Le Marché Noir trafique aussi du son

C’est la quatrième édition du Marché Noir, le chouette festival de la micro-édition manufacturée et indépendante. Le programme est, une nouvelle fois, riche et varié et entre deux expositions et un atelier de sérigraphie, vous pourrez également vous esbaudir les oreilles avec une soirée au Jardin Moderne samedi 26 septembre distillée avec soin par Musiq’Alambic.

marchenoir-2015-afficheSi vous avez des yeux, il est fort probable que ayez remarqué l’ébullition créative régnant actuellement  sur le monde de la sérigraphie et des arts graphiques imprimés tout seul comme un grand dans son garage. Fait particulièrement notable à Rennes et dans ses alentours et qui trouve comme logique concrétisation l’organisation depuis 2012 du Festival Le Marché Noir par la volonté conjuguée de quatre collectifs d’artistes locaux : L’Atelier du BourgBarbe à Papier, La Presse Purée et L’Imprimerie. Au programme de cette édition 2015 vous pourrez retrouver pas moins d’une quarantaine de collectifs d’artistes invités répartis sur 11 expositions dans tout Rennes (dont Blindspot, La Courte Echelle, les Champs-Libres…). Vous pourrez également participer à divers ateliers (gravure grand format, coloriage, tatouages, impression sur sac et T-shirt, initiation à la sérigraphie) organisés sur ce week-end du 26/27 septembre. Il y avait aussi une soirée projection/rencontre de Voir ce que devient l’ombre, documentaire de Matthieu Chatellier mais nous en parlons hélas trop tard. Le programme est si pantagruélique que nous vous conseillons fortement d’aller sur leur site pour en découvrir toutes les richesses. Et parce que le Do It Yourself s’applique aussi bien aux images qu’à la musique, il y aura aussi une chouette soirée concert au Jardin Moderne, samedi 26 septembre. Soirée qui démarrera tôt puisque dès 18h30 vous pourrez assister au vernissage de l’exposition A chacun sa viande de l’atelier OASP regroupant une vingtaine d’estampes explorant la bidoche dans tous ses états.

A partir de 21h, vous retrouverez une impeccable triplette rassemblée par le camarade Jean-Louis de Musiq’Alambic.

Première belle raison de se déplacer, vous pourrez retrouver The Patriotic Sunday qui déboule avec All I can’t Forget, un quatrième album tout à fait remarquable. Nous avions découvert ce projet par le biais de Papier Tigre, l’excellent groupe nantais d’obédience math-rock à l’énergie Fugazienne. Eric Pasquereau, le chanteur-guitariste de Papier Tigre, est en effet à l’origine de ce side-project créé dès 2005 pour satisfaire ses aspirations plus mélancoliques, personnelles et pop. Un premier album aux influences mêlées d’indie rock, d’accords jazz et de rythmiques inspirées de la bossa nova voit ainsi le jour en 2005, Lay Your Soul Bare.

Mais c’est surtout son second opus, paru quatre ans plus tard, qui fera beaucoup parler du second projet d’Eric Pasquereau. Avec Characters (2009), le Nantais surprend tout le monde et fait un second disque qui n’a pas grand chose à voir avec le premier, si ce n’est peut-être, ces changements de rythmes à l’intérieur d’un même morceau, ces suspensions qui donnent à ses chansons un deuxième, voire un troisième souffle. Car si la musique d’Eric Pasquereau est facile d’accès au premier abord, elle se déguste comme un millefeuilles, en savourant progressivement chacune de ces strates, souvent inédites lors des premières écoutes.

Pour son troisième ouvrage, le musicien s’est adjoint les services d’un de nos trios préférés, entendez La Terre Tremble !!! (retrouvez l’interview de La Terre Tremble !!! ici ), autres experts des suspensions et des chansons aux mille directions. Le groupe est lui aussi spécialiste de ces carrefours inattendus qui font bifurquer les morceaux, parfois en épingle à cheveux, parfois sur une courbe toute en douceur. Le trio tricote (mais aussi détricote) des mélodies qui vous agrippent l’oreille en quelques répétitions pour vous emmener après quelques mesures sur des rivages insoupçonnés et inouïs. On n’est donc qu’à moitié étonné de retrouver ces trois-là avec Eric Pasquereau (leur compagnon sur Effervescence), tant les quatre musiciens semblent avoir des accointances avec une musique exigeante et bourrée de nuances.

C’est toujours avec ses beaux complices (et Léo Prud’homme de Fat Supper en guest de luxe) qu’Eric Pasquereau a enregistré All I Can Forget, son quatrième disque sous le patronyme de The Patriotic Sunday. Le disque explore cette fois une pop intimiste et doucement retorse où les harmonies vocales ont une place prépondérante. A la première écoute, on est soufflé par la beauté de perles solaires comme A Life Pursuit ou Full moon, mais petit à petit on comprend que le monsieur n’a rien perdu de son art de subtilement poser des pièges, électrifier les ambiances ou poser de délicats décalages dans ses compos pour leur éviter de se perdre dans les sentiers rebattus. Le plaisir n’en est que redoublé. Un des grands disques de cette rentrée assurément et il ne faudra donc louper sous aucun prétexte la chance de découvrir ces merveilles sur scène.

Il est hautement conseillé de relire à l’occasion le bel entretien accordé par Eric Pasquereau à la camarade Isa.

Autre formation que nous sommes toujours heureux de retrouver, le plus insaisissable des groupes rennais : Eshôl Pamtais jouera également sur la scène du Jardin Moderne. Un premier album Je respire très peu, projet d’un seul bonhomme : Eshôl Pamtais (il préfère qu’on l’appelle comme ça) sorti en janvier 2013 qui laisse toute l’équipe bouche bée avec sa capacité à se jouer des étiquettes et s’amuser des évidences avec une fluidité déconcertante ; un second album Presciences de la Terre, première sortie du label de nos bien-aimés disquaires de Blindspot est sorti en avril dernier et malgré une première approche moins instantanée que son prédécesseur n’en finit pas de nous surprendre et de monter dans notre estime à chaque nouvelle écoute.
Sur scène le monsieur opérant à la trompette et à la voix, est rejoint par pas moins de cinq complices : Christophe (Totorro) à la guitare, Matthieu (Mermonte, Korkoj, My Sleeping Doll) derrière la batterie, Ronan (Korkoj, Belajo, My Sleeping Doll) à la basse, Khallinn aux claviers et Thierry assure entre autre à la trompette (mais pas que). Des lives pleins de trouvailles aussi bien scéniques que musicales qui nous ont ainsi fait écarquiller les oreilles bien grand. Les arrangements cubistes conduisant même à appréhender continuellement ces morceaux à l’âme pop sous de nouveaux angles. Portés par une paire rythmique impeccable, les entrelacs des deux guitares mêlés aux claviers s’y trouvent ainsi parfois rehaussés par de magistraux contrepoints à la trompette.

Une des grande qualité de la bande étant sa capacité à se réinventer a chaque concert, nous sommes délicieusement incertains de ce qui se jouera ce samedi mais nous sommes au moins certains que ça vaudra le déplacement.

Le troisième et ultime larron présent ce soir là est également un sacré morceau. Le trublion Gregaldur (lire son interview ) viendra jouer en solo ses tornades lo-fi survitaminées. Lors de son passage à l’Antipode MJC lors de la carte blanche à Gablé en 2011 : le garçon nous avait alors bringuebalé les oreilles avec son synthé, sa guitare et ses pédales d’effets pour un concert jubilatoire et déjanté au milieu du parterre de l’Antipode, balancé à 220 volts. Quand on sait que le garçon a sorti un split avec Sieur et Dame où il reprend en même temps les deux mélodies distinctes de La Mer de Trenet et la Lambada pour une Lambaldur aux harmonies… étonnantes (ou qu’il nous citait Rika Zaraï comme influence en interview), on a une petite idée de l’ouragan déjantée et imprévisible qui vous attend.

Samedi 26 septembre – Jardin Moderne, 11 Rue du Manoir de Servigné, Rennes – 20h30 – 6€

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