Bilan pensé par Isa, Solène, Yann, Mr B. (avec l’aide de plein de guests de luxe),
photographié à 4 mains par So et Mr B.
L’impressionnant enchaînement de péripéties n’aura finalement pas terni cette 25ème édition anniversaire de la Route du Rock, véritable réussite musicale et logistique. Retour sur une fête qui n’aura pas pris les atours attendus mais qui aura pourtant été plus que réjouissante.
C’est dimanche soir vers 22h40 qu’est organisée la désormais rituelle conférence de presse bilan de cette édition. Nous retrouvons sous la tente presse Alban Coutoux (communication et co-programmateur), et François Floret (président et co-programmateur). On nous annonce d’emblée que la rencontre sera courte car les organisateurs tiennent absolument à assister à l’imminent concert de Ride. On sent aussi que les deux compères accusent le coup d’une dernière semaine riche en émotions fortes. En effet, si les valises sous les yeux sont en général de rigueur pour cette réunion, il faut avouer que cette année ils ont l’air tout simplement laminés.
Emotional Landscapes
Ils commencent d’ailleurs par revenir sur le récit de l’incroyable succession de catastrophes et de coups de bol monstrueux qui se sont enchainés depuis le 5 août. Tout démarre par l’annonce fracassante de l’annulation du concert de Björk, tête d’affiche majeure logiquement ultra mise en avant dans la communication du festival. Entre « conflit d’agenda » et « l’album trop douloureux à jouer en live » la raison exacte de ce revirement de dernière minute reste obscur. Ce qui complique d’ailleurs la tâche des organisateurs pour les démarches auprès de leur assureur. Comme il est de coutume pour la plupart des artistes, la moitié du cachet a été versée en amont du concert (on ne connait pas le montant mais avec 120 000 € pour faire venir les Smashing Pumpkins on peut imaginer) et rien n’est encore sûr sur le retour de cet argent. François Floret raconte la course contre la montre pour trouver un remplaçant à la hauteur en un temps record. Ils font le tour de leur carnet d’adresse et arrivent à trois noms : New Order, Tame Impala, Foals. Ces derniers leur confirmeront que, miracle, ils ont bien un trou dans leur agenda et qu’ils sont bien partants pour revenir une troisième fois à Saint-Malo. En 24h, le remplaçant était trouvé. « Foals, c’est le genre de groupe qui regarde encore l’endroit où ils vont jouer et pas seulement le montant du chèque. » explique F. Floret. Sauf que les organisateurs ont dû vraisemblablement causer dans leur jeunesse le crash d’un car de sorcières : le sort va continuer à s’ingénier à gâcher ce 25ème anniversaire. Le jour même du concert, le bassiste de Foals doit être hospitalisé en urgence. Nouveau coup de chance, le backliner du groupe (le gars chargé de la préparation et de la maintenance du matériel) est aussi bassiste et connait bien les morceaux de la formation. Le concert aura donc bien lieu, même avec un bassiste visiblement un peu intimidé. François Floret rigole en ajoutant que la malchance les aura poursuivis jusqu’au bout avec les écrans géants tombant en rade au démarrage du concert.
Le bout de la boue
On parle ensuite rapidement des aménagements qui ont effectivement nettement amélioré le confort du site. Le fameux drainage qu’on attendait comme l’arlésienne depuis des lustres a eu des effets spectaculaires. Les deux tiers du site (notamment devant la grande scène) resteront ainsi totalement secs alors qu’il a plu toute la semaine précédant l’édition. Reste la partie devant la seconde scène (on ne peut plus écrire petite) qui sera encore très boueuse le premier jour mais c’est une galéjade par rapport à certaines années précédentes. Il semblerait d’ailleurs que ce soit une décision de la mairie de Saint-Père de ne pas drainer cette partie pour préserver le coin pour le marché aux fleurs (?). La circulation d’eau aura aussi eu une autre effet bénéfique, le site dispose enfin de toilettes nombreuses, en dur et nettoyées régulièrement. Il reste encore quelque nostalgiques qui s’obstinent à consciencieusement uriner le long des barrières mais avec un poil d’éducation et deux trois calottes sur la tête, on devrait pouvoir finir par leur apprendre les bonnes manières. La deuxième scène a enfin trouvé une taille respectable et surtout un emplacement parfait en fond de Fort face à la grande. Fini les goulots d’étranglement et les concerts réservés aux trois premiers rangs. La circulation entre les deux scènes a d’ailleurs été d’une fluidité remarquable même le samedi. L’espace beaucoup plus ouvert que les années précédentes a permis que l’on trouve un moyen de se faufiler où on le désirait quelle que soit l’heure. L’espace nourriture désormais placé à l’entrée et doté d’une grande tente surplombant de nombreux bancs permet enfin des pauses salvatrices tout en continuant à zieuter les concerts sur un écran particulièrement bien placé. L’espace label/disquaires est un peu en retrait mais cela permet de pouvoir discuter sereinement avec les très sympathiques gens qui l’occupaient. Enfin le système cashless : une carte que l’on peut charger en crédit pour payer ses achats de boissons ou merchandising, sans être si révolutionnaire que ça, aura fait gagner en rapidité la distribution de boisson.
Teenage kicks right through the night
Autre question traditionnelle, les chiffres de fréquentation. Avec 23 000 entrées dont 12 500 le samedi, le festival est en baisse par rapport à la très bonne année précédente (26 000 entrées) mais reste au dessus du rouge (la barrière de 20 000). Plutôt pas mal avec une tête d’affiche qui joue les filles de l’air au dernier moment, mais il restera aussi à régler l’histoire du remboursement du samedi. Les festivaliers ont deux mois pour réclamer les 10€ proposés mais les conséquences financières pour le festival seront encore à déterminer. L’autre sympathique confirmation de cette année, c’est le retour des jeunes dans le Fort. La finaude programmation électro de fin de soirée continue sans doute de faire son effet. Ca donne un public plus varié qu’il n’a été, et surtout beaucoup plus démonstratif. Tant mieux pour l’ambiance du Fort et pour les groupes, mais les slams, crowdsurfing et autres joyeux pogos ont du coup donné pas mal de boulot à la sécurité. La gestion, d’après ce que nous avons pu en voir aura été ferme mais bienveillante. Ajoutons à ça une météo miraculeuse : alors que nous arrivions vendredi soir équipé pour le déluge, on aura vu la pluie qui nous avait pourri toute la semaine stopper brusquement dès l’arrivée au Fort pour ne plus reparaitre du festival.
Détail des réjouissances auditives
Venons à ce qui nous passionne le plus dans ce festival : la musique. Pour le détail complet des concerts de cette année, nous vous invitons chaudement à lire, si ce n’est déjà fait nos copieux et détaillés comptes-rendus du jeudi, du vendredi, du samedi et du dimanche.
Pour les plus pressés, sachez que cette édition aura été particulièrement riche en moments forts et ce tout au long du festival. La soirée du jeudi 13 août à la Nouvelle Vague a placé la barre très haut avec un Mark Kozelek (avec sa formation Sun Kil Moon) aussi bourru que roublard et touchant et les Allemands de The Notwist qui rejouaient leur somptueux album Neon Golden et qui auront fait la démonstration qu’en n’hésitant pas à bousculer le passé, on pouvait non seulement aller plus loin que l’effet madeleine mais aussi offrir des passionnants éclairages sur les différentes influences plus ou moins visibles qui parcourent un disque qu’on connait pourtant par cœur.
La soirée du vendredi 14 aura été particulièrement brillante. S’y seront enchainés pour notre plus grand plaisir pas moins de quatre grands moments : la classe supersonique de Thurston Moore (ex Sonic Youth) et de ses complices de luxe, la folie volcanique du heavy garage de Fuzz side project du prodige Ty Segall, l’étonnant gospel punk d’Algiers qui aura fait planer sur le fort de chouettes réminiscences des prestations des TV & The Radio et enfin la sauvagerie noisy des Irlandais de Girl Band et leur pogo monstrueux au troisième morceau. Par contre, Timber Timbre, alors que nous sommes fous de ses disques, n’aura pas réussi à totalement nous convaincre en live.
Après un tel démarrage, la crainte que la soirée bousculée du samedi 15 ne soit pas à la hauteur était réelle. Pourtant l’électro soyeuse et élégante du duo Kiasmos a fait succomber le Fort sous son charme même en plein soleil. La rage froide et psychotique de The Soft Moon nous a, à nouveau mis les sangs et les sens sens dessus dessous. La belle confirmation de la soirée est venue de Spectres. Les quatre gars de Bristol ont su faire monter en puissance leur shoegaze abrasif et se sont élevés à des sommets de fureur dissonante que l’on n’espérait même pas. Quant à Foals, si notre équipe est divisée sur la qualité musicale de leur prestation, nous sommes au moins tous d’accord pour reconnaitre qu’ils ont brillamment tenu leur rôle de sauveur et qu’ils ont donné au public exactement ce qu’il attendait avec une générosité désarmante.
Le dimanche 16 était, comme le vendredi, particulièrement excitant sur papier et, comme le vendredi, il a tenu toutes ses promesses et même plus. Là encore, nous avons eu droit à un enchainement de grande classe. Tout a parfaitement commencé avec le blues rock survitaminé de The Districts. Le quatuor de Pennsylvanie nous a offert le meilleur set d’ouverture de cette édition. Juste derrière, Josh Tillman (ex batteur de Fleet Foxes) parfaitement à l’aise dans son costume de Father John Misty a offert un flamboyant numéro de folk rock à la fois redoutablement carré et totalement grand guignol. Les très attendus (au moins par nous) Canadiens de Viet Cong (avec deux ex Women) ont su faire monter au dessus de la stratosphère sonore leur post-punk retors et classieux. Jehnny Beth et ses Savages ont fait une épatante démonstration de force avec leur rock frontal gothique qui n’en finit pas de prendre de l’ampleur à chaque fois qu’on a pu les voir. Enfin, l’électro trublion Dan Deacon aura joyeusement mis le feu aux poudres. Accompagné d’un batteur fonctionnant probablement sur pile atomique, le bonhomme a mis le public sens dessus dessous à grands renforts de rythmes débridés et bigarrés et de ritournelles psychédéliques. Bon, il y avait aussi Ride ce soir là, mais malgré un bon début, leur musique fait décidément trop du sur-place pour nous emballer vraiment. On leur conseille d’avoir une petite conversation avec The Notwist pour qu’ils les aident à trouver le moyen de réinjecter un peu de vie dans toute cette nostalgie.
N’en déplaise aux puristes qui trouvent que les musiques électroniques n’ont rien à faire dans un festival rock (oui ça existe encore en 2015 !), les sets électro ont rempli leurs rôles festifs avec classe. Les sets de Rone et de Daniel Avery ont ainsi autant fait preuve d’efficacité que d’élégance.
Mais où sont passées les bougies à étincelle ?
Il serait donc fort regrettable que les rocambolesques péripéties qui auront mis à rude épreuve les nerfs des organisateurs avant et durant cette 25ème édition de la Route du Rock occultent sa franche réussite. Contre vents et marées (et conflits d’agenda, et hospitalisation de bassiste…) Rock Tympans aura malgré tout réussit à offrir aux festivaliers une édition riche en grands moments musicaux dans des conditions de confort nettement améliorées. La Route du Rock reste un festival de plein air, en Bretagne, avec les limites que ça implique mais les organisateurs auront fait la preuve que, comme on le répète depuis des années, ils sont à l’écoute de leurs festivaliers et qu’ils ont su faire les efforts d’organisation en conséquence. Les journalistes rock vont enfin pouvoir ranger leurs vannes sur les bottes et la boue au profit de blagues sur les annulations de dernière minute.
Au chapitre des trucs qui nous chiffonnent encore un peu il reste la soirée préambule à la Nouvelle Vague qui s’avère encore assez chère en plus du pass. Vu la qualité de celle de cette année, on trouve dommage que les gens s’en privent faute de moyen. Peut être y aurait-il possibilité de faire une formule quatre jours ou d’au moins proposer une réduction pour ceux qui ont leur pass pour les trois soirs du Fort ? Autre petit bémol, nous n’avons pas vraiment compris pourquoi les gobelets n’étaient pas remboursés en fin de festival comme d’habitude ?
Au final, si nous n’aurons pas eu droit au show pyrotechnique initialement prévu pour le concert de Björk, cette édition aura bien dignement célébré 25 ans d’un festival toujours aussi atypique et indépendant. Quatre jours d’un précieux équilibre entre têtes d’affiche fédératrices, retours pertinents sur le passé et découvertes de ce qui se fait de plus excitant actuellement dans la frange indé, le tout dans les meilleures conditions que puisse offrir le site, c’est peut être moins glamour que les feux d’artifice mais tellement plus essentiel.
Les aficionados (dont nous sommes) pourront se repencher sur la belle aventure du premier quart de siècle du festival avec le richement illustré Route du Rock – The Indy Way Of Life de Philippe Richard, qui sortira en octobre aux éditions de Juillet. L’ouvrage contiendra également une préface de Dominique A et une interview de Bernard Lenoir.
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock, avant, pendant et après le festival ici.
La Route du Rock Collection Eté 2015 du jeudi 13 août au dimanche 16 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/
Manque un nombre : 14 articles. Pfff, petits joueurs…
Assez d’accord dans l’ensemble, sauf sur les groupes Electro qui ne sont pas vraiment à la hauteur cette année, notamment Daniel Avery qui doit être l’antithèse de ce qu’est le mot musique… Même si j’apprécie grandement l’électro, force est de constater que sur ces groupes de fin de soirée le bilan est depuis 3 ans mitigé pour moi.