[Centre des Congrès] : Des retombées économiques calculées par une simple… multiplication

La multiplication est l’une des quatre opérations de l’arithmétique élémentaire avec l’addition, la soustraction et la division. Cette opération est souvent notée avec la croix de multiplication « × », mais peut aussi être notée par d’autres symboles (par exemple le point médian « · ») ou par l’absence de symbole.

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20 millions d’euros ! Ce montant qui ressemble à une cagnotte record du Loto est l’estimation des retombées économiques du centre des congrès à Rennes. On l’avoue, cette affirmation nous questionnait drôlement surtout qu’elle revenait régulièrement dans les articles de journaux, sans compter la presse institutionnelle. La preuve – s’il en fallait une – avec cette liste non-exhaustive :

  • 8 mars 2017 (latribune.fr): Avec à la clé, 20 millions d’euros de retombées économiques pour le territoire.
  • 16 oct. 2017 (centre-congres-rennes.fr) : L’ouverture en janvier 2018 du Couvent des Jacobins va générer des retombées économiques de l’ordre de 20 millions d’euros chaque année.
  • 20 nov. 2017 (ouest-france.fr) : En termes de prévisions économiques, on table sur des retombées de l’ordre de 20 millions d’euros par an pour le territoire.
  • 12 déc. 2017 (bretagne-economique.com): En janvier 2018, le nouveau centre des congrès de Rennes va ouvrir ses portes. Construit en lieu et place de l’ancien couvent des Jacobins, il  devrait  générer des retombées économiques de l’ordre de 20 millions d’euros chaque année.
  • 15 déc. 2017 (lemoniteur.fr): « On évalue déjà les retombées économiques de l’activité du Couvent des Jacobins à plus de 20 millions d’euros par an» estime Emmanuel Couet, Président de Rennes Métropole »
  • 15 déc. 2017 (france3-regions.francetvinfo.fr): Pour Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole, le centre des congrès va dès 2018 générer « 20 millions d’euros par an d’activité pour les entreprises locales dans la restauration, l’hôtellerie, la logistique… ».
  • 8 janv. 2018 (lentreprise.lexpress.fr): « notre ville vit un moment exceptionnel de transformation, entre dans une nouvelle décennie, se rénove en retrouvant son identité« , s’est félicité la maire socialiste de Rennes, Nathalie Appéré, qui attend 20 millions d’euros de retombées par an « en faveur du tissu économique local et du commerce de centre-ville« .
  • 8 janv. 2018 (culturebox.francetvinfo.fr): Nathalie Appéré, qui attend 20 millions d’euros de retombées par an « en faveur du tissu économique local et du commerce de centre-ville.
  • 9 janv. 2018 (ouest-france.fr): Les retombées économiques attendues seraient de 21 millions d’euros.
  • 20 janv. 2018 (leparisien.fr): Plus de 120 événements professionnels y sont déjà programmés en 2018. « Nous visons des retombées économiques à hauteur de 20 M€ chaque année », assure la maire de Rennes. Le tourisme d’affaires est devenu la nouvelle religion des grandes métropoles.
  • 22 janv. 2018 (ouest-france.fr): D’après les évaluations récentes faites sur le sujet par France Congrès, on peut raisonnablement estimer les retombées économiques directes et indirectes à près de 20 millions d’euros par an pour le territoire.
  • 11 avr. 2018 (servirlepublic.fr): « Nous visons des retombées économiques à hauteur de 20 millions d’euros chaque année », espèrent de concert Nathalie Appéré et Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole

Tout ce rabâchage médiatique nous chagrinait un peu puisque le mode de calcul conduisant à cette somme n’était jamais clairement démontré. A vrai dire, nous ne l’avons jamais trouvé et ce n’est pas faute de l’avoir cherché. Fallait-il donc croire sur parole nos responsables ?

Nous avions bien tenté d’écrire au service de presse de la Métropole à l’époque où il daignait encore nous répondre (NDLR : temps révolu, soupir…) mais leur réponse fut laconique. On avait même laissé notre interrogation sous leur compte twitter dès l’année 2016 (NDLR : voir ci-dessous) ; question restée lettre morte, comme d’habitude. Du coup, on n’a pas insisté, hein… on est des gens polis.

Dans notre petite tête de citoyen naïf, on imaginait ces « 20 millions d’euros » sortis tout droit d’un open-space rempli de comptables plus diplomé·e·s les un·e·s que les autres, affairé·e·s à entrer dans des logiciels made-in « French-Tech » des équations complexes, indexées sur des hypothèses formulées à partir de paramètres pré-définis. Cela devait être sérieux tant la facture du centre des congrès qui n’a eu de cesse de s’alourdir(1) aiguisait les appétits des commerçant·e·s du centre-ville et leur impatience. Il faut dire qu’avec ces années de travaux, entre la rénovation du Couvent, la création de la seconde ligne de métro, la transformation de la place Saint-Anne, il leur fallait donner un peu d’espoir en l’avenir.  Et puis, en cette période de lutte contre les fake-news, une telle information ne pouvait pas être délibérément distillée au grand public sans avoir été maintes et maintes fois vérifiée. Enfin, c’était comme ça qu’on l’imaginait dans notre petite tête de citoyen naïf.

Mais au détour d’une interview retranscrite dans Le Mensuel de Rennes (Novembre 2018),  Jean-François Kerroc’h, le directeur général de Destination Rennes (NDLR : celui qui n’hésite pas à monter au créneau dans la presse pour défendre sa tour signal devant l’attaque perfide d’une pétition lancée sans nul doute par un gauchiste mal luné), nous lâche le secret si bien gardé.

Source : Le Mensuel de Rennes

En fait, cette annonce des « 20 millions » n’est issue que d’une simple… multiplication. Comme celle qu’on nous apprend en primaire. Kerroc’h l’affirme clairement dans le magazine : « On multiplie le nombre de congressistes par le nombre de jours passés. On multiplie le résultat ensuite par 200€ pour la clientèle nationale et 400€ pour la clientèle internationale ». La Société publique locale (SPL) qui exploite le Centre des Congrès se baserait donc uniquement sur une grille tarifaire ? Mais alors, fournie par qui ? Et à partir de quels éléments ?

On retrouve bien des études sur les internets comme celle de 2011(2) qui évaluait la dépense moyenne d’un congressiste étranger à 300€ cependant les commanditaires étaient Atout France (une agence de développement touristique en France), France-Congrès (spécialisé dans l’accueil des rencontres professionnelles) et la CCI de Paris… des organisations qui ont plutôt intérêt à faire miroiter un riche pactole pour faire passer la pilule de l’investissement initial. Et comme fait exprès, Destination Rennes a déboursé plus de 12000€ pour adhérer à différentes associations professionnelles dont ATOUT FRANCE-CEFTAR, Ouest-Congrès (cf. Rapport d’activité SPL Destination Rennes – Centre des congrès – 27/09/2018)

Dès 2007, le Conseil Économique et Social indiquait pourtant que l’on ne disposait de « peu, voire pas de statistiques globales et homogènes fiables, tant au plan national pour mesurer le poids du tourisme d’affaires et suivre son évolution(3) ».  Il précisait également qu’à cette difficulté s’ajoutait « l’absence de méthodologie unifiée s’agissant aussi bien des définitions que des modes de calcul des retombées économiques de l’ensemble des manifestations. » Du coup, au vu de cette analyse financière aussi simpliste qu’un édito de Pascal Praud, le chiffre est juste discutable et ressemble plus à de la poudre de perlimpinpin qu’à une sérieuse base de travail. On a juste envie de rire. Ou pleurer.

(1) A Rennes, la facture du futur centre des congrès s’alourdit

(2) Étude sur les retombées économiques de l’activité des salons en France et en Île-de-France

(3) LE TOURISME D’AFFAIRES : UN ATOUT MAJEUR POUR L’ÉCONOMIE

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