feutres, des pinceaux, et puis de la peinture. Mon objectif était de créer une impression de volume.

Aujourd’hui, mon travail est extrêmement coloré. Je me concentre toujours sur des formes rondes, des personnages et des jeux de lumière, marqués par des teintes de bleu et de rose. Mon univers est chaleureux, mais peut en même temps parler de sujets complexes, voire sombres.

■ Avant de débuter une œuvre, avez-vous en tête sa finalité ou cela vient un peu en la construisant, au fur et à mesure ?

Cela dépend du projet en cours. Pour une fresque, je dois absolument préparer des croquis. Ces œuvres sont souvent des commandes, et mes clients souhaitent avoir une idée précise du résultat final.

En revanche, lorsque je peins pour moi-même, il m’arrive de partir d’une image que j’ai en tête, mais le processus est souvent imprévisible : des surprises et des accidents surviennent, et c’est là toute la beauté du geste artistique. En créant, on expérimente et on découvre des éléments imprévus que l’on n’aurait jamais osé envisager au départ, ce qui est particulièrement intéressant.

Parfois, je peux commencer par prendre des photos, et il se peut que j’aie envie de les transposer en peinture. Je m’inspire de l’angle de la photo, mais mon interprétation est loin d’être réaliste. Il s’agit plutôt de traduire des inspirations concrètes en des œuvres personnelles et uniques.

■ Le thème de la nature se retrouvait régulièrement dans vos tableaux à vos débuts et encore sur vos fresques, pouvez-vous nous dire pourquoi ?

J’ai commencé à dessiner des plantes alors que je vivais dans un minuscule appartement à Bruxelles, où la nature se faisait rare (rires). J’avais besoin de couleur et de lumière, alors j’ai peint ce qui me manquait. Mon travail est une ode à l’environnement et à la nature, mais il est également très influencé par les motifs floraux universels que je concevais lors de mes projets de design textile.

Au fil des années, j’ai découvert l’artiste David Hockney, qui a su représenter la végétation à sa manière, riche et vivante avec des couleurs saturées très impressionnantes. Cela m’a inspirée et m’a donné, en quelque sorte, la permission de peindre des arbres en rose, par exemple. Ce sujet m’a toujours passionnée et continue de m’enchanter, notamment lorsque je réalise des fresques. C’est d’ailleurs souvent ce que l’on me demande. Cependant, dans mes œuvres personnelles, aujourd’hui, la nature est moins présente pour me concentrer également sur des thèmes plus humains.

■ Comment avez-vous été mise en contact avec l’équipe du Grand soufflet ?

L’histoire de sa collaboration avec le festival est une succession de coïncidences heureuses. À une époque, j’avais fait imprimer mes illustrations sur des sweats, et j’en avais vendu à quelques ami·es et connaissances, dont Titouan Massé, photographe rennais renommé et réputé, désormais résident à Paris. Alors qu’il travaillait pour La Route du Rock Hiver à Saint-Malo, il a attiré l’attention d’un collaborateur du Grand Soufflet. Séduit par le design du sweat, ce dernier lui a demandé plus d’infos, et c’est comme ça qu’il a été ensuite voir ce que je faisais. Et je crois qu’il a bien aimé. (rire)

grand soufflet
https://www.legrandsoufflet.fr/

■ Tu as travaillé l’affiche de l’édition 2022 du Grand Soufflet, quelles ont été les sources de ton inspiration ?

Tout en ayant carte blanche, l’équipe du GS m’a donné une ligne directrice à suivre, celle de créer quelque chose de radicalement différent, sans forcément mettre l’accordéon en avant, reflétant une programmation éclectique avec des groupes venant de divers horizons. L’idée première était de créer une affiche colorée et multiculturelle. J’ai donc rassemblé plusieurs de mes linogravures, de mes motifs et autres peintures antérieures, et j’ai créé un immense collage, comme un gros patchwork. J’ai ajouté un oiseau, symbole de légèreté et de souffle, superposé sur ce collage, ce qui a donné naissance à la première affiche.

L’équipe était très satisfaite, tellement qu’elle m’a proposé d’organiser une exposition. Faute de lieu, j’ai suggéré la galerie de mes parents à Bécherel, et nous avons organisé l’exposition en octobre 2022. C’était une expérience très sympathique et assez particulière de devoir exposé « à domicile ». Lors du vernissage, ce soir-là, la personne en charge de la communication a adoré mon travail et a totalement flashé sur un de mes tableaux intitulé « La bagarre », qui est devenu l’affiche de la saison suivante, en 2023. Comme il fallait un format paysage afin d’intégrer des animations, j’ai créé tout autour de ce tableau un décor afin que les personnages puissent s’y déplacer.

■ Et rebelote, cette année encore, tu proposes l’affiche de l’édition 2024 ?

Pour cette édition du festival Le Grand Soufflet, j’ai adopté une approche différente en créant immédiatement le décor, à la manière d’un vieux dessin animé. J’ai voulu changer l’ambiance en jouant avec le thème de la nuit et les effets de lumière. J’ai également introduit de nombreux personnages qui rappellent les affiches des années précédentes, comme l’oiseau et le cheval rouge, ainsi qu’un crocodile. Cette année, le personnage principal est masqué, et il peut déambuler à la manière d’une marionnette.

■ Au début de notre entretien, tu évoquais la musique, un autre art que tu pratiques aussi de manière régulière et assidue ?

La musique a toujours occupé une place essentielle dans ma vie. Pendant le confinement, j’ai repris mes synthétiseurs après une pause de plus de dix ans du piano. Ayant plus de temps, forcément, j’ai ressenti le besoin de composer à nouveau et je me suis plongée pleinement dans la musique, parallèlement à la peinture.

Depuis trois ans, la musique a pris une grande importance dans ma vie, en particulier avec mon groupe chéri, ‘Île de Garde‘, formé avec mes copines. Dans ce groupe, Morgane joue de la batterie et Clara, est notre chanteuse et parolière, est également notre égérie (rires). Toutes les trois, nous nous amusons beaucoup sur scène. Nous racontons beaucoup d’histoires et incarnons des personnages. Ce que je ne peux pas toujours exprimer dans ma peinture, je le réalise à travers la musique.

■ T’occupes-tu personnellement du visuel du groupe, pour la création des pochettes par exemple ?

C’est une question que je me suis posée. J’accorde beaucoup d’importance à l’esthétisme à la photographie, donc le visuel du groupe est très important pour moi. Il fallait quelque chose de cohérent. Cependant, la composition des morceaux me prend déjà pas mal de temps. Nous avons donc décidé que ce serait ma copine Clothilde Carton, une illustratrice incroyable avec un univers magnifique, qui illustrerait toutes les images. Elle a retranscrit nos chansons d’abord pour un logo, puis pour la pochette de l’EP. Je suis ravie de travailler avec elle, et je trouve ça toujours très chouette de travailler en équipe.

■ Actuellement, vous en êtes où ?

L’année dernière, nous avons eu beaucoup de concerts, une trentaine, ce qui était assez intense. Nous avons relevé de beaux défis avec des dates très intéressantes, notamment pendant Variations, un festival créé par le lieu unique, à Paris aussi au point éphémère, et une première partie de FFF devant 900 personnes.

Actuellement, nous recherchons plus des résidences pour pouvoir travailler la scène et le son avec une ingénieure du son, afin d’offrir des concerts plus qualitatifs et d’améliorer nos performances live.

■ Merci beaucoup ! Nous pourrons te retrouver au jardin du Thabor où tu tiendras un stand pendant un week-end au cours du Grand soufflet. 


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