CRA se passe près de chez vous : Témoignage de Wahbi

A quelques centaines de mètres du parc des expositions, proche de l’aéroport, au bout d’un cul-de-sac, loin des regards, se trouve le centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Dans ce centre, sont enfermées des personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français que l’administration cherche à expulser. Rien ne leur est reproché sur le plan pénal. Leur privation de liberté est uniquement fondée sur leur situation administrative.

La Cimade, association de solidarité active avec les personnes migrantes, intervient au centre de rétention. L’une des missions que s’est donnée l’association est de rendre visible la rétention et les personnes enfermées afin de dénoncer ce système et exiger la fermeture de tous les CRA. Dans ce cadre, elle recueille les témoignages de personnes retenues afin de faire entendre leur voix.

L’équipe d’Alter1fo a décidé, en collaboration avec la Cimade, de donner une place à ces récits souvent dramatiques puisque, derrière les barbelés et les grillages renforcés, se jouent des drames humains.

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Wahbi est arrivé en France mineur. Il aurait dû être pris en charge et suivi socialement, cela n’a été le cas. Il s’est retrouve à la rue. Pour autant, il a réussi à apprendre le français, à se débrouiller pour vivre. Il a rencontré une jeune femme avec qui il s’est installé. Ils avaient des projets de vie en commun. Mais suite à un simple contrôle d’identité, il a été placé au centre de rétention de Rennes.

« De raconter tout ça, ça me fait penser à plein de trucs que je préfèrerais oublier… »

Wahbi : « Ici, franchement, je suis dégouté, je suis déprimé, ça me rend fou.

A mon âge, je vois des gens qui font plein de trucs, des formations, le lycée, le bac, le permis … Moi, je n’ai même pas le droit de sortir dehors, c’est chaud. Ici, c’est chaud, on voit des femmes enceintes, des enfants.

J’ai traversé la mer à l’âge de 16 ans, j’ai réfléchi pour sortir de mon pays, pour me débrouiller, pour aider ma famille. Je suis venu j’avais un CAP soudeur, je l’ai eu à l’âge de 15 ans. J’ai commencé à 14 ans à aider ma famille. J’ai traversé la mer sur un petit bateau de 5/6 mètres avec une quinzaine de personnes. Le bateau à fait naufrage, je suis resté 25 jours dans le coma. En Italie, au début, ça allait car j’étais mineur.

Quand je suis arrivé en France, même mineur, ça ne se passait pas bien. Mon éducatrice, elle changeait tout le temps, je n’ai pas eu de suivi. On m’a donné des rendez-vous, tous les 2/3 mois,  mais à la fin, il ne s’est rien passé, je n’ai pas été pris en charge, je n’ai même pas vu un dentiste alors que j’avais une infection des dents.

Je me suis retrouvé à la rue, je ne parlais pas bien français, c’est difficile. Je ne savais pas quoi faire. Si j’avais été pris en charge et si j’avais été à l’école en France, ça aurait été différent. Après tout ça, je suis enfermé, je galère, c’est un truc de ouf.

Je pense à ma mère, elle a deux enfants. Ça fait 9 ans que je n’ai pas vu mon père, il est venu me voir au centre de rétention mais j’ai refusé la visite tellement j’étais choqué. Je pense à mon petit-frère et à ma petite-sœur. Ma mère ne travaille pas, c’est galère là-bas.

J’ai 18 ans. Des gens m’ont aidé à trouver des petits boulots pour que je puisse manger et m’habiller, j’ai jamais fait de mal à quelqu’un. Là, je veux me calmer. J’étais avec ma copine dans un petit studio, j’étais bien. J’avais un peu d’argent. Je veux avancer. Je ne sais plus quoi dire.

De raconter tout ça, ça me fait penser à plein de trucs que je préfèrerais oublier.

Mais ça va aller.

Un jour. »

Wahbi
Expulsé après 59 jours d’enfermement, deux jours après avoir livré son témoignage.


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