On a rencontré Leopold Skin lors de son passage à Rennes à La Bascule pour une longue interview. On a commencé par l’interroger sur le label qu’il a monté avec des amis, Kütu Folk Records. Cette structure auvergnate s’est en effet rapidement fait connaître du public et de la critique avec ses pochettes et ses chansons cousues main (retrouvez le début de l’interview ici). Leopold Skin est donc à Rennes ce soir-là dans le cadre d’une mini-tournée avec la nouvelle signature du label Kütu Folk, les sublimes Evening Hymns (compte rendu du concert ici, interview d’Evening Hymns là). Humble et discret, Damien (aka Leopold Skin) se fait tout petit derrière eux et essaie de les soutenir le mieux possible.
Pourtant le jeune artiste est loin d’être un novice. Après un premier album « Leopold Skin & the blue house dandelions » (2009) qui a su captiver critiques et public, le Clermontois d’adoption a enregistré un second opus, « I see mountains » qu’on pourra découvrir en novembre. A la Bascule ce soir-là,il jouera en dernier et présentera essentiellement ses nouvelles compositions en avant-première, seul avec une guitare. La qualité de sa prestation apparaît de fort bonne augure pour cette nouvelle sortie. Après l’avoir interrogé sur le label Kütu, on a donc eu envie d’en savoir un peu plus sur son projet personnel Leopold Skin.
Ecouter l’interview (15 minutes) :
Alter1fo.com : Tu as commencé avec ton premier album Leopold Skin & the Blue House Dandelions, que tu as enregistré en 2007, et qui est sorti en 2009 sur le label Kütu Folk. Tu as fait des choses avant, je crois que tu as fait la première partie de Rufus Wainwright ?
Damien aka Leopold Skin : Oui, c’était à l’époque où j’avais 18-19 ans, la musique folk n’était pas encore extrêmement à la mode. C’est retombé déjà maintenant, ce qui est très bien dans un sens, parce qu’on voit qu’on n’est pas des imposteurs… C’était assez extraordinaire, j’avais fait un premier concert en 2005, avec des amis. C’était le groupe de François-Régis qui s’appelait Xanthine. J’avais fait leur première partie. La Coopérative de Mai à Clermont-Ferrand m’a proposé de faire la première partie de Rufus Wainwright, donc j’étais ultra honoré. Dans cette salle j’avais vu Supergrass et tous ces groupes que j’aimais énormément à l’époque, c’était un honneur. Après ça s’est enchaîné. C’était assez rigolo parce que j’ai vraiment aimé jouer sur ces grandes scènes! Même si c’était absolument catastrophique, je pense…(rires)
Si tu devais citer trois disques essentiels pour toi ?
J’arrivais à le faire à une époque, je n’y arrive absolument plus, parce que j’ai vagabondé dans la musique… Je peux quand même le faire en te disant les trois disques de là maintenant. Après je pourrais faire les disques de ma vie, mais d’avant! En ce moment je n’arrive pas à me détacher de ce disque, j’écoute énormément depuis deux ou trois ans, c’est Pride de Phosphorescent, sorti en 2007. C’est un des meilleurs albums que j’ai jamais entendus.
Il y a l’album Life on earth des Tiny Vipers, c’est une fille de Seattle qui est sur le label Sub Pop. Elle a sorti son disque en 2009, je l’ai écouté tout l’hiver dernier, c’est un disque assez lent, assez introspectif, qui est assez aride à la première écoute, mais qui au final est devenu un guide. Impressionnant.
En troisième, j’adore un groupe qui s’appelle The Cave Singers.
Dans les albums de ma vie, il y a Blonde on Blonde de Bob Dylan qui m’a vraiment fait rentrer dans cette période-là, qui m’a marqué à vie je pense. L’album The Notorious Byrd Brothers des Byrds de 1968 je crois. Il y a dessus une chanson que je n’ai pas arrêté d’écouter Wasn’t Born to Follow, une de mes chansons préférées de tous les temps. Et en troisième… J’adore Bonnie Prince Billy, j’adore Palace. Lost Blues & Others Songs de Palace, donc Will Oldham, c’est une collection de chansons, d’EP, ce n’est même pas un vrai album. Mais c’est un des meilleurs albums que j’ai jamais écoutés, alors que c’est juste une compilation au final, c’est un album extraordinaire.
Au sujet de ta manière de composer, dans la plupart de tes morceaux, tu commences de manière assez intime, acoustique, et puis il y a une progression, c’est de plus en plus riche. Quand tu composes, tu penses déjà à ce que tu vas amener, à ce que tous les intervenants peuvent apporter (Alexandre, François-Régis, …) ou alors tu commences vraiment de manière acoustique au départ ?
Puisque c’est vraiment mes morceaux je les écris vraiment tout seul chez moi. Donc la chanson en entier est juste acoustique voix-guitare. Ils m’ont vraiment aidé pour le premier album, c’était la première fois que je faisais un disque, j’étais assez perdu par rapport aux arrangements. On s’est un peu tous influencé, ils ont apporté énormément de choses. Ils ont joué avec moi un peu en concert avant, donc on avait répété un petit peu, réfléchi aux arrangements.
Et puis, j’ai enregistré chez un monsieur qui s’appelle Christophe Adam dont je suis absolument fan. Je suis fan de sa musique, il m’impressionnait. Du coup j’étais ultra honoré qu’il veuille produire mon disque. Il a énormément contribué au premier album. J’ai un nouvel album qui sort en novembre, que j’ai aussi fait chez lui. Je ne me vois pas travailler avec quelqu’un d’autre pour l’instant, il me comprend vraiment, c’est incroyable. Même s’il n’aime pas la pochette de mon nouvel album, il aime ma musique c’est l’essentiel!
Justement sur les apports des autres membres du label, il y a aussi un projet qui existait, Winter & Bonfire, les concerts à la Coopérative de Mai, dont l’un est en téléchargement gratuit sur le site web. Toutes les influences qui se font comme ça entre vous, on parlait de la démarche du label, il n’y a pas que la démarche des pochettes, il y a aussi le fait de mettre de la musique en ligne gratuitement pour faire découvrir…
Oui c’est vraiment ça, ce sont des enregistrements qui au final ne servent absolument à rien parce qu’on ne peut pas les commercialiser. On s’est dit pourquoi ne pas les offrir gratuitement aux gens ? Déjà c’est une manière de se promouvoir qui est très intéressante. Et après on est assez heureux d’offrir de la musique gratuite aux gens, et après ça peut leur donner envie d’écouter les projets qui eux, ne sont pas gratuits. On ne veut pas forcer les gens à acheter, mais s’il peuvent déjà avoir ça, c’est déjà assez bien.
Pour Winter & Bonfire, c’était vraiment une de nos plus grosses fiertés, Alexandre en parle comme une des meilleure choses de 2009 et je suis d’accord avec lui. Je revenais juste du Canada, je ne les avait pas vus depuis un an. Ils avaient pris un peu leur direction artistique, j’étais, en un sens, un peu exclu parce que je n’étais pas là. On a passé une semaine à enregistrer dans une maison pour un festival qui s’appelle Hibernarock, et c’était absolument parfait. C’était en plein hiver, il neigeait, on sortait dehors il faisait très froid… C’était incroyable. Il y avait un feu de bois dans la cheminée… On a enregistré quasiment non stop pendant une semaine. C’était absolument parfait : j’avais trop besoin de les revoir et de recréer avec eux, parce qu’on l’avait fait avant, il y a eu une coupure pendant un an… J’en suis ultra fier. C’est quasiment un des seuls trucs que je peux réécouter. Je me dis que ce n’est pas moi, c’est un peu le projet de toute le monde, du coup j’en suis assez fier.
Ca se sent dans l’album, il y a vraiment l’apport de tout le monde, les instruments, ça fait des morceaux qui sont très riches.
Oui, il y avait des morceaux du deuxième album d’Alexandre, du premier album de François et aussi des nouveaux, moi ce n’étaient que des morceaux que j’avais écrits au Canada. Je suis vraiment content du résultat. Après on ne l’a pas commercialisé à grande échelle, mais je ne pense pas qu’il faille le faire. C’est très bien qu’il soit assez confidentiel au final, c’est pour une compréhension plus poussée de chaque groupe, du coup ce n’est pas pour tout le monde, enfin pourquoi pas, je ne sais pas…
Vous pouvez en être fiers! Peux-tu nous parler un peu de ton nouvel album I see Mountains qui paraît fin novembre ?
Ce ne sont que des morceaux que j’ai écrits au Canada entre fin 2008 et début 2010. Ca fait à peu près deux ans, mais comme je n’ai pas fait énormément de concerts, je n’ai pas eu le temps de me dégoûter des titres. Donc, j’avais vraiment envie de les enregistrer. Je suis vraiment content parce que les derniers concerts que je faisais, j’avais une formation batterie-guitare-guitare, avec François-Régis de St-Augustine et Olivier de Garciaphone. On a beaucoup joué tous les trois. Et ensuite, comme il y avait Christophe Adam qui enregistrait, il a voulu apprendre les morceaux à la basse, ça fait une nouvelle formation à quatre. Ce ne sont que des gens que j’admire. François-Régis, ça fait six ou sept ans qu’on se connaît, donc on est meilleurs amis, Olivier son projet est absolument incroyable, et Christophe Adam… C’est Christophe Adam, j’en suis ultra fan…
Donc l’album a été fait dans une optique un peu plus groupe parce qu’ils ont vraiment apporté plus de choses. Quand on a commencé à enregistrer il y avait vraiment une base, donc c’est un peu plus mature. Ca part moins dans tous les sens, du coup il y a une unité que le premier album n’avait pas forcément. J’étais un peu jeune, je partais un peu dans tous les sens, là il y a plus d’unité, de maturité dans l’écriture.
J’ai eu une période de trois ans où j’ai composé pas mal de chansons, et j’ai vraiment fait un tri assez important, je n’ai gardé que celles qui ont réussi à survivre.
En tout cas, le premier titre en écoute sur Myspace Please get out est plutôt prometteur, il y a même des trompettes…
Oui, je m’étais juré que je ne mettrai jamais de trompettes et finalement je retourne complètement ma veste! C’était marrant, c’est un titre assez récent au final. Avec Alexandre on a vraiment besoin de faire un album pour marquer la fin d’une période, on a vraiment besoin que ça s’arrête (rires). C’est un peu pour poser les valises et passer à autre chose. Je suis rentré du Canada, c’était une expérience hallucinante, et j’ai eu un peu de mal à rentrer … complètement. Donc d’avoir enregistré cet album et qu’il sorte bientôt, ça me réjouit et je me dis que je vais pouvoir passer à autre chose…
Dernière question, concernant les dernières signatures sur le label, est ce que vous envisagez de faire des projets ensemble ?
Ca serait génial. Quand les Evening Hymns sont venus à Clermont, ils ont enregistré un titre chez Christophe Adam, j’y joue de la batterie alors que je ne joue pas de batterie ! J’ai fait un petit peu de percussions, c’était vraiment chouette. Je trouverais ça génial, après on ne peut pas forcer les groupes à le faire, ça ne me dérange absolument pas de ne pas le faire, mais après si eux ont cette envie là, pourquoi pas. On a monté le label, on est vraiment quatre bons amis, les groupes extérieurs sont forcément intégrés, ce n’est pas difficile de rentrer dans ce truc-là. Ca pourrait l’être mais ça ne l’est absolument pas. Les Evening Hymns ont passé un peu de temps à Clermont, je pense qu’ils ont apprécié, enfin il vous faudra leur demander ! [ndlr : voir leur réponse ici] en tout cas ils nous ont dit qu’ils avaient aimé. Kütu Folk c’est un peu comme une famille, on a vraiment besoin les uns des autres. On s’influence vraiment les uns les autres.
Merci beaucoup !
Merci à vous !
Retrouvez ici le début de l’interview de Damien sur le label Kütu Folk
Photos, prise de son, montage, transcript : Caro Interview : Yann -Clic droit ici pour télécharger l'interview en MP3-
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