Festival Politikos : ça nous coûte « un pognon de dingue ! »

Après Porto-Vecchio en octobre 2017, c’est au tour de Rennes d’accueillir un festival du film politique. Programmer un nouveau temps fort semble risqué tant la ville connaît un agenda surchargé en cette saison… mais pourquoi pas ! Le dynamisme d’une cité se démontre aussi par la diversité de ses offres culturelles. Cependant, ce projet porté par une association parisienne{1} est, à notre plus grand étonnement, largement soutenu financièrement par les pouvoirs publics. En tout, près de 330 000 euros de subventions seront versées malgré un contexte de baisse des dotations et de restrictions budgétaires. De quoi faire grincer des dents et créer quelques inquiétudes…

François Hollande, Julie Gayet, Franz-Olivier Giesbert, Mazarine Pingeot, Frédéric Mitterrand, Stéphane Bern… On aurait pu croire au casting de la deuxième édition des assises de Ouest-France « (v)Ivre Ensemble », mais non ! Le gratin politikos-médiatikos est cette fois-ci invité à débattre à l’occasion de ′POLITIKOS′, un festival de cinéma politique qui se tiendra au centre des congrès du 1er au 4 novembre. Tandis que Court Métrange se terminera tout juste à cette période, ajouter un nouveau temps fort à l’agenda rennais déjà surchargé (Yaouank, Maintenant, Jazz à l’Ouest, le Grand Soufflet etc…) semble être un pari osé et non sans risque.

Étonnamment, dans un contexte moribond de restrictions budgétaires où chaque euro est compté, les soutiens publics à ce projet sont d’une exceptionnelle générosité. Impulsé par le journaliste Jean-Michel Djian, déjà présent aux assises du « (v)Ivre Ensemble », et avec l’aide de Nathalie Sultan, l’ancienne conseillère culture de Manuel Valls, ′POLITIKOS′ va recevoir 3 gros chèques :  100 000 euros venant de Rennes Métropole, 200 000 euros de la Région Bretagne provenant de crédits dédiés à l’attractivité et à la communication et 30 000 euros du Département.

Une fois l’addition faite, le montant fait grincer des dents. « C’est indécent » nous lâche en off une personne impliquée dans le monde associatif culturel. « On nous répète sans cesse qu’il n’y a pas d’argent et là, la région débloque 200 000 euros alors qu’habituellement elle ne subventionne jamais la première édition d’un festival. »  A Rennes, comme partout ailleurs, les petites structures locales doivent constamment jongler pour garder leur équilibre financier ; un casse-tête rendu encore plus difficile avec la réductions drastique des contrats aidés.

Morvan Le Gentil (EELV) s’est fait l’écho de cette incompréhension au dernier conseil métropolitain et s’étonne que malgré « de nombreux appels à favoriser l’accès des acteurs locaux pour des événements au Couvent des Jacobins, Rennes Métropole apporte un soutien d’un montant exceptionnel à une association parisienne pour qu’elle y installe durablement sa manifestation [alors que cette dernière] n’implique aucun acteur du territoire, sauf pour deux locations de salles, à l’Arvor et au TNB. »

Jeu des 7 erreurs – Compte Twitter

Benoit Careil, adjoint à la culture de la ville, ne mâche pas non plus ses mots. Il déplore un manque de concertation : « Les subventions publiques à Politikos sont totalement inédites dans leur portage politique […] Elles ont été décidées par les présidents et seront prélevées sur de mystérieux budgets de communication. C’est bien sûr incompréhensible  pour les acteurs régionaux de la filière cinéma et du documentaire et contradictoire avec les politiques culturelles des 3 collectivités ! La Ville de Rennes a refusé de soutenir le projet. » 

Dans une interview au magazine Le Point(2), partenaire du festival, Jean-Michel Djian avoue effectivement avoir rencontré dans un premier temps le Président de la mafia en France(3) région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard qui s’est laissé convaincre. On connaissait déjà le parachutage en politique – Gaspard Gantzer qui a confirmé sa venue pourrait évoquer aisément le sujet – mais sommes-nous en train d’observer le même phénomène pour des événements culturels ? « Un programmateur, aussi talentueux soit-il, ne travaille pas hors-sol » indiquait Benoît Careil au début de son mandat.

Avec la venue de nombreuses personnalités publiques, nul doute que les médias seront au rendez-vous pour relater et relayer l’événement. Ce soutien inconditionnel des pouvoirs publics n’est donc pas  fortuit ni désintéressé. Preuve que pour certain·e·s, le rôle du centre des congrès se réduit à un vaste support publicitaire destiné à « rayonner » et à « faire rayonner ». Hashtag #hommesandwich. Et tous les moyens financiers sont bons, quitte à bousculer l’écosystème culturel local.

NDLR : Des pensées au collectif du Comptoir du doc, qui assure depuis près de 20 ans avec une véritable notion de partage, la promotion et la diffusion du film documentaire sur notre territoire et qui va se retrouver sans domicile à la fin de l’année. Une faible part du magot lui aurait, sans nul doute, permis de voir l’avenir plus sereinement. 

MISE a JOUR (05/07/2018) ! La Région nous écrit ceci :« Nous avons pris connaissance de votre article sur ce futur festival et tenions à vous préciser que le soutien de la Région est bien de 200 000 € et non de 300 000 €. Cette enveloppe ne provient pas du budget culture mais de crédits dédiés à l’attractivité et à la communication de notre territoire.»  


(1) D’origine parisienne mais domiciliée au cinéma Arvor au 28 rue d’Antrain depuis novembre 2017 ;

https://www.journal-officiel.gouv.fr

(2) Extrait de l’interview de Jean-Michel Djian au magazine Le Point

Justement, comment est né Politikos ?

Pour la première fois, nous allons réunir trois genres cinématographiques qui ne se parlent pas : le film, la série et le documentaire. Et pourtant, ils travaillent tous, parfois, sur le même terrain : la politique. Tout cela s’est construit avec Nathalie Sultan, l’ancienne conseillère culture de Manuel Valls à Matignon, aidée de beaucoup de bénévoles. Il y a aussi Dana Hastier et Clémence Coppey, les piliers de l’architecture du documentaire sur France Télévisions, et le producteur Jacques Hinstin. On partait de zéro, sans un centime pour monter ce festival, donc il a fallu mobiliser les pouvoirs publics. J’ai d’abord rencontré le président de région Loïg Chesnais-Girard, qui a été convaincu par le projet, puis les collectivités (ville, département, NDLR). Elles financent Politikos à hauteur de 450 000 euros. C’est une marque de confiance, je crois.

(3) « Les Bretons, c’est la mafia française » : quand la plaisanterie de Macron ne fait pas rire.


Jean-Yves Le Drian, ministre de la « mafia » bretonne
Politikos : 100 000 € de la métropole pour un festival hors sol!
Le Centre des Congrès, déjà sous perfusion ?

 

2 commentaires sur “Festival Politikos : ça nous coûte « un pognon de dingue ! »

  1. MINGAM

    Y aurait-il un parachutage politique en vue ? un retournement de veste du Président (LCG)de la Région Bretagne ? Une OPA de La RépubliquE de Merde sur la Région Bretagne ? sur la Ville de Rennes ? Va comprendre Charles (Josselin) !

  2. Fabrice RONSIN

    Petit retour d’expérience d’un Rennais :

    … les déclarations d’intention pol’corr’, c’est pas bien difficile et ça mange pas d’pain : juste des subventions ( … beaucoup ) ;

    《 POLITIKOS souhaite permettre à un large public de découvrir des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles qui questionnent le pouvoir politique . 》

    Fauché et ne trouvant pas sur le site numérique de POLITIKOS les tarifs des achats de billets à l’unité ( seuls sont indiqués sur celui-ci les prix des différents « pass » … qui sont loin d’être « donnés » ), j’ai donc envoyé une aimable demande de renseignement par courriel ( renouvelée à dix jours de distance ) puis par Messenger .

    J’en ai profité pour signaler qu’aucun tarif préférentiel ( à l’exception de celui accordé aux étudiants ) n’est mis en avant sur le site Internet de POLITIKOS :

    le festival POLITIKOS propose-t-il un tarif réduit au bénéfice des allocataires de minima sociaux … ou pas ?

    Cela me semblerait tomber sous le sens, au vu des déclarations d’intention de POLITIKOS en matière de démocratisation culturelle ( dès les premières lignes de la page d’accueil du site Internet ) …

    JE N’AI REÇU AUCUNE RÉPONSE À CES DEMANDES LÉGITIMES DE RENSEIGNEMENT .

    Dois-je en déduire qu’esprit mondain d’entre-soi, discourtoisie et mépris de caste se conjuguent ensemble de la plus parfaite des manières chez POLITIKOS ( sous le coquet cloître de sciences po, ce qui n’a rien d’étonnant, mais aussi, plus étonnant, du cinéma L’ARVOR … institution culturelle rennaise qui affiche, ostensiblement et depuis des décennies, ses partis pris gauchistes ) ?

    Fabrice RONSIN .

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