Littérature de jeunesse : Eco, la princesse des nuages

© éditions Soleil / Bianco et Almanza / 2013

 

 

On débarque.

 

C’est la couverture qui attire, nous faisant louvoyer entre un étrange noël burtonien, des contes macabres lacombesques, une jeunette cité des enfants perdus et le pays dautremerveille… on se laisse tant embarquer d’ailleurs que le petit 3 sur la tranche ne nous saute pas aux yeux.

 

C’est à la lecture qu’on se rend compte… on a dû louper un ou deux épisodes…

 

Qu’à cela ne tienne, asseyons-nous, prenons un thé au jasmin (sans lait ni asticots, merci, Icare) et suivons donc Eco dans la suite d’aventures que nous ne connaissons pas. Apparemment ce fut rude, des épreuves, des parents devenus fous, une malédiction, la solitude et la perte de ses compagnons de chiffon animés par leur amulette désormais perdue, une parenthèse dans les bras d’un prince, un maléfice qui bouleverse son corps… et l’attente ô combien lente et pesante d’un entretien avec la Princesse des Nuages, qui pourrait la sauver.

 

 

En trois chapitres, le conte emmène Eco de la jeunesse à la vieillesse. Renseignements pris, les premiers tomes étaient consacrés à l’enfance et l’adolescence de la jeune femme. Ici, l’âge adulte et son temps qui passe sans rien dire, le tumulte des transformations de la maternité et le grand âge où il reste si peu de choses sont le fond de l’histoire qui répond bien à la collection Métamorphose dont elle fait partie. Comme le promet la quatrième de couverture en quasi alexandrins (puristes, ne comptez pas, parlez-les), le style est lyrique et précieusement inspiré, s’accordant à merveille aux illustrations débordantes (si « luxuriantes » était moins souriant et végétal qu’il n’en a l’air, c’est ce mot que l’on aurait choisi), du sol au plafond, riches de détails et d’ombres curieuses et inquiétantes. On coince juste sur une coquille oubliée et on hésite à grogner sur ce verbe défectueux, un seul petit verbe qui avec un c devant reprendrait du lustre, mais sans lui, décourage de l’usage du passé simple (ah le français !…), surtout dans un moment où, expérience faite, effectivement, on peut rire ou crier tout à la fois. On aimerait que les créateurs (quand ce ne sont pas les créatrices) sachent que, libre de mouvements, il est rare qu’on « s’étale » pour mettre au monde. Et l’on se demande si vraiment la métamorphose plus ou moins métaphorisée ici oblige à tout quitter aussi brutalement, aussi violemment.

 

© éditions Soleil / Almanza / 2013

 

Toujours est-il que ce ne sont pas ces minuscules détails qui doivent empêcher d’apprécier le formidable travail de Guillaume Bianco et Jérémie Almanza. Eco rêve, Eco vit, Eco ne sait pas ce qui lui arrive, et puis elle sait, pour ne plus savoir à nouveau. Elle court après sa propre valeur dont elle n’a pas conscience et qu’elle découvre si tard. On la suit en s’interrogeant, en devinant, en s’effrayant, en s’émerveillant… On suppose que la boucle est infinie, l’histoire peut recommencer à jamais, avec un petit garçon cette fois… Quels chamboulements rencontrerait-il, lui, qui seraient ses compagnons, vers quel étrange pays et quelle mystérieuse altesse porteraient ses pas ? Saurait-il lui aussi coudre et raccommoder, accepterait-il des asticots ou autre fourmi dans son thé ? Quelle serait sa bête sans visage et que seraient ses propres chimères ? Qui prendrait sa suite ?

 

Ce très beau livre, imprimé en Belgique, mérite sans doute de ne pas être séparé de ses deux premiers tomes, et comme il raconte une histoire fabuleuse mais un peu inquiétante, on l’imagine (comme tous les contes ?) plutôt à destination d’une jeunesse avertie, ou pas trop sensible, à partir d’une douzaine d’années au moins sans doute, et pour tous les moins jeunes amoureux du rêve, qui ne craignent pas les cauchemars, et savent qu’on finit par se réveiller, ou refermer l’ouvrage.

 

 

Eco, tome 3, la Princesse des Nuages, Bianco et Almanza, collection Métamorphose, éditions Soleil 2013, 15€95.

© éditions Soleil / Almanza / 2013

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