Littérature jeunesse en août

© Sandrine Kao / 2 Vives Voix Editions / 2011

 

Lisette pleure comme il pleut cet été. Pour tout, pour rien. Pour rien ? Ça coule, ça coule… Ses larmes ne sont pas du goût de sa mère qui craint que sa fille ne noie ses fleurs, à l’école aussi on se moque d’elle, et de petits bobos peuvent occasionner des inondations. Comme rien ne soulage ses peines, Lisette en remplit des bocaux, et elle ajoute à ces flots de larmes un échantillon coloré de ce qui l’a fait pleurer. Et cela lui permet curieusement de ne plus verser de larmes pour des occasions similaires.

 

Son exposition douce-amère sur ses étagères augmente au fil des ans, ses chagrins de jeune fille et jeune femme seraient plus lourds que ceux de son enfance… mais elle garde le plus beau de ses flacons pour ses premières larmes de joie. Qui ne viennent pas. Qui viendront peut-être à Mémé Lisette (cousine d’Hulul dont le thé aux larmes nous enchante encore ?) qui regarde avec regret les souvenirs de ses nombreuses tristesses.

 

Le trait tout doux et les couleurs automnales de Sandrine Kao s’accordent parfaitement avec la chanson de ses mots « plic, ploc ploc« . Auteure et illustratrice de cet album (on aimerait un mot unique pour ce travail qui se fait probablement de concert, trois coups de crayon appelant une phrase et inversement ?), elle nous murmure que son personnage ne laisse pas son espoir se perdre ni s’abîmer dans les turbulences des années qui passent.

 

Lisette reste « la même » tout au long de sa vie, grandissant et vieillissant dans les mêmes simples vêtements, dont les reliefs légers rendus par le coloriage par-dessus peut-être une dentelle trouvent un écho discret dans le décor, jusque dans les feuilles des plantes. Si elle a tant pleuré, voilà que les plus grands bonheurs laissent ses yeux secs. Quel dommage que ses larmes de joie tardent tant… alors qu’elle aime, met des enfants au monde qui eux-mêmes… a-t-elle épuisé toute l’eau salée qui lui revenait ?

 

Mais tout vient à qui sait attendre, et Lisette remplira son plus joli bocal en recevant et soulageant les chagrins de la génération suivante.

 

Peut-on y lire la certitude que, malgré une écoute défaillante dans ses premières années, chacun a en soi le pouvoir d’accueillir les émotions des autres, et ce faisant d’être à même de vivre les siennes, positives ou négatives, avec bienveillance ?

 

Merci aux éditions 2 Vives Voix qui ont choisi de mettre au jour des réalisations qui ailleurs ne trouveraient pas leur place pour des questions de succès non garanti. Leur ligne éditoriale sensible se veut « grain de sable » dans la mécanique du tout-pareil-pour-tout-le-monde, et, du haut de leur « petite cabane d’édition » ainsi qu’ils la nomment, on dirait qu’ils voient plus loin que le bout de nos nez et sont capables de nous emmener là où l’on n’avait pas forcément prévu d’aller. La rencontre, sincère, vaut plus que sûrement le détour. Et quand on voit qu’ils construisent cette cabane en France à base de bois durablement géré et versent dans les bocaux de Lisette de l’encre végétale, il n’y a vraiment aucune raison de reculer !

 

Les larmes de Lisette, Sandrine Kao, 2 Vives Voix Editions 2011, 15€.

1 commentaires sur “Littérature jeunesse en août

  1. catibou

    Oui, une belle collection ! Bravo à Sandrine !!!!

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