[chroniques] Pour une poignée de plus de 2018

L’année 2018 touche à son inéluctable fin. Il nous reste cependant encore juste le temps de revenir sur quelques artistes locaux nous ayant enchanté les tympans cette année et dont nous n’avons pas eu (ou pris) le temps de vous causer. Séance de rattrapage pour quatre artistes rennais à nos oreilles aimablement égaux.

Encore une fois cette année, les amateurs rennais de musique dont les oreilles ne sont pas trop formatées, auront été plus que gâtés. Avec un minimum d’esprit d’aventure, il y a eu moyen d’un bout à l’autre de l’année 2018 de s’offrir de chouettes soirées concerts sur un rythme complétement effréné et pour des sommes ne dépassant pas le plus souvent les dix euros.
Au niveau sortie de disques locaux, ce fut également une très belle année. Nous vous en avons déjà chroniqué quelques uns chers à nos oreilles dans ces colonnes ou dans Music Machine, dont vous pouvez retrouver la liste en bas de cette chronique mais, le temps filant décidément bien vite, quatre des sorties sont restées dans notre trop longue liste des articles « à faire ». Petit quadruple rattrapage chronologique de dernière ligne droite.

Formation pop rennaise ayant les faveurs des oreilles altéristes et qui reste encore à notre avis encore bien trop confidentielle,  Megrim est principalement le projet d’Olivier Doreille (chant/guitare). Vous avez peut-être déjà entendu le monsieur dans Les Autres, chouette formation d’indie-pop abrasive ayant démarré dans les années 90. La suite de ses aventures continue d’avoir un charme assez imparable. Leur épatant second album Familles, est sorti en février 2018 sur le label de Seattle Jigsaw Records. En dix titres limpides, le groupe démontre haut la main sa maîtrise d’une indie-pop tour à tour rêveuse et incisive. Mélodies ciselées, chant mélancolique et murs de son shoegaze, tout y est pour un plaisir pop instantané. De l’imparable et euphorisant Come to fight en passant par le somptueusement émouvant A Boy ou l’étourdissant Restless, le disque recèle de pépites de rock abrasif et sensible aux arrangements subtils dont on pensait que The Notwist avait gardé le secret. Le disque est très régulièrement revenu sur nos platines cette année avec un plaisir d’écoute et une fraîcheur intacts.

Megrim, Families, chez Jigsaw Records, 16 février 2018

Nous avons découvert en mai 2017 Hazel Anne, sa basse et ses pédales lors de la très chouette release party du dernier EP de You’ll Brynner. Nous avions beaucoup apprécié en live son rock langoureux et électrique aux rythmiques appuyées sur lequel plane un chant féminin tour à tour enjôleur et fiévreux.  La jeune Rennaise a depuis sorti sur son bandcamp un premier EP Rustige Deis en décembre 2017 puis un second Baou en mars 2018. On y retrouve avec grand plaisir son goût pour les ambiances orageuses et les boucles ensorcelantes. En anglais ou en français, elle bâtit de splendides ritournelles ombrageuses d’un trip hop aussi chaloupé que personnel. Nous vous invitons donc plus que chaleureusement à jeter une oreille sur la musique de cette très prometteuse artiste, ou encore mieux, de la découvrir sur scène.

Hazel Anne, Baou, autoproduit, 13 mars 2018

Depuis déjà remarquablement longtemps, Daniel Pabœuf est un acteur essentiel de la scène rennaise. Depuis les années 80 (Marquis de Sade, Tohu Bohu, Les Nus), il a su conserver avec une fraicheur remarquable une soif inextinguible de projets et d’aventures musicales. Que ce soit avec Dominique A ou au sein de Trunks (en compagnie excusez du peu de Laetitia Sheriff, Régïs Boulard, Stéphane Fromentin  et Florian Marzano) le monsieur n’a cessé d’explorer, de renouveler, de pousser dans ses retranchements ce son de sax si envoûtant et caractéristique que Dominique A n’hésite pas à comparer à une voix. « Une  voix qui, en l’occurrence, ne vieillit pas, et qui se régénère, sans être altérée par les contingences, et en dépit d’un écho public bien en deçà de ce à quoi elle pourrait légitimement prétendre. » dixit monsieur Ané. Ce merveilleux bonhomme poursuit désormais ses aventures avec son projet initié en solo en 2007 :  DPU (pour Daniel Paboeuf Unity). Accompagné de Mistress Bomb H (laptop, voix), Nicolas Courret (batterie) et David Euverte (claviers), il a déjà sorti deux déjà très recommandables albums : DPU en 2008 puis Ce qu’il en reste en 2015. La belle bande revient en 2018 avec Golden Years, un troisième opus d’une fraîcheur et d’une vitalité remarquables. De nouveau enregistré et mixé avec talent par l’impeccable Thomas Poli, le disque garde l’esprit libre et émotif de ces prédécesseurs en lui ajoutant une délicieuse touche pop délurée. Entre jazz très libre, rock dada, expérimentations bruitistes indus, no-wave, Paboeuf ne choisit toujours pas mais équilibre le tout avec finesse dans des compositions plus immédiates. Il réussit à instiller avec un talent fou cette folle somme d’influences et d’inspirations dans des morceaux pétillants et débordant de la fougue de l’insatiable jeune homme qu’il continue d’être. Là encore, nous vous invitons donc à vous offrir l’écoute de ce disque aventureux et vivifiant, mais nous vous conseillons fortement de saisir l’occasion d’en découvrir la version live.

Daniel Paboeuf Unity, Golden Years,
Produit par Il Monstro prod et distribué par L’Autre distribution, 30 mars 2018

Nous concluons notre petit quatuor avec un disque tout récemment sorti. C’est en effet mi-décembre dernier que la Rennaise Mistress Bomb H (alias Hélène Le Corre) a sorti chez Kerviniou Recordz et Bruits de Fond son très attendu nouvel album. Le disque est dédicacé à James Brown, Cassius « Muhammad Ali » Clay et à toutes les femmes qui ont fait l’Histoire. Reprenant l’injonction des mouvements civiques noirs américains, elle clame en guise de patronyme : Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud.
En solo ou en compagnie d’Ex Fulgur : Noires sont les Galaxies ou de DPU (cf plus haut), nous suivons les aventures de la dame depuis déjà un certain temps et nous sommes ravis de la revoir en aussi grande forme. Nous l’avions pressenti lors de son mémorable récent concert lors de la célébration des 20 ans du Jardin Moderne, ce nouveau disque est un grand cru. Le côté hyper revendicatif des titres laissait augurer d’un disque ultra-agressif et rentre-dedans mais étonnamment, elle signe là son disque le plus directement accessible. On y retrouve bien sûr son flow acide et langoureux et son goût pour les sonorités dissonantes et les rythmiques au groove glacial. Sauf que ces compos se font finalement plus indirectement agressives et que c’est leur côté soul redoutable et insidieux qui prévaut sur l’ensemble. Parfaitement mis en valeur par un son impeccable, on savoure ces six titres entre dub malsain, hip hop noisy et punk-no-wave avec un plaisir constant et on reprend à plein poumons l’impeccable MLFMBH, hymne final concluant en toute beauté l’album.

Mistress Bomb H, Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud
chez Kerviniou Recordz et Bruits de Fond, 14 décembre 2018

Nos autres disques rennais de l’année 2018 :
Gordini, Fig1.01 Primesautière
Da Maybes, Modernisme EP
Février, EP
Papapla, Sounds of Papapla Vol 1
Mermonte, Mouvement
Fragments, Songs For Marge

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires