Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui oeuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Cette semaine, Alter1fo a rencontré La Terre Tremble !!! à l’occasion de son concert dans le cadre du Jeu de l’Ouïe le samedi 19 juin. Comme habituellement, vous pourrez assister à une conférence de Pascal Bussy, cette fois-ci sur le thème « Marges et avant-garde du rock », suivie d’un concert du groupe aux Champs Libres. Le trio rennais depuis quelques temps, mais qui vient en réalité du Puy de Dôme, propose une musique savamment construite, autour de motifs rythmiques à la guitare, à la batterie ou à la voix, que vient toujours gripper un petit grain de sable… Ce qui relance alors la machine dans une direction encore différente. Sur chaque voie mélodique apparaît systématiquement un carrefour inattendu, si ce n’est un nouveau véhicule sonore qui déboule et qui conduit l’auditeur à garder l’oreille en alerte. Sorti sur l’excellent collectif Effervescence, leur dernier album a d’ailleurs su séduire Jean-Louis Brossard qui leur a proposé la scène de l’Ubu lors des dernières Transmusicales, ainsi que La Blogothèque qui s’est déplacée à Rennes pour les filmer pour un « concert à emporter »…
Alter1fo : Si vous deviez vous présenter en quelques mots ou quelques lignes, que diriez-vous ?
Nous sommes tous les trois nés entre 80 et 82 en Auvergne. La Terre Tremble!!! est un peu un accident de parcours : ce qui commençait comme un espace de liberté dans notre garage est devenu un vrai groupe qui essaye de faire non pas de la bonne mais de la belle musique. C’est plus ou moins rock, assez mouvant, entre lyrisme et froideur, avec de violentes ruptures de tons, et des mélodies ni joyeuses, ni tristes… Ah, les questions de présentation, c’est pas les plus évidentes !
Vous êtes programmé dans le cadre du concert du prochain Jeu de l’Ouïe. La conférence de Pascal Bussy aura cette fois pour thème « Marges et avant gardes du rock ». Comment vous situez-vous par rapport à cette définition ?
La conférence peut être intéressante, mais justement parce que nous nous méfions de ces termes ! L’Avant-Garde c’est une notion que je trouve casse-gueule, dangereuse même, je mets au défi n’importe-qui aujourd’hui d’assumer une posture avant-gardiste. Etre neuf, vierge, à chaque seconde, vous y croyez ?!
Quand on fait de la musique, qui plus est du rock, on est forcément un peu voleur. Rien ne t’appartient, tu ne génères rien. Tout ce que tu pourras faire c’est de transformer un lourd bagage que tu te trimbales, une matière, en la faisant naturellement passer par ton prisme…
Nous, c’est en ce sens qu’on préfère se rattacher au terme d’artisanat. On a démarré La Terre Tremble !!! avec l’idée un peu religieuse qu’il fallait justement recréer du «lien» là où la musique avait était déconstruite durant plus d’un siècle, et notamment par l’Avant-Garde, le romantisme, des courants où l’individu se place au coeur de tout, avec l’Artiste sur son piédestal Culturel.
Mais pour nous, des groupes incroyables comme Captain Beefheart, Faust, Can, Red Krayola, Pere Ubu, This Heat, Gastr Del Sol, Earth, ce ne sont pas des déstructeurs.
Plutôt une relecture très singulière, offensive, juste et belle des musiques populaires, ou contemporaines, ou du blues, ou même de trucs qui touchent plus à la tragédie, la comédie…
Après c’est plutôt au critique ou à l’auditeur de juger selon ses propres critères la dose de «marginalité» (ou simplement d’originalité) d’un artiste.
L’avant-garde, on y aspirait peut-être quand on avait 20 ans, et qu’on voulait clouer le bec à tous les vieux cons qui stigmatisaient tout, nous répétant qu’il n’y a plus d’alternative possible de nos jours, que tout est fini, tout n’est que vain recyclage… Alors on voulait «inventer» (imaginez la déception!)…
Maintenant on se pose moins de questions, on fait, on agit, on digère lentement les choses sans même le savoir.
Et puis la marge implique qu’il y ait des cadres, mais je crois qu’on préfère encore se cantonner aux cadres, à l’intérieur desquels on se sent plus libre de mouvements. La limite, ça a quelque-chose d’assez libérateur.
Quelles sont les influences que vous revendiquez ?
Et bien comme je viens de dire, rien ne nous appartient. Et tout ce qu’on a bouffé, de la grande gastronomie jusqu’à la pauvre junk-food, on l’a forcément assimilé quelque-part pour le relâcher dans la nature. Après il y a des artistes qui nous ont aidés à passer des paliers, qui nous ont notamment aidés à comprendre qu’en musique tout n’est que confrontation (et non pas mélange.) Il y a les groupes que je viens de citer juste avant, mais aussi les Beatles forcément, Van Dyke Parks, Jim O’Rourke, David Grubbs, Charles Ives… Plus que leur musique elle-même, c’est presque leur démarche et leur vision des choses dont on s’est influencé.
Si vous deviez citer trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?
«Tejas» de ZZ Top (en version LP original !), «Corky’s Debt to His Father» de Mayo Thompson, et je n’ai pas envie d’en trouver un troisième, c’est là que ça devient galère (Pretty Things ? Beatles ? John Fahey ? Television ? Glenn Gould ?…non, impossible de choisir !…)
Est ce que La Terre Tremble !!! est votre premier groupe ? Avez vous eu d’autres projets avant ?
Oui, mais jamais rien de concret ! Ca fait plus de 16 ans que je joue avec Julien, et 10 ans qu’on joue avec Benoît. La Terre Tremble!!! est né il y a 5 ans quand on s’est tous les trois dit : «et si on arrêtait de s’emmerder à jouer avec des gens qui ne comprendront jamais vraiment ce qu’on veut, ou surtout ce qu’on ne veut pas !». Donc, avant ça, depuis l’adolescence, on a eu le temps d’avoir quelques projets (surtout des idées de projets!) instables, souvent éphémères : du hard/metal pubère jusqu’à l’expérimentation free, en passant par les boeufs rock psychédéliques !
Lorsqu’on vous écoute, on est surpris par le nombre d’idées qu’on trouve dans vos morceaux… Vous êtes moins sur « Une idée, une chanson » que sur 15 idées par titre ! Comment composez-vous ? A trois ? Chacun amène ses parties ? Vous improvisez ?
Quand on aura le secret de fabrication, je pense qu’on pourra arrêter ! La conception a été différente pour chaque album, et même pour chaque chanson.
Là, on attaque la composition d’un nouvel album, et on ne sait même pas comment les choses vont se dérouler ! Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’effectivement jamais personne n’arrive avec un morceau composé de A à Z. Parfois quelqu’un arrive avec une idée globale mais très floue d’un ensemble, juste une idée vague de ce qu’on aimerait entendre sur un disque ou dans un concert, alors on en discute beaucoup, avec des mots plus qu’avec des notes ! Et là, tu dois creuser dans la matière, car chacun en a une tonne avec lui !
C’est là qu’on tisse, qu’on assemble, qu’on confronte, sans trop improviser, tout en essayant de narrer quelque-chose. Et Dieu sait que c’est pénible d’arriver à un résultat fluide quand tu as ces «15 idées» en vrac (mais des fois il y en a zéro.) Ajoutons que les chansons naissent souvent sur disque sous des formes assez froides et brutes, un peu comme de solides points de départ pour une réinterprétation plus vivante sur scène.
Comment s’est passée votre rencontre avec le collectif Effervescence ?
C’est plus ou moins arrivé via notre rencontre avec Papier Tigre, il y a moins de 2 ans. Un groupe assez éloigné de ce qu’on fait avec La Terre Tremble !!!, et pourtant ça a été une vraie forte claque, réciproque du coup ! S’est par la suite créée une sorte de petite fratrie entre nous, puis on a rencontré Julien, le gérant du label, qui nous a vu en concert, et ensemble on est parti à l’aventure, et depuis ça se passe très bien. On ne connaît pas encore si bien que ça tous les musiciens du collectif.
Effervescence a été créé à Nantes dans un esprit très local, amical, on peut aller jusqu’à dire familial, et ils ont fonctionné ainsi pendant longtemps.
Nous, forcément on fait figure d’étrangers, comme des cousins éloignés venus du Puy de Dôme ! C’est dur de s’intégrer complètement à un groupe déjà très établi. Ils ont leurs codes, leurs rites… et nous avons les nôtres !
Ensuite, c’est là où ça devient intéressant, on s’enrichit mutuellement.
La Blogothèque est venue vous chercher pour un « Take away Show ». Quelles retombées a eu ce tournage pour le groupe ?
C’est un des premiers trucs dont on nous parle quand on joue quelque part ! Les gens viennent nous voir en nous disant avoir adoré ce truc… Et par contre, on nous parle beaucoup moins du disque !!! Faut croire que le média fait la force… No comment !
Sur la scène rennaise, comment vous situez vous ? Etes-vous en contact avec d’autres artistes rennais ? Desquels vous sentez vous proches ? Vous retrouvez vous dans la démarche d’autres artistes hexagonaux ?
Ce n’est pas aisé de parler de «scène» rennaise : je serais tenté de dire qu’il n’y en a aucune. Par contre il y a plein de microcosmes, très riches. Et qui ne se croisent que rarement. Donc tu ne peux pas en avoir une vision globale, c’est forcément biaisé, tu fréquentes telles personnes, tel clan, telle asso.
Mais je trouve qu’en 6 ans de vie à Rennes, et c’est sûrement dû à notre statut d’étrangers (encore une fois!), on a quand même rencontré pas mal de gens différents, géniaux, venant de «familles» assez opposées, qui ne se croisent guère, ou parfois ne se connaissent même pas.
Le Jardin Moderne et la Bascule sont tout de même des bons espaces de rencontre, dieu merci. Et encore, y’a qu’à voir, en six ans on n’avait jamais rencontré Laetitia Sheriff jusqu’à la semaine dernière, et là on se rend compte qu’on partage pleins de goûts, pleins de visions…
Les gens sont sûrement un peu lents à se rencontrer, mais on est surtout très coincés !
S’il y a bien un musicien dans le coin dont on partage pleinement l’approche (et il n’est pas de Rennes même) c’est bien Régis Boulard.
Sinon, dans le reste de la France, on peut citer : Centenaire, Jean-François Pauvros, Red, L’Ocelle Mare, Gablé, Leo(88 Man), Elwood & Guthrie, Noël Akchoté, L’Enfance Rouge, Comelade, Chocolat Billy, Gregaldur, Miguel Constantino, et puis même Pierrick Sorin, Charles Pennequin, Fred Tousch… Bref, des vrais artisans, offensifs …et sensuels…
Après ce concert quels sont vos projets, vos actualités ? Un nouvel album en préparation ? D’autres concerts hexagonaux ou internationaux ?
Oui un nouvel album ! C’est la période la plus exaltante car on en est au point zéro, il est encore temps de se dire qu’on va faire «le meilleur truc du monde», ou du «jamais-vu» (pour reprendre les Avant-Gardes, tiens!) Et puis avant ça, toujours des concerts, une tournée en Belgique et Hollande est en préparation pour octobre. On se maintient dans l’excitation !
Merci !!!
Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici
(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)
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Myspace de La Terre Tremble !!! : http://www.myspace.com/laterretremble
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