Léonard Taokao présente ici son 2ème roman qui fait suite au « Carabistouilles Fiction » chroniqué il y a tout juste un an pendant les élections pestilentielles qui nous promettaient, à nous, pauvres larves laborieuses des lendemains qui chantent. Mais, « rien n’a encore changé » dirait un célèbre groupe de muridés déglingués. Alors on s’est remit fissa au boulot, et Taokao le premier, pour nous livrer ce conte urbain croquignolesque.

Point d’anticipation donc, les personnages sont ancrés dans le bourbier du quotidien. Yann Rivard (ou Ricard ? Il y a peut être un problème de typographie de la part de l’éditeur .. ?), vit paisiblement dans son mobil-home en banlieue Rennaise. Sa seule ambition, mise à part l’ingestion de la plus grande quantité de substances psychotropes, est l’écriture. Malheureusement l’ambition décline aussi vite que le corps se remplit d’alcool ou de drogues diverses. Et puis Yann attire les ennuis. La mauvaise herbe a mauvaise réputation et les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. Yann a d’autres handicaps. Son meilleur pote, Gérard Yaume, est un fouteur de merde patenté qu’il ne fait pas bon fréquenter si on ne veut pas alourdir son casier judiciaire. Et surtout Yann est un écorché vif qui a une certaine clairvoyance, ce qui ne l’incite pas à la prudente diplomatie : « Au comptoir, je me glissai à coté de deux abrutis bien attaqués à l’anis …. Ils débattaient de savoir qui pouvait sauver la France, l’un défendait les fachos et l’autre le retour à un communisme pur et dur, choix épique. Les deux gars portaient le même T-shirt à l’effigie de Johnny ….Ma conclusion était simple : sous l’extrême gauche ou sous l’extrême droite les gens comme moi finissent fusillés … ».

L’avenir d’un gars comme Yann Rivard, est simple. Il n’en a pas. No Future … comme hurlait Johnny le pourri en 1977. Mais le hic, c’est que son copain Yaume, en renversant un jeune gitan va mettre le feu au poudre. Les 2 pieds nickelés, vont être entrainés dans une cascade d’embrouilles où ils vont réussir à se mettre à dos, en plus des gitans, la mafia locale, les albanais, les turcs, les nazillons et la maréchaussée… Léonard Taokao joue avec la surenchère des situations et nous entraine dans une course folle qui devrait se finir logiquement dans le décor.

Mais la mauvaise herbe va au delà des rocambolesques aventures de Yann Rivard. Taokao pose la douloureuse question du déterminisme politique. Que faire quand on a été « Gauchiste au lycée, libertaire à l’université et totalement blasé aujourd’hui » ? Chez les « Ni Dieu Ni Maitre » on sait qu’il est difficile de retrouver la foi. Il y a 2 écoles de reconversion, l’écologie, mais on imagine mal Yann Rivard se mettre au vert, sauf peut être pour se lancer dans la production massive de marijuana, et le nihilisme qui permet une abstraction salutaire de ses congénères. Le hic, c’est que le nihilisme nécessite un fond de roulement difficilement compatible avec le travail salarié. De toute façon, Yann Rivard aura d’autres problématiques à régler avant d’envisager une retraite sereine.

Ce deuxième roman de Léonard Taokao est à l’image de son pseudo, une ode au Chaos où les bons mots agrémentent continuellement le récit. On y apprend enfin que « les prophètes d’extrême gauche, ayant passé leur semaine à vomir sur le méchant capitalisme, se précipitent devant leur télé achetée à crédit pour applaudir des millionnaires occupés à taper dans un ballon fabriqué par des gosses payés un bol de riz ».… et si je vous dit que le livre a été édité dans la collection « Borderline » vous me croirez ?

Liens
L’éditeur Territoires Témoins
La page de Léonard Taokao sur calibre 35

Mauvaise Herbe – Léonard Taokao – Editions Territoires Témoins/Borderline – juillet 2012 – ISBN 978-2-918634-13-3