Le label clermontois Kütu Folk Records avait carte blanche lors des Trans Musicales, et cette résidence à l’Aire Libre a été l’un des moments les plus marquants du festival. Les dix groupes du label se sont succédés pendant 5 jours, avec chaque soir, en point d’orgue, le merveilleux moment musical Kütu Folk Records, The Band (ici). Nous avons rencontré plusieurs d’entre eux pendant le festival, et ils se sont prêtés au jeu des questions avec beaucoup d’humilité et de sincérité. Un label définitivement à part…
Rencontre avec Zak Laughed.
Après un premier passage à Rennes il y a deux ans au Dejazey, nous avions eu la chance de découvrir Zak Laughed en avril dernier dans ce même lieu. Après un premier album remarqué, Last Memories of my Old House (à seulement 14 ans !), le jeune clermontois a rejoint le label Kütu Folk pour sortir son nouvel opus, Love is in the Carpet.
Première constatation : le jeune homme a mûri, et sa voix en est le principal reflet. Celle-ci se fait beaucoup plus grave, et étonnamment assurée. Il y a une fêlure dans son grain de voix qui sonne si folk qu’on se demande si le gars ne vient pas directement de l’autre côté de l’Atlantique. Il n’y a pas que son timbre qui a mûri : les mélodies sont scotchantes et la maturité d’écriture est sidérante (rappelons tout de même qu’il n’a que 16 ans…). Les morceaux possèdent une base folk, teintée de pop, et qui sonnent parfois très blues-rock seventies. Il a déjà digéré nombres d’influences et nous propose son propre son avec une aisance qui n’a d’égale que son talent précoce.
Et après nous avoir séduit en avril dernier dans une formule solo, Zak Laughed nous a complètement scotché avec son groupe, en nous proposant des arrangements réussis, et en faisant preuve d’une aisance encore plus manifeste.
On savait qu’il y avait un bastion folk à Clermont-Ferrand, on a maintenant la confirmation qu’il y a une relève talentueuse.
Zak, on t’a découvert au Dejazey fin avril. Pour commencer, si tu devais te présenter en quelques mots, que dirais-tu ?
Je m’appelle Zak, j’ai dix-sept ans, bientôt dix-huit. Je fais de la musique depuis six ans maintenant et j’écris des chansons depuis quatre ans. J’ai du faire une cinquantaine de concerts en deux ans. Récemment, j’ai intégré St Augustine en tant que pianiste et Dempster Highway en tant que guitariste. Et je joue dans deux autres groupes à Clermont qui s’appellent The Glums et The Wendy Darlings.
Après un premier album Last Memories of My Old House chez Wagram, tu as sorti début mai ton deuxième album Love is in The Carpet sur Kütu. Pourquoi ce changement de label ?
Fin 2010, j’avais fini une grosse tournée, et j’ai eu envie d’enregistrer un deuxième disque très rapidement. Mais 2011 était l’année de mon bac, et le label n’avait pas envie de prendre le risque (en accord notamment avec mes parents) de sortir un nouveau disque en 2011. Une sortie chez Wagram, c’est forcément un ou deux mois de promo vraiment intensive, et ça ne collait pas avec mon année de terminale. J’ai donc décidé de me débrouiller tout seul : j’ai pris mon argent et je suis allé voir Ceddy Gonod pour réaliser mon disque. Je lui avais envoyé mes chansons, il avait trouvé ça super bien. On a fait ça en plusieurs week-ends espacés, en gros ça s’est fait entre août et décembre 2010. Je me demandais comment j’allais le sortir, et Kütu est apparu comme une évidence. Je l’ai fait passer aux 4 membres fondateurs du label. Ils ont accroché immédiatement et l’album est sorti début mai.
Il y a un lien particulier entre les membres du label Kütu Folk, on le ressent vraiment sur The Band depuis trois jours. Est-ce que tu peux nous parler de ce lien là ? Tu joues notamment dans Dempster Highway et St Augustine.
Dempster Highway et St Augustine ont exactement le même backing band, ce qui est quand même drôle : c’est vraiment un exemple de la cohérence naturelle qui existe entre les artistes du label. Et ce qui est encore plus génial, c’est que les américains arrivent à s’intégrer là-dedans et le font très naturellement. Cette semaine de résidence nous a permis, à la fois de resserer les liens, et aussi de prouver qu’on pouvait vraiment faire quelque chose de très beau tous ensemble. Le but n’était pas de faire un regroupement d’artistes totalement différents, qu’on réunissaient comme ça : c’est une véritable logique artistique de label. On a réussit à intégrer des musiciens qui jouent plutôt dans des groupes de rock ou de folk, et même Soso, qui fait du hip-hop : on est vraiment content d’avoir réussi ça.
On sent que chacun est fan de l’autre. Il y a une connaissance des titres de chacun.
Totalement ! Clément et moi écoutons les disques d’Hospital Ships et d’Evening Hymns avant tout comme des fans et pas du tout comme des collègues de label. On est vraiment impressionné par ces gens là parce qu’ils jouent aux Etats-Unis avec des gens qu’on a toujours admiré et qu’on admire depuis très longtemps. C’est vraiment extraordinaire de pouvoir jouer avec ces gens-là, et de se rendre compte que se sont vraiment des gens adorables. On est vraiment ravis.
Ton deuxième album est vraiment différent du premier, on se rend compte qu’il y a une plus grande maturité dans l’écriture, on a l’impression que tu digères beaucoup plus d’influences. D’où te viennent toutes ces influences, pop, folk, rock, blues ?
J’ai forcément l’impression d’avoir élargi ma culture musicale. Sur le premier album j’avais les références Dylan, les Beatles et le Velvet Underground, c’était en gros ces trois artistes là. Et depuis j’ai découvert la musique des années 50, le blues et la country des années 40, le rock indé des années 90. Et puis je me suis vraiment plus intéressé aux textes : j’ai eu l’impression de travailler un peu plus les textes, mais aussi la musique. Ca me paraît une évolution logique. Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer, mais les influences se sont élargies. J’ai aussi l’impresion de faire de la musique mélodiquement un peu plus pop, mais bizarrement la production de l’album est beaucoup plus racée. J’ai bien ce contraste entre des chansons qui sont un peu plus pop et une production un peu plus roots.
A propos des influences, si tu devais citer trois albums sans lesquels tu ne pourrais pas vivre ?
Ca va encore changer demain (rires). Je dirais Sail Away de Randy Newman, In the Aeroplane Over the Sea de Neutral Milk Hotel et un troisième… je ne sais pas, c’est dur… peut-être Pet Sounds des Beach Boys.
D’ailleurs la reprise de Randy Newman que tu avais faite au Dejazey était terrible !
Merci beaucoup !
Sur l’album, les orchestrations sont riches mais on a eu l’occasion de te voir seul et on avait trouvé les morceaux vraiment réussis, je pense à Last Teen Song ou Sculpture of Birds. Est-ce que tu serais tenté de faire un projet plus acoustique, comme Leopold Skin (I See Mountains revisité en acoustique).
Je ne sais pas. C’est vrai que Damien a ce truc incroyable de la chanson qui tient tout seul, alors du coup si tu me dis que ça tient tout seul, je suis ravi ! Mais je ne sais pas si j’ai encore la maturité nécessaire pour assumer un guitare-voix comme ça. I See Mountains c’est vraiment un chef d’oeuvre pour moi, ça m’a paru naturel ce qu’il a fait là. J’ai l’impression d’avoir des chansons qui ont besoin d’un certain groove, il y en a quelques-unes comme ça sur le disque et qui ne tiennent pas forcément toute seules en guitare-voix. J’ai plus l’impression d’avoir un côté un peu plus pop, un peu plus groove que Damien, qui peut vraiment tenir sur trois fois rien.
Est-ce que tu peux nous parler des coups de coeurs éventuels que tu aimerais voir sur Kütu ? Est-ce qu’il y a des choses qui vont se faire ? Il y a une nouvelle signature qui s’est faite récemment, qu’on entend sur le sampler ?
Je ne sais pas où ça en est, c’est un groupe de Floride, Saskatchewan, qui fait une pop exubérante un peu à la Beach House. C’est un gros coup de coeur d’Alexandre et de Bertrand. Je ne suis pas dans la recherche d’artistes puisque je ne fais pas partie de la direction artistique. C’est vraiment le boulot de François-Régis, d’Alexandre et de Bertand. Je me contente de soutenir les projets que j’adore, et je suis très très fier des deux nouveaux EP (We Sail de Dempster Highway et Divisadora de Garciaphone). Je suis très content pour Olivier parce que c’est un très bon ami, et on est tous d’accord pour dire que c’est un véritable génie. Clément c’est quelqu’un qui, scéniquement, a quelque chose de beaucoup plus américain que moi par exemple, ce côté vraiment rock’n’roll.
On avait une dernière petite question, vous avez des nouvelles de Damien ?
Oui, il habite actuellement à Portland, où il fait son Master. Il a des ratons-laveurs dans son jardin, il boit des bières sur son patio, et il est ravi ! (rires) Il a vu des concerts géniaux, comme Doug Paisley.
Je ne suis pas sur qu’on le revoit de sitôt !
On a aussi écouté un titre de Wych Elm.
Oui, c’est son nouveau projet. J’ai l’impression qu’il avait envie de créer ça pour faire une coupure avec Leopold Skin. Je pense que c’est un projet qui va se remplir au fil du temps. J’imagine qu’il est en train d’écrire des chansons qu’il va laisser mûrir, et puis les enregistrer. S’il rentre un jour et qu’il veut le faire avec nous, ça serait chouette ! On s’est toujours dit avec François-Régis qu’il deviendrait sans doute le septième membre de Fleet Foxes (rires).
Merci beaucoup Zak !
Merci beaucoup à vous !
Photos : Solène
Les photos de ces 5 jours de résidence :
Les photos du Kütu Folk Records, The Band
Les photos du mercredi et du jeudi
Les photos du vendredi et du samedi
Nos interviews des artistes du label pendant les Trans Musicales 2011 :
Nos autres interviews Kütu :
St Augustine (mars 2011)
Evening Hymns (septembre 2010)
Leopold Skin (septembre 2010)
Le label Kütu (par Damien)