D’où viennent les hommes ? Qui fut le premier ?
Asseyez-vous en cercle près du feu, approchez-vous, tenez-vous chaud et ouvrez les oreilles, car c’est une conteuse qui a posé ses mots entre ces pages comme si elle vous les chuchotait à l’oreille depuis des temps immémoriaux.
En quatre parties publiées en deux tomes, Koza Belleli nous emmène loin et il y a longtemps et il faut accepter de larguer les amarres quotidiennes pour l’accompagner. Après que Coyote et la Lune ont donné au monde forme de jours et de nuits, le premier façonne l’homme et la femme sous ses pattes dans la glaise douce. Et Tali Nohkati, celui qui va sur ses deux pieds, naît.
Un jour pourtant la vie paisible est emportée par un souffle brûlant et voilà l’enfant seul au monde sur une terre ravagée. Coyote et la Lune guideront ses premiers pas mais ne pourront l’accompagner davantage. Il devra grandir en avançant, trouver d’autres terres plus accueillantes. Heureusement, tout au long de la première partie de cette étrange genèse, il va rencontrer des animaux qui l’aideront : Yupik l’ourse blanche, Atii la baleine, les loups, Atsina le bison, Zia-zia le serpent… et si chacun lui apprend tout ce qu’il sait, tous indiquent la limite au jeune garçon qui se doit chaque fois d’aller plus loin, plus seul mais de plus en plus courageux, de plus en plus capable, de plus en plus sage. Coyote et la Lune retrouvent à l’occasion leur protégé, et lui offrent des pierres précieuses qui contre son coeur signifieront sa particularité aux yeux des autres humains.
Car Tali Nohkati n’est pas si seul au monde qu’on pouvait le croire. Et sa route le mène vers ses semblables, pour son bonheur, et des malheurs. C’est ce que racontent les trois parties suivantes, où Tali Nohkati devient initié puis adulte et père et grand-père, en ayant parcouru terres et mères et rencontré des humains plus ou moins pacifiques, plus ou moins vengeurs, plus ou moins croyants. Dans un monde amérindien malmené par les éléments, Tali Nohkati finit par savoir où est la vérité : « dans le sourire de [son petit-fils]… dans la douleur de l’absence, dans le souvenir… dans les myriades d’étoiles, dans l’eau des rivières et dans les forces de la vie. »
Le mystère de la création est chanté ici en accord avec la Nature, qui donne et qui prend. Qui transforme. Le conte peut être lu simplement comme tel, pour le plaisir de l’aventure, dans la crainte des nouvelles difficultés et l’espoir de belles rencontres. Il peut aussi donner matière à réflexion, sur la relation de l’Homme à la Nature, à ceux qui la peuplent et dont il fait – sans aucun doute possible – partie. On y croise des prémisses de religion, on y craint le fanatisme. Sensations et émotions s’y croisent et recroisent encore.
Le texte roule en très courts paragraphes, il chante et rime parfois, des refrains, des échos s’y font entendre. Un véritable conte de veillée. Et Pauline Lucas, aux images douces comme quand on frotte avec son doigt quelques traits de crayon à papier, accompagne judicieusement les mots de portraits légers, de détails de paysages qui font une toile délicate au film que le lecteur peut dérouler dans l’intimité de son crâne.
Conseillé par l’éditeur à partir de onze ans, ce livre en deux tomes est un conte initiatique à la portée universelle que jeunes et moins jeunes lecteurs pourront se partager avec plaisir. On notera que les éditions du Jasmin s’attachent à proposer des ouvrages pour toute la jeunesse et surtout pour faire découvrir les cultures du monde entier, grâce à un catalogue particulièrement varié de contes, albums, romans, recueils de poésie, biographies, récits de voyages, essais et livres bilingues. De quoi voyager de chez soi, ou donner l’envie d’aller voir ailleurs si on y est toujours soi-même…
Tali Nohkati I et II, Koza Belleli et Pauline Lucas, éditions du jasmin, 12€90 le tome.
Bonjour.
Un grand merci pour votre article. Il me touche beaucoup.
Grâce à vous, j’espère que Tali Nohkati rencontrera les lecteurs.
Cordialement.
Koza Belleli